Hôtel
Cabinets avec vue...
... sur le lac!
Au petit-coin place à la méditation, à la rêverie, à l'introspection.
"Le fait que vous lisiez tel genre de littérature aux cabinets et tel autre ailleurs devrait être lourd de sens pour le psychiatre. Le fait même que vous lisiez ou que vous ne lisiez pas aux cabinets devrait être lourd de sens pour lui. On ne parle malheureusement pas assez de tels problèmes. On estime que ce que chacun fait aux cabinets ne regarde que lui. Il n'en est rien. Cela concerne l'univers tout entier."
4e de couverture.
Henry Miller, in Lire aux cabinets, éditions Allia.
J'ai emprunté ce charmant ouvrage - minuscule, 50 pages - à la bibliothèque. En note à la fin du livre :
"Lire aux cabinets ("Reading in the Toilet") constitue le chapitre 13 des Livres de ma vie (The Books in my life), publié originellement à New York (New Directions) en 1952 et traduit en 1957 aux éditions Gallimard. "Ce livre a été un échec en Amérique, mais je l'aime beaucoup. J'avais même l'intention d'écrire un deuxième tome", confia Miller (Flash-Back, Stock, 1976). Ce second volume, qui aurait rassemblé des textes sur Gilles de Rais, Céline, la pornographie, etc. ne vit jamais le jour."
Extraits :
" Il existe un aspect de la lecture qui vaut, je crois, qu'on s'y étende un peu, car il s'agit d'une habitude très répandue et dont, à ma connaissance, on a dit bien peu de choses... je veux parler du fait de lire aux cabinets. Quand j'étais jeune garçon, et que je cherchais un endroit où dévorer en paix les classiques interdits, je me réfugiais parfois aux cabinets. Depuis ce temps de ma jeunesse, je n'ai plus jamais lu aux cabinets. Quand je cherche la paix et la tranquillité pour lire, je m'en vais dans les bois. Je ne connais pas de meilleur endroit pour lire un bon livre que dans les profondeurs d'une forêt. De préférence auprès d'un torrent.
[...]
D'après ce que j'ai pu glaner au cours de conversations avec mes amis intimes, ce qu'on lit aux cabinets, c'est presque toujours de la lecture futile. Ce que les gens emmènent pour lire aux cabinets, ce sont des digests, les magazines illustrés, les feuilletons, les romans policiers ou les romans d'aventure, tout le rebut de la littérature. Il paraît qu'il y a des gens qui ont une étagère avec des livres dans leurs cabinets.
[...]
Je crois que c’est le moment de placer un conseil sûr. Si vos intestins refusent de fonctionner, allez consulter un médecin herboriste chinois ! Ne lisez pas pour distraire votre esprit de l’opération en cours. Ce qu’aime le système autonome, et ce à quoi il répond, c’est à une concentration profonde, que ce soit sur le fait de manger, de dormir, d’évacuer, ou de ce que l’on voudra. Si vous ne pouvez pas manger, ou si vous ne pouvez pas dormir, c’est parce que quelque chose vous préoccupe. Vous avez quelque chose « dans la tête », autrement dit, là où il ne faudrait pas. La même chose vaut pour la selle. Débarrassez votre esprit de tout ce qui n’est pas l’affaire en cours. Quoi que vous fassiez, abordez-le avec un esprit libre et une conscience nette. C'est un conseil vieux comme le monde, mais sûr. La méthode moderne c'est d'essayer plusieurs choses à la fois, afin "d'utiliser son temps au maximum", comme on dit. C'est une méthode profondément malsaine, contraire à l'hygiène et inefficace. Il faut se laisser aller! "Occupez-vous des petites choses et les grandes se feront d'elles-mêmes."
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Si chaque instant de la vie est tellement précieux à vos yeux, si vous tenez absolument à vous persuader que la portion de sa vie que l'on passe chaque jour aux cabinets n'est pas négligeable - certaines personnes préfèrent "w.-c." ou "Petit Coin" à cabinets - alors demandez-vous au moment où vous vous saisirez de votre lecture favorite : est-ce que j'ai besoin de ça? Pourquoi?
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[...] recouvrir les murs du waterre comme disent les Français, avec des tableaux. Comme c'est agréable, reposant, calmant et instructif, tandis que l'on répond à l'appel de la nature, de laisser son oeil errer sur quelques chefs-d'oeuvre choisis de l'art!"
Un moment délicieux que cette lecture, trop brève et qui me donne envie d'aller lire les autres chapitres de son, Livres de ma vie, mais pas dans mes cabinets!