"L’An 01 est adapté d’une bande dessinée de Gébé qui en fit un film avec l’aide de Jacques Doillon pour l’essentiel mais aussi de Jean Rouch et Alain Resnais. Que raconte le film et en quoi peut-il faire du bien, c’est-à-dire nous purger de ces passions tristes dont Spinoza disait qu’elles empêchent d’agir ? L’An 01 raconte comment, un beau matin (et non un grand soir…), l’humanité est prise du sentiment profond de l’absurdité de sa condition dans une société de consommation qui était pourtant encore au mieux de sa forme à l’époque. Le film est une succession de sketchs joyeux et foutraques avec comme seule solution de continuité cet irrésistible et pacifique triomphe de L’An 01.
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« On nous dit le bonheur, c’est le progrès, faites un pas en avant et c’est le progrès. C’est le progrès mais c’est jamais le bonheur. Alors si on faisait un pas de côté ? »
L’utopie rigolarde de L’An 01 est dans cette idée du « pas de côté ». Le film sous-entend qu’il y a assez peu de chance de renverser de manière révolutionnaire et frontale une société capitaliste persuadée de son excellence et qui a les moyens technologiques d’en persuader les masses. Dans le film, qui fait apparaître la fine fleur de la culture contestataire de l’époque : François Béranger, Higelin, Cabu, Choron, Romain Bouteille (le film avait été en partie financé par les lecteurs de Charlie Hebdo), à l’idée « du pas de côté » succède vite un autre slogan « On arrête tout, on réfléchit ». Le bon sens change de camp et notre monde apparaît dans toute son absurdité et celui qui vient, dans une innocence rieuse qui n’empêche pas de régler les difficultés concrètes.
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... tout le côté « daté » du film, son éloge de l’amour libre, son écologisme radical, sa vision rousseauiste de la propriété comme source de tous nos malheurs n’empêchent pas non plus, quand on compare cette utopie quadragénaire à notre présent désespérant, de se dire qu’il serait peut-être temps de « faire un pas de côté », d’« arrêter tout et de réfléchir »."
(Source Causeur)
Comme d'habitude, les programmes de télé le samedi soir manquent d'intérêt. Un petit tour sur la Toile, j'avais envie de voir un film de Jacques Doillon et je tombe là-dessus. Quelle trouvaille réjouissante! Un film de 1973 qui a échappé à mes années 70 parisiennes de cinéphile. Certaines séquences sont jubilatoires et "déjantées". L'extrait ci-dessus que j'ai enregistré est visible aussi ici pour une meilleure qualité.