Hier soir j'ai relu quelques pages des "Chroniques" de François Mitterrand dans La paille et le grain.
Au début de l'ouvrage il y a un Avertissement :
"Je n'ai pas l'intention d'écrire des "Mémoires" et je ne tiens pas un journal des événements que je vis ou approche. Mais je griffonne assez souvent des notes sous le coup d'une émotion ou par souci de fixer à leur date et dans leur contexte une impression, un fait, auxquels j'accorde une importance pour des raisons variables et qui restent subjectives. Ces notes attendent en vrac un sort incertain. Nombre d'entre elles demeureront inutilisées.[...]
Ce livre n'a d'autre plan que celui du hasard, et d'autre obligation que d'en traduire la nécessité. J'y pratique un genre hybride, ni exactement un journal ni précisément une chronique, bien que ces deux mots soient déjà venus sous ma plume [...].
J'ai choisi le titre "la paille et le grain" parce-qu'il résume assez bien ce que je pense de mon ouvrage. Je ne classe pas la paille parmi les matières viles tandis que le grain serait noble. A chacun son usage. Tout de même si au gré des pages le lecteur découvre, isole de quoi nourrir une certaine faim, qui est la mienne, d'aller plus loin que l'apparence, je me réjouirai de l'y avoir aidé."
C'est un livre que j'aime relire en piochant au hasard quelques pages. Celles-ci, lues hier soir :
Dimanche 17 octobre (1971)
Au spectacle de la nature il m'arrive souvent de vivre ces moments de bonheur où l'on s'arrête et dit : c'est le plus bel endroit du monde. La terre, notre amie, prodigue ses merveilles. Je la contemple depuis l'enfance sans épuiser jamais cette faculté d'étonnement qui naît de la beauté et qui donne l'obscure envie de remercier quelqu'un. C'est ce que je viens d'éprouver à Trébeurden, village breton, face à la mer. En vérité, il s'est passé bien peu de choses à raconter. Des hauteurs de Bihit j'ai regardé la courbe des rivages, le jeu des îles et des eaux, la suite des heures dans le ciel. Au soleil couchant j'ai marché jusqu'au petit détroit qui sépare le continent de l'île Milhaud. Chaque pas changeait l'horizon. Tantôt apparaissait le port pêcheur, ses voiles droites et ses barques à sec, tantôt le chemin s'ouvrait sur la pointe, qui offrait à ma vue son insolite architecture de granit éclaté, avec, tout autour, l'océan. Je me suis assis en attendant la nuit, respirant comme on boit l'odeur d'iode et de varech, écoutant la marée revenir au trot. Une lumière d'équinoxe comme seule la Bretagne sait l'inventer, dans la foulée des ses tempêtes, éclairait le paysage de Beg An Fry à Ploumanach. Elle était d'une telle netteté que je distinguais à une lieue la faille des estuaires. J'abandonnais aux éléments le mouvement de mes pensée. Près de moi un cormoran dormait sur le rocher rose. Le vent lui levait l'aile.
C'est magnifique. Je voudrais en prendre de "la graine"...
Au début de l'ouvrage il y a un Avertissement :
"Je n'ai pas l'intention d'écrire des "Mémoires" et je ne tiens pas un journal des événements que je vis ou approche. Mais je griffonne assez souvent des notes sous le coup d'une émotion ou par souci de fixer à leur date et dans leur contexte une impression, un fait, auxquels j'accorde une importance pour des raisons variables et qui restent subjectives. Ces notes attendent en vrac un sort incertain. Nombre d'entre elles demeureront inutilisées.[...]
Ce livre n'a d'autre plan que celui du hasard, et d'autre obligation que d'en traduire la nécessité. J'y pratique un genre hybride, ni exactement un journal ni précisément une chronique, bien que ces deux mots soient déjà venus sous ma plume [...].
J'ai choisi le titre "la paille et le grain" parce-qu'il résume assez bien ce que je pense de mon ouvrage. Je ne classe pas la paille parmi les matières viles tandis que le grain serait noble. A chacun son usage. Tout de même si au gré des pages le lecteur découvre, isole de quoi nourrir une certaine faim, qui est la mienne, d'aller plus loin que l'apparence, je me réjouirai de l'y avoir aidé."
C'est un livre que j'aime relire en piochant au hasard quelques pages. Celles-ci, lues hier soir :
Dimanche 17 octobre (1971)
Au spectacle de la nature il m'arrive souvent de vivre ces moments de bonheur où l'on s'arrête et dit : c'est le plus bel endroit du monde. La terre, notre amie, prodigue ses merveilles. Je la contemple depuis l'enfance sans épuiser jamais cette faculté d'étonnement qui naît de la beauté et qui donne l'obscure envie de remercier quelqu'un. C'est ce que je viens d'éprouver à Trébeurden, village breton, face à la mer. En vérité, il s'est passé bien peu de choses à raconter. Des hauteurs de Bihit j'ai regardé la courbe des rivages, le jeu des îles et des eaux, la suite des heures dans le ciel. Au soleil couchant j'ai marché jusqu'au petit détroit qui sépare le continent de l'île Milhaud. Chaque pas changeait l'horizon. Tantôt apparaissait le port pêcheur, ses voiles droites et ses barques à sec, tantôt le chemin s'ouvrait sur la pointe, qui offrait à ma vue son insolite architecture de granit éclaté, avec, tout autour, l'océan. Je me suis assis en attendant la nuit, respirant comme on boit l'odeur d'iode et de varech, écoutant la marée revenir au trot. Une lumière d'équinoxe comme seule la Bretagne sait l'inventer, dans la foulée des ses tempêtes, éclairait le paysage de Beg An Fry à Ploumanach. Elle était d'une telle netteté que je distinguais à une lieue la faille des estuaires. J'abandonnais aux éléments le mouvement de mes pensée. Près de moi un cormoran dormait sur le rocher rose. Le vent lui levait l'aile.
C'est magnifique. Je voudrais en prendre de "la graine"...