dimanche 19 août 2012

Voyage intérieur, Expérience intérieure

Vendredi soir.

Je voyais un lac et des icebergs dans le ciel...



Samedi soir.

Ni lac, ni icebergs dans le ciel.







J'ai fermé les yeux... j'ai vu la mer Adriatique.
Ça ne me faisait pas rêver. Je préférais mon ciel.
J'apprenais à me satisfaire de ce qui devait être permanent, mon quotidien,
laissant au domaine du rêve, l'éphémère, les voyages.

Dimanche.

Je regarde ma bibliothèque. Je prends le livre V des Oeuvres Complètes de Georges Bataille, La Somme Athéologique. Je lis quelques pages de L'expérience intérieure :

"Détente. Traversé l'église Saint-Roch. Devant l'image du soleil, géante, dorée, nuageuse, un mouvement de gaîté, d'humeur enfantine et de ravissement.
[...]
Mes amis m'évitent. Je fais peur, non pour mes cris mais je ne peux laisser personne en paix. - Je simplifie : n'ai-je pas donné souvent de bons prétextes?
[...]
Ma conduite avec mes amis est motivée : chaque être est, je crois, incapable à lui seul, d'aller au bout de l'être. S'il essaie, il se noie dans un "particulier" qui n'a de sens que pour lui. Or il n'est pas de sens pour un seul : l'être seul rejetterait de lui-même le "particulier" s'il le voyait tel (si je veux que ma vie ait un sens pour moi, il faut qu'elle en ait pour autrui; personne n'oserait donner à la vie un sens que lui seul apercevrait, auquel la vie entière, sauf en lui-même, échapperait). A l'extrême du possible, il est vrai, c'est le non-sens... [...] Mais je n'atteins pas l'extrême à moi seul et réellement je ne puis croire l'extrême atteint, car jamais je n'y demeure. [...] Je ne puis un instant cesser de me provoquer moi-même à l'extrême et ne puis faire de différence entre moi-même et ceux des autres avec lesquels je désire communiquer.
[...]
[...]
Ce que signifie le désir d'être heureux : la souffrance et le désir d'échapper. Quand je souffre (par exemple : hier, rhumatisme, froid et surtout angoisse ayant lu des passages de Cent vingt journées), je m'attache à de petits bonheurs. La nostalgie du salut répondit peut-être à l'accroissement de la souffrance (ou plutôt à l'incapacité de la supporter). L'idée de salut, je crois, vient à celui que désagrège la souffrance. Celui qui la domine, au contraire, a besoin d'être brisé, de s'engager dans la déchirure.
[...]
[...)
J'ai compris que j'évitais le projet d'une expérience intérieure et je me contentais d'être à sa merci. J'ai un désir assoiffé, sa nécessité s'impose à moi, sans que j'aie rien décidé.
[...]
J'en arrive à cette position : l'expérience intérieure est le contraire de l'action. Rien de plus.

Pages 54 à 59.

Le choix de ce livre dans ma bibliothèque n'était pas le fait du hasard.  Je n'avais pas attendu de lire ces pages pour sentir que j'étais dans une phase de profonde mélancolie. Pas irrémédiable cependant puisque, refermant l'ouvrage, j'écoutais Des Papous dans la tête et, j'étais encore capable d'éclater de rire en entendant cette phrase :

"Dans les Mémoires d'Outre-Tombe, tout n'est pas réussi."!