vendredi 4 janvier 2013

Silence, (in)quiétude, solitude

Je reviens sur Edward Hopper. Je n'ai pas vu l'exposition au Grand Palais qui se termine le 28 janvier mais grâce à Internet et quelques beaux sites j'ai pu faire des visites virtuelles qui m'ont permis d'entrer dans les toiles et la vision du peintre avec peut-être plus de facilité qu'au Grand Palais où il doit falloir jouer des coudes pour approcher les oeuvres.

Hier soir j'ai regardé un documentaire que j'avais enregistré sur Arte il y a quelques semaines, La Toile blanche d'Edward Hopper, dont on peut voir les premières minutes dans cette vidéo :

 

La vie intérieure d'un être humain est un domaine vaste et varié,
qui ne saurait se satisfaire de seulement ordonner couleur, forme et dessin.
Edward Hopper, Reality 1953

"Si ses toiles s’affichent en millions d’exemplaires, lui n’aspirait qu’« à peindre les rayons du soleil découpant une architecture ». Edward Hopper (1882-1967), peintre de la solitude et de l’attente, mêle réalisme, surréalisme et cubisme pour éclairer l’envers du rêve américain. Au fil du parcours se dessine l’autoportrait de l’homme en quête de lui-même qu’il n’a jamais cessé d’être, auprès de sa femme Josephine ("Jo"), son unique modèle. Nourri d’images d’archives et d’extraits d’entretiens, ce documentaire épatant fait une belle introduction à la première grande rétrospective que le Grand Palais lui consacre jusqu’au 28 janvier 2013."

De sa période parisienne - ce n'est pas celle que je préfère - j'ai retenu ces tableaux :
. Soir bleu, interprétée comme l'adieu du peintre à son rêve français et  inspirée par un vers de Rimbaud  :
"Par les soirs bleus d'été, j'irai par les sentiers" (Sensation)
. Stairway at 48 rue de Lille Paris
. Ponts de Paris



Edward Hopper, Soir bleu 1913


Edward Hopper, Stairway at 48 rue de Lille


Edward Hopper, Pont à Paris 1906, Huile sur panneau



Edward Hopper, Le Pont des Arts 1907, aquarelle


Certains proches d'Edward Hopper font un portrait de sa femme, Josephine Nivison, artiste-peintre également, peu flatteur : une femme autoritaire, sans humour et ne supportant pas celui de son époux très enclin à la plaisanterie. On note cependant que sa perception des choses était souvent anarchique et fantasque. "Elle mettait à attaquer son mari - privilège qu'elle se réservait - la même énergie qu'à le défendre, encerclant l'inertie de Hopper d'une rafale étourdissante de provocations. Elle et lui étaient de tempérament si contraire qu'ils étaient l'un à l'autre une source intéressante de stimulation et de désarroi." Pour avoir fréquenté et bien connu des couples représentatifs de "l'artiste et sa muse", cette stimulation et ce désarroi sont pratiquement inévitables voire nécessaires... et pas de tout repos, ni pour l'un ni pour l'autre. Provoquer, attaquer puis défendre : une forme d'amour-passion. 


Robert Henri - the Art Student 1906 portrait de Josephine Nivison à 22 ans

Sa peinture fut parfois qualifiée de surréaliste, je pencherais plutôt vers l'hyperréalisme. Hopper est un peintre figuratif pas du tout intéressé par l'abstraction; elle ne l'intéressait pas. Pourtant il s'en est approché dans ce tableau :


Edward Hopper, Rooms by the sea 1951, huile sur toile

Il était toujours à la recherche de la lumière. Rarement il a à ce point illustré son projet de ne vouloir peindre qu'un rayon de soleil découpant les formes d'une architecture que dans cette toile.

Sa peinture est contemplative, empreinte de mélancolie, mais peut-être est-ce la mienne que je transfère dans ce que je vois : le silence, la quiétude, l'inquiétude, la solitude... de cette ouvreuse de cinéma plongée dans ses pensées. Hopper aimait aller au cinéma et le 7e art l'a souvent inspiré tout comme ses oeuvres ont inspiré des cinéastes.



Edward Hopper, New York Movie 1939

Wim Wenders a dit : « On a toujours l'impression chez Hopper que quelque chose de terrible vient de se passer ou va se passer ».

Ce que j'aime vraiment chez Hopper ce sont ces intérieurs (pièce, salon, chambre) avec un personnage, une femme, le regard tourné vers l'extérieur. Dedans/dehors. Mon quotidien, banal, dans le silence...

Dans le documentaire La Toile blanche d'Edward Hopper, interrogé sur l'art abstrait l'artiste laisse entendre qu'il ne l'intéresse pas; cependant il précise que le dripping de Jackson Pollock ne le laisse pas indifférent. Je découvre cet essai en faisant des recherches :


"Man is alone"