vendredi 25 février 2011

Dans le silence...


10 h 30.
Ce matin j’ai reçu un courrier d’un cher ami qui m’a fait sourire et m’a laissé rêveuse. Je ne pouvais lui répondre instantanément, il me fallait le relire, décrypter son merveilleux humour, bref, prendre mon temps.
Siroter un petit café, m’installer dans mon canapé, fermer les fenêtres pour, n’entendre que le silence. Le regard tourné vers l’extérieur j’ai vu passer quatre choucas* comme des missiles au ras de ma terrasse, sans un cri. Dans ce silence j’entendais le ronronnement sourd de la VMC, le battement de mon cœur, mes acouphènes et je suis restée ainsi, pensive, le temps de boire mon café. Mes pensées commençaient à prendre un mauvais chemin, mon frère m’avait appelé hier soir pour m’annoncer son hospitalisation aujourd’hui. Cependant, dans ce silence et le confort de mon assise, il y avait en moi un bien-être ; c’est si rare en fait que je me pose ainsi, sans rien faire, sans radio, sans musique, je devrais le faire plus souvent. Je le ferai, quand je me sentirai vraiment forte et que le spleen ne l’emportera pas sur la méditation. Puis je me suis levée.

J’ai mis un CD dans mon lecteur, j’ai hésité, que écouter ? De la musique classique c’est sûr. Mais quoi ? Quelque chose de joyeux, d’enlevé ? Des voix, des instruments ? Et j’optais pour de la musique liturgique, ce n’est pas gai mais il y avait suffisamment de joie en moi (oui oui, j’ai la joie peu expansive parfois) pour écouter quelque musique spirituelle : Symphoniae de Hildegard von Bingen.
"Par "Symphonia", elle ne désigne pas seulement cette harmonie qui sourd des notes produites par les instruments et par la voix humaine, mais aussi l’harmonie céleste et l’accord mystérieux qui se font au tréfonds de l’être humain. Pour Hildegard von Bingen, l’âme humaine est "symphonique" (symphonialis) et c’est précisément cette caractéristique qui trouve son expression tout à la fois dans l’accord secret de l’âme et du corps et dans l’acte musical. La musique est tout à la fois terrestre et céleste : terrestre par les moyens que requiert sa naissance, mais capable de communiquer à l’humanité, ne serait-ce que partiellement et fugitivement, le sentiment de cette consonance céleste, de cette "Stimmung" qui régnait en maître au Paradis d’avant la Chute."
Je souris – encore – en écrivant cela, j’ai l’air d’une nonne alors que je ne crois plus en rien depuis longtemps et que mon éducation religieuse catholique n’est plus qu’un souvenir brumeux. Mais la spiritualité n’est pas réservée à la religion.
Je dois avouer que ce CD là je ne l’écoute guère souvent, j’en apprécie pleinement le premier quart d’heure, à la demi heure, la "symphonia" s’éloigne de moi et quand arrive la 62ème minute, fin du CD, je soupire de soulagement et me précipite pour placer un autre CD, pour le coup plus enlevé.

12 h.
Le moment était venu de répondre à ce cher ami, sur une sonate de Haydn par Glenn Gould.

13 h.
J’allume la radio, France Culture (je me demande pourquoi je précise:)) et, incroyable, j’entends Jordi Savall parler de Hildegard von Bingen. Je me dis que dans la vie, il y a des moments d’une intensité rare tout de même. Ces coïncidences, c'est bien quelque chose d’impalpable qui les font exister.

17 h.
Je sors de chez le coiffeur, il pleuviote, je n’ai pas de parapluie, "bravo moi" (expression favorite d'une amie parisienne) ! Le brushing va se transformer en permanente; tant mieux, je déteste les brushings. Je passe à la bibliothèque, retour des livres, j’emprunte deux John Updike, aux titres prometteurs :
. Cœur de lièvre (roman culte des sixties que je n'ai pas lu !), ils n’ont que celui-là, le premier du "cycle Rabbit" et
. La concubine de saint Augustin et autres nouvelles.
Egalement emprunté deux DVD :
. Sartre inédit, entretien et témoignages, un film de Madeleine Gobeil-Noël et Claude Lanzmann.
(Je l'ai déjà vu à la télévision il y a deux ou trois ans, envie de le revoir).
. Lu Xun – L’âme de la Nation :
"A travers le destinée de l’écrivain Chinois Lu Xun, nous découvrons la vie des lettrés et l’apparition des intellectuels modernes au cours des différentes révolutions qui bouleversent la Chine depuis un siècle. Jusqu’à son décès en 1936, Lu Xun fut toujours un auteur farouchement indépendant insensible à tout diktat politique. Ce portrait de Lu Xun s’intègre dans la série "Un siècle d’écrivains". (Résumé du DVD).
Je joins cette photo pour la beauté de l'écriture chinoise.

choucas qui survolent ma terrasse (car ce n’étaient pas des corneilles). En fait c’est à moi que je fais plaisir en revoyant ces petites vidéos. Vivement le printemps…

Voilà de quoi occuper mes soirées ce week-end, j’aurai pu faire des choix plus légers. On ne se refait pas.

* Petit retour en arrière sur l’histoire des
Lu Xun, Journal d'un fou, nouvelle, titre emprunté à Gogol