Mon "Je" est en train de se dissoudre. Entrer dans l’intime deviendrait impudique maintenant, voire obscène. Je dois réserver cela à mon journal intime, mais ça fait des mois que je n’écris plus rien dans ce journal.
Vendredi dernier et durant deux jours, j’ai vécu une épreuve douloureuse. J’ai compris – comme jamais - ce que voulait dire le mot solitude ; ce "vertige", cet "abîme" dans lequel vous voudriez vous engloutir, sur le champ. Je relisais hier une des Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke dans laquelle il parle de cette solitude : "nous sommes solitude" et je me disais que, puisque j’avais résisté, c’est donc que je m’accrochais à la vie, malgré tout. Et puis, lundi, j'ai souri.Voilà ce que j'écrirais si je me laissais aller.
C'en est fait, de l'impudeur.
Mon dieu que je suis sérieuse ici, alors que je ris ailleurs. Je passe du rire aux larmes comme le soleil à la pluie. Mes deux "moi" sont authentiques, complémentaires."Cette notion de complémentarité est propre à la pensée orientale qui pense plus volontiers la dualité sous forme de complémentarité."
Je suis le Yin et le Yang.
Marcel Granet, in La pensée chinoise.