dimanche 9 octobre 2011

Je suis de nulle part

Je ne sais pas d'où je viens, je ne sais pas où je vais. Je suis de nulle part... quand je suis dans ma voiture.
Tout redevient possible, tout est à inventer.

Je suis allée la voir. Nous avons passé la journée ensemble. Je savais qu'elle allait pleurer; je m'étais promis de ne pas pleurer mais c'est vachement dur. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à refouler mes larmes quand je vois quelqu'un pleurer. Je n'ai pas réussi à ne pas pleurer. On a pleuré un bon coup. Puis je lui ai dit : allons déjeuner, j'ai faim. A vrai dire je n'avais pas très faim. Je ne voulais pas rester dans la maison avec elle, me retrouver à déjeuner sur cette grande table de salle-à-manger, sans lui. Je lui avais d'ailleurs dit de ne rien préparer. Je l'ai invité à déjeuner à Saint Goustan; ça allait lui faire du bien d'être dans  le bruit d'un petit restau.  Ça lui fait bizarre d'être sans lui. Ça va lui faire bizarre pendant longtemps... Elle s'est détendue pendant le repas. Pour le bruit, on a été gâtée et pour la chaleur, aussi. Nous étions rubicondes en sortant. Le ciel était gris, l'air doux, le petit vent nous fouettait agréablement. Après, nous sommes allées au cimetière; la plaque avait été gravée. Je n'aime pas les cimetières. Nous sommes rentrées chez elle. Nous avons pris le café. Elle m'a parlé, parlé, parlé, parlé... Elle a sorti de vieux documents que mon frère avait gardés dont une vieille carte d'identité de mon père.
- Tu la veux?
- Oui. Je lis : validée le 2 septembre 1949. Timbre fiscal : 13 francs. Je regarde sa photo, sa signature.
- Et ça? C'était à ton grand-père? Elle me montre un carnet jauni qui date de 1935.
- Oui, je le veux bien. Je lis : "Soins gratuits aux victimes militaires. Bénéficiaires de l'article 64 de la loi du 31 mars 1919." Je colle mon nez dessus, ça ne sent pas le renfermé, ça sent bon.
Je l'imagine faisant le tri de tout ça...
Allez, viens, on va sortir la chienne lui dis-je. Nous avons fait une balade d'une heure.

Puis je l'ai quittée, elle m'a envoyé un baiser avant que je prenne le virage, je lui ai fait un signe de la main...

Je suis rentrée, vidée. Tout "le possible" que je ressentais dans ma voiture le matin avait disparu. Au retour, il restait : je ne sais pas d'où je viens, je ne sais pas où je vais. Je me sentais perdue.