mercredi 12 septembre 2012

Jour 4

Mercredi 12 septembre.
22 h 30.

Oui, qu’est-ce que je fous là ? Pas le courage d’écrire ma journée. Rien de transcendant. Joué au golf; parcours magnifique, des greens roulants comme des tapis de billard. Partenaire agréable, prévenant ; il m’a prêté son coupe-vent, j’avais froid, rien prévu de chaud et le vent était très frisquet. Joué comme un pied. Normal. Je joue mal quand je vais mal.

Ce soir au restaurant, à l’hôtel, toujours à la même table d’où j’ai un point de vue stratégique sur le ciel, la mer et sur les clients, j’observais les tables proches de la mienne :

- A ma gauche, le même couple qu’hier, des parisiens, je les ai vu sortir de leur voiture ce soir immatriculée 75. Un couple amoureux, peut-être illégitime, en tout cas heureux de vivre. Un régal de les voir déguster leur poisson qui arrive entier sur le plat, énorme. Ce soir une daurade. Étonnant, le serveur ne lève pas les filets il les laisse se dépatouiller au découpage mais j’ai l’impression que c’est à leur demande. L’homme avec une grande délicatesse ôte la peau du poisson, puis découpe les filets et sert sa compagne. Elle, est étonnante. Si j’étais un homme j’aurais envie de la croquer : une brune à la chevelure frisée, long cheveux indisciplinés. Visage naturel, sans maquillage. Pas jolie, non, seulement belle dans sa façon d’être, de déguster son poisson par petites touches, le gardant en bouche comme un vin (d’ailleurs ils boivent de l’eau), fermant les yeux, puis les ouvrant tout ronds en regardant son amant, une petite moue d’approbation à chaque bouchée, j’allais dire à chaque becquée. Lui, grand sourire, ravi de la voir se régaler. Lui, la cinquantaine, elle la quarantaine.

- Derrière eux : un couple, pas en goguette, légitime à coup sûr. Pas gai gai. En demi-pension comme moi, ils étaient là hier soir et ont le droit au même menu que moi.

- A ma droite un couple : hier soir j’ai cru qu’il s’agissait d’un vieux célibataire avec sa mère. Je ne la voyais que de dos et elle avait l’air d’une très vieille femme, lui pas jeune non plus mais le paraissant, au vu du dos de la femme (voûté, tassé, cheveux blancs jaunasses). Et puis ce soir ils ont changé de côté, du coup j’avais la femme de face. Moins vieille de face que de dos et j’ai compris que ce n’était pas sa mère mais sa femme.

- Plus loin, un couple sorti d’un film étrange : l’un (l’une ?) ressemblait à Elton John en pire, l’autre avait quelque chose dans le visage de Jean-Pierre Chevènement, mais de très loin; il n'avait pas sa prestance et semblait avoir les cheveux teints, comble de la vulgarité (selon moi) pour un homme. Elton John n’était que chairs molles, une moumoute blanche sur la tête, visage sans expression (à la différence du compositeur parfois très expressif), je ne l’ai pas vu parler une seule fois ni hier ni aujourd’hui. Ils séjournent à l’hôtel mais mangent  à la carte. Sont pas fous et sans doute fortunés. Ce matin au petit déj. je l’ai vu debout, grand, large, il paraissait encore plus flasque que dans son fauteuil. J'écris il mais je ne saurai dire si c’est une femme ou un homme.  Ce faux "Chevènement" avait l’air d’un nain cabossé à côté de lui.

J’arrête là le résultat de mes observations, aux autres tables des Allemands. L’hôtel est au trois-quarts rempli par des Allemands. Je remarque une femme élégante, elle ressemble à Marthe Keller et parle avec la même voix, le même accent.

Conclusion, il n’y a que ce couple de parisiens qui m’enchante... et le ciel au soleil couchant toujours aussi beau. Je l'ai pris en photo avant de rentrer dans le restaurant mais c'est vraiment quand il disparaît que le ciel nous offre sa palette supéfiante. Je crois que je ne reverrai pas ce que j'ai vu hier soir, c'était exceptionnel.


Et moi, pauvre pomme, seule à ma table, je mérite aussi sans doute qu’on se fiche de moi. Ce soir, je n’ai pratiquement rien mangé : entrée passable, plat insipide, dessert banal des boules de glace. J’ai les boules.

Déjà trois jours que je suis là, je dois absolument éliminer mes pensées négatives afin de profiter des derniers jours avec enthousiasme. Regarder autour de moi, contempler et me dire que j'ai de la chance d'être là, ça devrait marcher non?