lundi 21 janvier 2013

Chant funéraire

Eze, vue du Sentier de Nietzsche
Photo : creafrance 



Jour de ma vie!
Tu descends vers le soir
Déjà brille ton oeil
A demi brisé;
Déjà ruissellent les gouttes de ta rosée,
Parsemées comme des larmes;
Déjà s'étend, paisible sur la mer laiteuse,
Ta pourpre aimée,
Ta dernière, tardive sérénité...

Plus rien à l'entour que les vagues et leur jeu.
Ce qui jadis fut difficile
A sombré dans un oubli bleu.
Inactive, ma barque est là.

Orages, voyages, combien désappris!
Les désirs, les espoirs sont noyés,

L'âme et la mer sont lisses.
Septième solitude!
Jamais je ne sentis
Plus proche de moi la douce sécurité,
Plus chaud le rayon de soleil.
- La glace de mon sommet ne brille-t-elle pas encore?
Argenté, rapide, un poisson
Glisse et fuit au long de ma barque...

Friedrich Nietzsche, Poème*

* "Jamais héros blessé entonna-t-il sur lui-même un chant funéraire plus beau?"
Daniel Halévy, in Nietzsche.