mardi 24 juillet 2012

Mont-Blanc Express

J'ai un peu occulté ma semaine passée à Chamonix avant celle d'Evian, cette dernière m'ayant laissé des souvenirs si exquis, encore vivaces.
Mais en lisant cet article après l'avalanche survenue sur le Mont-Blanc au Mont Maudit, j'ai repensé à ce séjour.


"Le téléphérique de l'Aiguille du Midi était toujours fermé samedi en raison de rafales devant soufflant à 100 km/h à son sommet (3.842 mètres), rendant ainsi inaccessible la voie d'ascension au Mont-Blanc dite des "Trois Monts".
C'est sur cette voie que les neuf alpinistes ont trouvé la mort, leurs cordées ayant été surprises tôt jeudi matin par une coulée de neige à 4.000 mètres d'altitude, sur la face nord du Mont Maudit.
Seule une poignée d'alpinistes, bloqués en raison de la fermeture du téléphérique, ont passé la nuit de vendredi à samedi au refuge des Cosmiques, passage obligé pour emprunter cette voie.
"Les conditions sont hivernales. Il a neigé, il y a du vent, il fait froid. Aujourd'hui, ça ressemble plus à un phare qu'à un refuge, vu le peu de fréquentation", a indiqué à l'AFP Laurence Cantèle, gardienne des Cosmiques depuis 19 ans.""

Et je me disais que - bien que le temps fin mai était moins hivernal mais tout de même moins estival que l'année passée - j'avais été bien imprudente de monter à l'Aiguille du Midi par le téléphérique en tenue de touriste irresponsable. Je réalise seulement aujourd'hui mon inconscience. Bien sûr, à Chamonix, la température était proche des 25° mais déjà à la première étape du téléphérique le temps était bien frisquet, environ -5°, au point que - cette année - je ne suis pas montée jusqu'en haut où la température annoncée était de -11°. Je n'avais que deux pulls et les gambettes à l'air. Que serais-je devenue si je n'avais pas pu reprendre le téléphérique pour cause de "rafales de vent" et si j'avais dû passer une nuit dans la cabane en bois du Bar, sans parka, sans doudoune, sans pantalon? J'en frémis. Et je n'étais pas la seule dans le téléphérique en tenue de touriste!

Photo de mai 2011.


Photos de mai 2012 prises au même endroit. La neige était plus abondante.



Aujourd'hui les souvenirs de mon séjour resurgissent et j'ai profité de mon pass transports en commun, bien plus que l'année dernière. De ma chambre d'hôtel à Chamonix, le panorama sur la chaîne de montagnes et le Mont-Blanc est toujours aussi extraordinaire! Parmi mes journées mémorables, il y eut celle passée à Servoz. A la réflexion, je me trouve intrépide d'oser faire toutes ces balades en solitaire; sur le moment je n'ai aucun sens d'un quelconque danger.



A travers la vitre du train, cette voiture au milieu de la route!

En arrivant à Servoz il faisait extrêmement chaud et j'entrais dans l'église surtout pour trouver un peu de fraîcheur, mécréante que je suis. Cependant je m'y recueillais en contemplant le choeur, l'autel et ce Christ dans le bleu (du ciel?) de la voûte me ramenait vers toi et cette folle soirée où un de tes amis (nous étions six pour le dîner préparé par toi) t'avait mis au défi de peindre à l'huile un Christ sur une toile vierge en une heure. Le Christ était une de tes obsessions, je n'en connaissais pas la raison. Pari réussi en quarante-cinq minutes, le visage du Christ d'un bleu sombre monochrome apparut, tourmenté, magnifique. Tu étais sûr de toi et moi j'avais le trac. Le dîner avait été assez arrosé. L'ami acheta la toile ce soir-là;  il dut revenir la chercher, attendre qu'elle soit sèche. Que n'avais-je en ce temps-là le réflexe de tout photographier... le numérique n'existait pas.

Assise au fond de l'église, je pris les deux photos ci-dessous discrètement pour ne pas déranger ces touristes-étudiants concentrés sur leur travail; ils étaient en train de croquer des détails. Ils donnaient à cet instant que je vivais une intensité étrange, lumineuse, empreint de spiritualité; c'est un hasard heureux me disais-je et je ne savais pas encore que j'allais les retouver plus tard...




Casquette vissée sur la tête je suis sortie imprégnée de ce calme, je n'aurais pas aimé entendre les cloches. Je me suis dirigée vers les Gorges de la Diosaz. Sur le chemin j'aperçus un beau cheval, je n'allais tout de même pas le prendre en photo! Je m'arrêtais sur la vitrine d'une galerie : Mille lieux du monde, un immense tableau m'incita à rentrer et je découvris de beaux objets sur l'art tribal. Je souriais en pensant à une famille résidant dans le même hôtel que moi à Chamonix, qui m'avait proposé ce même jour de visiter avec eux les Saint-Bernard. Ils étaient en voiture, j'avais préféré prendre le train et me laisser porter dans Servoz sans planning. Je ne le regrettais pas. J'arrivais aux Gorges et j'avais sifflé ma demi bouteille d'eau; la chaleur devenait étouffante et la marche un exploit. Sur un petit pont traversé par l'Arve, j'écoutais le bruit du torrent comme une bouffée d'air frais. Je fis une courte promenade, il eut fallu que je consacre une après-midi entière pour voir les Gorges... Je suis une touriste qui erre, sans but, sans m'attarder sur les sites... Sentir l'environnement, souvent majestueux à la montagne, suffit à ma contemplation, à mon bonheur.


