J’ai réussi à la voir finalement, cette émission, annulée, puis reportée le 3 octobre : Max Frisch citoyen, mais malheureusement sans le film de Volker Schlöndorff, Homo faber.
Max Frisch. «L’écriture fut sa seule expérience de liberté»,
dit Julian Schütt, son biographe. (Keystone)
La Suisse célèbre cette année le 100è anniversaire de sa naissance
La Suisse célèbre cette année le 100è anniversaire de sa naissance
"Après des études de langue et de littérature germanique à Zurich, Max Frisch (1911-1991) se lance dans une carrière de journaliste-reporter, avant de reprendre une formation d’architecte, activité qu’il exercera de 1942 à 1954, parallèlement à ses débuts d’écrivain. A la lecture de son premier roman, J’adore ce qui me brûle (1943), le dramaturge du Schauspielhaus de Zurich, l’encourage à écrire une pièce. Ce seront successivement Santa Cruz, La Grande Muraille de Chine, Don Juan ou l’amour de la Géométrie, Biedermann (Monsieur Bonhomme) et les incendiaires, Andorra et Biographie, un jeu théâtral, toutes pièces où l’auteur se mesure à son grand aîné, Bertolt Brecht, sur les questions esthétiques et politiques de l’illusion scénique et de la transformation du monde. Poursuivant parallèlement son activité de romancier (Je ne suis par Stiller, Homo Faber, Montauk…) Max Frisch interroge avec originalité la place de l’individu dans le monde et du sujet dans l’Histoire."
Max Frisch im August 1937 an den Dents du Midi,
fotografiert von Käte Rubensohn. (Bild: Max-Frisch-Archiv)
Ce documentaire, Max Frisch, citoyen, alternant images d'archives et interviews de personnalités, écrivains, comme Peter Bichsel, Günter Grass, Christa Wolf, ou hommes politiques comme Helmut Schmidt et Henry A. Kissinger, évoque la vie de l'écrivain suisse et son rôle d'intellectuel.
J'ai extrait deux moments de ce documentaire : avec Günter Grass puis Helmut Schmidt. Il est encourageant de constater qu'un homme d'état s'intéresse aux intellectuels. Très mauvaise qualité de mes vidéos, comme d'habitude; on peut voir la totalité du documentaire (90 minutes) ici, avec de bonnes images**.
« Le Suisse trayait sa vache et vivait en paix. Et puis Max Frisch est arrivé. Il a gratté là où ça fait mal et le vernis idyllique s'est craquelé. Né en 1911, l'écrivain zurichois interrompt ses études de journalisme pour gagner sa croûte («L'argent est nécessaire pour vivre, mais il est bien plus important de savoir qui on est.») et passe un diplôme d'architecte. Pendant la guerre, le canonnier Frisch perd ses certitudes: «Il y a infiniment de choses auxquelles nous ne croyons plus. La confiance en notre propre humanité est bouleversée.
Pendant plus de quarante ans, Max Frisch, tenant «sa plume comme l'aiguille d'un détecteur sismique», se pose en conscience morale.
Son «écriture corruptrice» lui vaut des prix prestigieux et des inimitiés tenaces. «A-t-on une patrie seulement si on l'aime? Et si elle ne nous aime pas, on n'a donc pas de patrie?» s'interroge-t-il. »
« Il a parlé très tôt de la mort dans ses livres. Ce memento mori est un thème omniprésent chez lui.
« Ce Teddy, il prétend être philosophe mais tu sais ce qu’il connaît de la vieillesse et de la mort ? Rien. ».
Il agaçait sans cesse son entourage avec ses réflexions sur la mort.
« Qu’est-ce qui se passe ? De quoi rêve-t-on ? Bien avant de prendre conscience de notre mortalité, nous éprouvons la notion de temps comme un phénomène transitoire. L’expérience très précoce que la vie est orientée vers la mort, sans cette expérience, la question du sens ne se poserait pas. Sans la question du sens – qu’elle mène à une réponse ou qu’elle conduise au désespoir – l’homme n’existe pas. La conscience que la mort naturelle, la mort propre est inéluctable, n’amplifie pas forcément la peur de la mort mais elle diminue ma certitude envers ce que j’ai appris jusqu’ici et la confiance en la langue que j’ai pratiqué ma vie entière. La sagesse du grand âge comme évacuation du doute ? Non, au contraire.
