jeudi 24 février 2011

Revalorisons nos émotions


J’écoutais ce matin les NCC d’un oreille distraite, qui fut cependant plus attentive à la fin de l’émission, dans le Journal, à cette phrase : A quoi sert, et pourquoi, la philosophie ? Question posée à Pascal Chabot invité pour son ouvrage : Les sept stades de la philosophie (PUF).

Quels sont ces sept stades (fonctions) :
. Élucider
. Libérer
. Se connaître
. Transmettre
. Prospecter
. Transformer (du registre de l’existence à la sphère du sens)
. Réjouir (serait la fonction la plus haute, la plus difficile)

Pourquoi la philosophie ? On en fait sans en avoir la définition. C’est une question que l’on peut se poser à l’approche de la vieillesse. Pour Pascal Chabot, la philosophie est un jeu, un va et vient constant entre la vie et la théorie ; dans le combat entre ces deux pôles, il faut toujours privilégier la vie, telle devrait être la première règle d’une conduite philosophique. La philosophie est aussi une question de rencontre avec les auteurs (philosophes) et plus encore la recherche de complices. Les complicités sont rares en philosophie : ce sont ces visions du monde qui sont partagées, c’est un acquiescement à une manière de vivre.
Pour rencontrer la pensée de l’autre, du philosophe, de l’auteur, le moi doit s’estomper, se taire, pour être à l’écoute de la façon de penser d’un autre. On doit laisser la pensée de l’auteur mûrir en soi avant de l’interpréter.
(Pour moi, cela vaut pour toutes les rencontres humaines).
« Lire c’est faire vivre une pensée ».

Pascal Chabot parle aussi de l’émotion : il n’y a pas de grande philosophie sans émotion. C’est elle qui nous oriente dans le monde : attirance, neutralité, répugnance sont des réponses instinctives. Les couleurs, les odeurs, la forme d’un visage, le timbre d’une voix, "tous ces signes forment la matière même de l’émotion qui s’en saisit et leur confère une qualité très physique : y aller, ne pas y aller, adhérer, s’enfuir, alchimie des rencontres". L’émotion surgit au moment où la raison commence à balbutier (je dirais à bafouiller).
La philosophie s’est souvent privée de l’émotion, et si elle est valorisée elle peut aussi être dangereuse (en politique) car l’émotion peut être plus puissante que la dialectique.
Malgré cette réserve il faut revaloriser l’émotion dans notre rapport avec un texte philosophique. C’est elle qui, pendant la lecture, nous dira si ce texte peut entrer en résonance avec notre propre vie ou s’il aura un impact sur notre manière de vivre.


Je n'ai noté ici que ce qui avait retenu mon attention mais on peut écouter l'intégralité dans Le Journal des NCC.

En écoutant cela ce matin je repensais à une émotion (parmi tant d'autres), qui n’avait rien de philosophique cependant, que j’avais ressentie le 4 janvier en recevant par courrier une enveloppe. J’avais bien une petite idée de qui me l’envoyait mais je me disais que non, ce n’était pas possible. C’était annoncé pourtant, sur le ton de la plaisanterie, mais je n’y croyais pas. Eh bien si, il l’avait fait : cherché mon adresse, glissé dans l’enveloppe ce qui pour moi était un cadeau, déposé dans une boîte aux lettres, tout cela était en quelque sorte des gestes à mon attention. En vérité j’étais touchée plus que bluffée car je l’avais espéré, sans y croire un seul instant. Une belle émotion qui n’aura eu aucun "impact sur ma manière de vivre", mais aura seulement fait revenir un peu de sang chaud dans mes veines. Ce n’était pas grand-chose et c’était beaucoup. Néanmoins, j’ai appris avec les années à mieux maîtriser mes émotions ; il y a une émotion que je trouve répugnante, c’est celle qu’on nous inflige à la télévision et dans d’autres médias quand il y a des catastrophes. Il faut se méfier de ce qui est émouvant et garder intacte sa capacité à être ému(e) par ce qui en vaut la peine; nous percevons très bien l'horreur des catastrophes sans qu'il soit besoin de faire dans la sensiblerie.

Tout de même, recevoir un courrier par la poste de nos jours alors que tout se passe par Internet, je vous assure, ça vous bouscule et ça vous réjouit : j’ai eu là "la plus haute et la plus difficile fonction de la philosophie = réjouir". Mmmm! J'exagère un peu là.