samedi 12 avril 2014

"Sans utopie nous serions sans transcendance"

On disait de lui que c'était l'impertinent Suisse, le philosophe utopique. 

 Max Frisch (1911-1991)






"Écrire.
Ce qui est important : l'indicible, les blancs entre les mots, et ces mots traitent toujours de choses accessoires, contrairement à notre attention.
Ce qui nous tient réellement à cœur, nous pouvons tout au plus le paraphraser, c'est-à-dire tourner autour en cherchant à le fixer. 
Nous exposons des faits et ils ne rendent jamais ce que fut réellement notre expérience qui, elle, reste indicible. Nous pouvons tout juste la cerner, l'approcher autant que possible et avec autant de précision que possible. 
Et l'essentiel, l'indicible, n'apparaît qu'en tant que tension, entre les différents faits exposés, en mettant les choses au mieux."

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"L'utopie, pourquoi faire? Que ce soit l'utopie d'une société fraternelle sans la domination d'êtres par d'autres êtres ou l'utopie d'une union conjugale sans asservissement, l'utopie d'un amour du prochain qui ne se fait aucune image d'autrui ou l'utopie d'un bonheur dans le sens kierkegaardien dans lequel nous réussirions ce qu'il y a de plus ardu, c'est-à-dire nous choisir nous-mêmes et accéder ainsi à l'état de liberté. Bref, l'utopie d'une existence créative et donc pleinement vécue entre naissance et mort. Une utopie n'est pas dépréciée par notre incapacité à l'affronter, elle est ce qui dans l'échec nous insuffle notre valeur, elle est indispensable. L'aimant, bien qu'il ne nous soulève pas du sol, donne à notre être une orientation sur quelques 25000 journées de vie.
Sans utopie, en tant qu'êtres humains, nous serions sans transcendance." 

Max Frisch, citoyen.

(A l'écoute également, archives de la RTS : entretien à Paris avec Michel Contat, 1983 et d'intéressantes réflexions sur "l'autobiographie" et sur la solitude).