Mais je commençais à avoir vraiment soif et je n'avais plus d'eau; pas une fontaine sur mon chemin. Je revins alors vers le centre du village, en cette fin mai de nombreuses boutiques et bars étaient encore fermés, à moins qu'ils ne le fussent qu'à l'heure de la sieste? J'aperçus - ô  joie - un chalet avec une terrasse, certainement ouvert puisqu'il y avait deux messieurs attablés! Je devais être rouge comme une tomate, je les saluais et m'apprêtais à m'asseoir à l'ombre; j'allais enfin reposer mes gambettes et me désaltérer! L'un d'eux m'interpella gentiment  et me dit : nous sommes fermés! Flûte, je n'ai pas de chance... "Mais vous pouvez vous asseoir" me dit-il. Je le remercie avec un grand sourire. Ce devait être le patron avec un ami? un employé? Je sors ma demi bouteille d'eau de mon sac, je savais pourtant qu'il n'y en avait plus une goutte mais : regarder, n'est-ce pas absorber? Hum! Je prends cette photo d'un chalet de l'autre côté de la route...


Je les regardais finir de déjeuner (à l'heure espagnole), Rosé sur la table (si mon souvenir est bon, je n'en suis pas sûre) et une bouteille d'eau, sur laquelle je me serais bien jetée. Après quelques minutes l'aubergiste se leva, vint vers moi  et me dit : "Que désirez-vous boire, je vous offre ce que vous voulez". Mazette! Il a un visage sympathique avec sa barbichette!* J'en bafouillais : mais non, je vous remercie, je ne vais pas vous déranger.... bon d'accord,  mais alors je vous règle. "Non non, dites-moi ce qui vous ferait plaisir..." et son compère me regardait comme pour me dire : allez, acceptez!  Ce que je fis en lui demandant avec un sourire jusqu'aux oreilles sûrement aussi rubicondes que mes joues : alors je prendrai un Schweppes s'il vous plaît. Ouf! J'ai de la chance tout de même! Il est revenu avec un verre, des glaçons, une rondelle de citron et une bouteille de Schweppes. Ils m'ont ensuite demandé si j'étais en vacances, d'où je venais etc. sans doute étonnés que je voyage seule. Je savourais cette boisson pétillante au goût amer avec délectation. Cependant je ne m'attardais pas, j'avais encore à découvrir ce village.
Il était temps que je poursuive ma balade. Je les ai remercié chaleureusement avant de partir et j'ai fait cette photo (d'autres plus jolies dans le lien ci-dessous), je ne voulais pas oublier le nom de cette étape! Je compris plus  tard pourquoi le bar était fermé : ils devaient avoir fini le service du déjeuner du restaurant (qui a l'air excellent - voir les photos dans le lien sur la "galerie") et se détendaient enfin en déjeunant à leur tour, tranquillement. Et voilà qu'une intruse était venue les solliciter!


Au lieu-dit Le Bouchet à Servoz.



*Hôtel-restaurant Les Gorges de Diosaz (photos en cliquant sur "galerie", il y a une belle photo (interdite de reproduction) en noir et blanc du "patron" et, apparemment c'est lui qui est au piano!). Je ne peux que recommander cette charmante Auberge l'accueil y est très chaleureux!

Je me sentais requinquée et je remontais vers Le Bouchet, ça grimpait pas mal.  A mi-chemin, je m'arrêtais sur cette villa dont je venais de longer les murs du parc bien protégé des regards. Le portail était ouvert, les volets fermés; il y avait une camionnette et un homme qui bricolait. J'entrais et lui demandais si je pouvais faire des photos; non seulement il accepta mais me fit visiter le parc, immense, avec des arbres majestueux. Je pris une photo de la maison côté rue et côté parc. Il m'expliqua qu'il était chargé de l'entretien, qu'elle appartenait à une baronne parisienne qui n'y venait jamais. Il pouvait la surveiller de près puisqu'il avait une maison qui jouxtait l'entrée. Elle s'appelait Les Fiz et il y avait le nom de l'architecte sur une plaque. Quelle belle demeure!




Photos : collection particulière interdite de reproduction.

Je m'en tins là de ma promenade, je regardais la chaîne de montagnes et j'entamais la descente vers la gare, les trains n'étaient pas si nombreux. Sur le quai je retrouvais les "étudiants" des Beaux-Arts (?), je les avais croisés sur le pont. C'étaient des anglais.


Le jeune homme aux lunettes était d'une élégance very British. Même avec son sac à dos, il avait de la classe! En attendant le train il s'est mis à danser un rock avec une des jeunes filles, sans musique, c'était chouette. Il me vint à l'idée de regarder les panneaux de direction du train et je m'aperçus qu'il fallait attendre de l'autre côté pour retourner à Chamonix. Je leur montrais la pancarte et ils comprirent qu'il fallait traverser la voie. Le petit train rouge arrivait.



J'étais ravie de ma balade à Servoz. L'aurais-je trouvé aussi exquise, me serais-je arrêtée dans ces lieux si je n'avais pas été solitaire? Non, j'en suis absolument certaine. Et puis, prendre ses vacances en mai, sans la foule, un vrai luxe!

(A suivre pour une autre journée... que je relaterai plus brièvement).