Migraine dès le réveil. Prise de la nouvelle molécule avec un grand bol de thé. Inefficace.
11 h. Une autre gélule avec un café.
Je réponds à un mail et j'éteins vite mon ordinateur.
Journée atroce. Pluie vent soleil à travers les vitres.
18 h. Ça s'arrête de battre dans mes tempes, pas dehors. Je me décide à aller prendre un bol d'air. Ce n'est pas un bol, c'est une lessiveuse que je me prends dans la tête mais ça me fait du bien. La mer est mauvaise, agitée, verte, sombre, comme mon cerveau.
Mardi 24 avril.
Nuit d'abrutie. Réveillée par un cauchemar. Je vivais avec un homme qui me détestait; j'étais sur le pas de la porte de mon appartement, il était à l'intérieur. Je tentais d'ouvrir la porte, ma clef ne rentrait pas; il avait changé la serrure. Je tambourinais sur la porte en criant; je me suis réveillée : 7 h 11 sur mon réveil. J'ai tenté de me rendormir mais je sentais que je poursuivais mon cauchemar, alors je me suis levée. Trop tôt pour moi. La journée sera longue.
Pourquoi ce rêve?
Après-midi : piscine d'eau de mer. L'eau est tiède, presque chaude, je nage sur le dos, dos crawlé un peu débridé, puis je fais la planche, tant pis pour mes cheveux, je ferme les yeux, je voudrais ne plus les ouvrir, jamais. Oui, je sais, tout est noir en ce moment. Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir chante Johnny...
Dans le salon de repos face à la mer, les gens somnolent. Déprimant? Non, c'est eux qui ont raison; je ne sais pas me reposer. Je lis :
"La preuve du philosophe? Sa vie. Une œuvre écrite sans la vie philosophique qui l'accompagne ne mérite pas une seconde de peine. La sagesse se mesure dans les détails : ce que l'on dit et ne dit pas, fait et ne fait pas, pense et ne pense pas. Réduisons donc la fracture schizophrénique postulée par Proust avec sa théorie des deux mois : elle permet en effet de séparer radicalement un philosophe écrivant Être et temps et un adhérant pendant toute la durée du nazisme au NSDAP. Dès lors, un grand philosophe peut être nazi, un nazi, grand philosophe, sans aucun problème : le moi qui rédige un volumineux traité d'ontologie phénoménologique n'ayant rien à voir avec celui qui soutient et cautionne une politique exterminationiste! Certes, affirmer l'engagement politique de Heidegger ne suffit pas pour s'interdire de le lire, de le critiquer, de le commenter et de l'apprécier. Mais il faut éviter le double écueil : faire comme si le réel n'existait pas et ne voir que lui.. Un Pour Sainte-Beuve mérite une plume avisée.
Le philosophe l'est vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris dans ses notes de blanchisserie pour reprendre l'argument habituel... Platon l'est quand il écrit contre l'hédonisme dans Le Philèbe, mais tout autant quand le vendeur d'idéal ascétique meurt au cours d'un banquet; dans la rédaction de son Parménide et pareillement dans son désir de brûler les œuvres de Démocrite; dans sa fondation de l'Académie et dans son passé d'auteur dramatique et de lutteur; il l'est en publiant La république et Les Lois, au même titre qu'en courtisan chez Denys de Syracuse; etc. L'un et l'autre, l'un est l'autre.
D'où la nécessité d'une intime relation entre théorie et pratique, réflexion et vie, pensée et action. La biographie d'un philosophe ne se résume pas au seul commentaire de ses œuvres publiées, mais à la nature de la liaison entre ses écrits et ses comportements. L'ensemble seul se nomme une œuvre. Plus qu'un autre, le philosophe se doit de tenir liés ces deux temps si souvent opposés. La vie nourrit l’œuvre qui elle-même nourrit la vie : Montaigne en fit le premier la découverte et la démonstration, il sait qu'on fait un livre et que celui-ci est d'autant plus remarquable qu'il nous constitue lui aussi en retour."
Pages 77-78, chapitre III : Une vie philosophique.
Michel Onfray, in La puissance d'exister, manifeste hédoniste, éditions Bernard Grasset 2006.
Je referme mon livre, il n'y a plus que moi dans le salon de repos. Je pense à ces phrases que j'ai soulignées en gras... J'ai un peu moins envie de fermer les yeux pour toujours, même si...
Je finis ma tisane insipide. Je me demande pourquoi je ne parviens pas à trouver la sérénité, à me mettre au diapason de mon âge, à accepter de ralentir le rythme, à ne pas m'énerver quand quelque chose me résiste, à accepter ce que certains acceptent sans rechigner : vieillir. La seule chose réjouissante dans cet abîme, c'est la liberté que j'ai, de plus en plus grande, pour dire sans masque, sans tricher (mais je ne dis pas tout) ce je ressens. Je ne cherche plus à séduire, d'ailleurs je ne le pourrais pas puisque je ne m'aime plus.
Mercredi 25 avril.
Il est tombé des cordes cette nuit et le vent fouettait mes vitres. Ce matin c'est le rinçage total de ma terrasse, j'ai bien fait de ne pas nettoyer mes vitres, c'était au programme des corvées la semaine dernière, le vent de sud-ouest avec la pluie les a lessivées. Elles sont carrément propres; merci la tempête.
10 h 15. J'écoute les NCC, une semaine consacrée à la préparation du bac philo. Je me régale. Si ma vie était à refaire, je ferais des études littéraires et me dirigerais peut-être vers la philosophie. Il ne suffit pas de lire de la belle littérature ou des philosophes, ce que je fais; il faut comprendre ce qu'on lit pour pouvoir partager, discuter avec les autres - plus érudits - des réflexions qui naissent de nos lectures. Je lis beaucoup, j'apprends aussi mais je sens qu'il me manque toujours quelque chose d'essentiel : le fondement. On ne construit pas une maison sans fondations.
Ce matin, le sujet étudié était : Peut-on être heureux dans un monde injuste? Voir le plan d'attaque (0_0) sur ce lien. J'ai retenu cette phrase de conclusion de la prof de philo qui était épatante et d'une clarté dans ses explications, son analyse (ses élèves ont de la chance) :
"Nous ne devons pas chercher à être heureux mais nous rendre digne du bonheur."
C'est sûr, j'en suis indigne avec mes idées noires et mon pessimisme! Mais je me soigne en ce moment avec Nietzsche. Mais oui, il ne faut pas croire, Nietzsche est un faux pessimiste, comme moi d'ailleurs.