Il y a une question qui me tarabuste : comment un écrivain, s’il vit très longtemps, peut-il rester fidèle à ses espoirs ? Être déçu de la marche du monde est une chose ; abandonner ou renier ses espoirs, en serait une autre. Je suis solidaire de tous ceux qui partout dans le monde, et donc aussi ici, résistent. Résister dans le but d’imposer l’esprit des Lumières en temps et en heure. Il ne s’agit pas de répéter l’histoire mais de vivre une expérience historique, en vue de nouvelles tentatives de vie commune entre personnes responsables. Les bases existent bel et bien. Elles sont fatiguées, usées. Alors, que puis-je faire ? Ce que Voltaire a prophétisé : on finit nécessairement par cultiver son jardin. Tout le reste, hormis l’amitié, n’a pas d’importance. Même cultiver son jardin a peu d’importance. J’ai souligné les mots suivants : hormis l’amitié. Oui. Hormis l’amitié. »
[...]
« Ce qu’il reste de nous ? Une pléthore d’atomes à nouveau disponibles en tant que matériau de construction, pour une infinité d’autres organismes ou non-organismes. Une quantité finie gigantesque insignifiante dans l’infini de la matière spatiale, avec ses pulsars et ses trous noirs.
Être au monde, être dans la lumière. Endurer le temps, l’éternité dans l’instant. Être éternel, avoir été. »
Depuis que j'ai vu ce documentaire j'ai fait quelques recherches sur Max Frisch via Google. Malheureusement la plupart aboutissent à des informations en langue allemande, peu de choses en français.
"Ses Journaux complètent une œuvre considérable, universellement reconnue comme la plus importante qu'ait produite la Suisse alémanique au XXe siècle.
Max Frisch est souvent considéré comme le dernier grand intellectuel suisse, dont la voix a été entendue et appréciée bien au-delà de nos frontières. Alliant poésie et politique, il a su créer le débat autour des événements majeurs qui ont marqué la seconde partie du XXème siècle. Un film de Matthias von Gunten, Max Frisch citoyen, retrace l'histoire de l’écrivain en posant la question de la place accordée à de telles voix aujourd'hui : une voix dont on retrouve l’exigence, la profondeur de vue et la fondamentale humanité à travers les pages de ce Journal, reflets d’années encore noires, aux perspectives pour Frisch pleines d’interrogations, mais aussi d’encourageants changements en profondeur."
Joëlle Brack, Libraire, Payot.ch
J'ai voulu en savoir plus sur cet écrivain après avoir lu le Journal de Paul Nizon. Je n'éprouvais ni de sympathie ni d'antipathie particulière pour Max Frisch. Nizon était assez vague sur ce qu'il en disait. Je reste sur ma faim avec ce film, Max Frisch citoyen. Il faudrait que j'aie le courage de lire un de ses ouvrages pour me faire une idée plus juste de son importance dans la littérature, qui tout de même est indéniable, mais je ne me sens pas suffisamment d'enthousiasme pour le faire et la tâche me paraît trop ardue.
Sa fille, Ursula Priess, se souvient de son père dans "A travers tous les miroirs". "C’est le regard d’une fille qui cherche la vérité sur son père comme lui chercha la vérité sur le monde."
J'écoutais, en écrivant ici, une émission Villes-Mondes : Berlin. Et je repensais à ce qu'en disait Max Frisch au début de la première vidéo ci-dessus : "Beaucoup marchent ici la tête un peu plus haute qu'il ne leur appartient [...] cependant lorsqu'on y rencontre une vraie personnalité, elle y est plus libre que dans notre petit pays; "inabrégée", intègre, déshinibée..."
**Vérification faite, elle ne serait plus disponible.