Vendredi 6 avril.
Je ne peux plus envoyer ni recevoir de mails avec mon mobile. A vrai dire je m'en sers peu mais j'aime l'idée que ça marche. Je tente sur mon "espace client" un "tchat" avec un conseiller.
"Vous êtes en position 10 sur la liste d'attente" (0_0).
Je patiente, je fais autre autre chose. Quinze minutes plus tard "Vous êtes en position 6..."
Au bout d'une demi heure : Vous êtes en position 2.
A quarante cinq minutes : Vous êtes en position 1, puis Un conseiller va répondre à votre demande!
Enfin, Votre Conseiller est Simone (0_°)!
Après quelques questions auxquelles je réponds, Simone me demande si "je suis prête" pour la configuration.
- Ok Simone (en voiture:)), non je n'ai pas dit ça.
Bref, un quart d'heure plus tard, rien n'a marché et, pour terminer : Prenez contact avec le service client ou appelez le 3970.
Je ne réponds rien, je reste perplexe, un nouveau message arrive :
"Merci de votre fidélité, merci de fermer la fenêtre de l'E-tchat".
Pfff! Une heure pour tout ça.
Samedi 7 avril.
Le long week-end commence.
Matin : centre ville. Les touristes sont là. Je me décide à aller chez mon fournisseur pour mon problème de mails sur mon mobile . Pas de queue pour une fois, il est 11 h 45. J'explique mon problème. Je lui dis également que "l'assistant de configuration" est désactivé depuis le tchat que j'ai eu, sans succès. Il me dirige vers le technicien. Je réexplique. Il m'annonce avant de faire quoi que ce soit que c'est payant. Ben voyons! Je demande le prix : 9 euros. OK mais seulement si le problème est résolu. Il vérifie toutes les données, tout est normal. Je lui dis : pourquoi "l'assistant de configuration" s'est désactivité!
- Qu'entendez-vous par l'assistant de configuration?
Non mais je rêve! Je lui montre sur mon téléphone : paramètres - applications - messages - emails - ASSISTANT DE CONFIGURATION.
- Ah oui! Je ne sais pas pourquoi. Je ne peux rien faire, ça ne vient pas de votre téléphone, ça vient du serveur, appelez le service client. Aaaarrrgggrrr!
- Merci.
Il est 12 h 25, je vais aller déjeuner au Petit Gaveau. C'est plein, file d'attente. Majorité de touristes. La patronne me reconnaît et me trouve une table près du piano. Génial.
En rentrant, idiote, j'ai appelé le service client : tapez 1 si...; tapez 2 si... je tape 4 pour avoir un conseiller : tous nos conseillers sont occupés. Et puis m..... zut! Je raccroche. C'est le week-end, ce mobile est nul de toute façon, je le changerai quand plus rien ne fonctionnera, ce qui ne saurait tarder!
Dimanche de Pâques 8 avril... aux tisons!
Sur la route j'écoutais Brigitte Fontaine sur France Inter. Dans ses élucubrations il y a toujours un moment où sa folie me touche. Ce matin ce fut quand elle déclama un poème de Rimbaud.
Arrivée à bon port. Le jardin était bien nettoyé, impeccable, rien à voir avec l'état d'abandon de ma dernière visite, pour moi c'était la preuve qu'elle reprenait le dessus. Pourtant son visage était toujours défait, et son regard reflétait une profonde désespérance.
Je lui ai apporté un oeuf de Pie en chocolat (c'était son appellation chez le chocolatier). Elle m'a montré fièrement ses travaux des dernières semaines : nouveau papier peint dans le hall d'entrée; dans le jardin : les cyprès qu'elle a déracinés, ils avaient jaunis; les buis qui étaient en pot et qu'elle a mis en terre. Je trouvais que c'était dommage mais je me suis tue.
Elle m'a dit en me montrant tous ces changements : j'espère qu'il serait content. L'essentiel c'est que elle soit contente.
Elle s'active jusqu'à l'épuisement. Elle dit qu'elle ne peut pas lire depuis des mois (depuis qu'il est mort) et que cette hyperactivité est sa seule échappatoire pour ne pas pleurer.
Elle refuse toutes les invitations et n'a pas envie de sortir de chez elle. Là, je la comprends. Besoin de rester là où ils étaient tous les deux, au plus près de lui. Je me souviens combien j'avais ce besoin d'être dans l'atelier quand tu es mort. Il n'y avait que là que je me sentais bien. Quand un être cher vous quitte l'entourage est mauvais conseiller : "tu devrais déménager". Quelle folie! Non, c'est là qu'on se ressource, on a besoin de se raccrocher encore à cette présence, le lieu où on mangeait à deux, ou on regardait la télé à deux, ou on écoutait de la musique à deux, ou on riait à deux, ou on s'engueulait à deux, ou on marchait sur ses pieds pour ne faire qu'un seul corps. C'est notre cocon, notre refuge. Pas de précipitation, pas question d'oublier tout ça, le temps se chargera de nous faire prendre conscience que nous sommes seuls et qu'il va falloir surmonter l'épreuve lentement, laisser les points de suture se résorber... Puis la vie reprend le dessus. Et des jours heureux renaissent. Tout cela est si loin pour moi...
On a pris l'apéritif et blablabla...
Je lui parlais de Brigitte Fontaine que j'avais écoutée à la radio sur la route. Elle me dit : elle est cinglée, droguée, s'est fait trente-six liftings et j'en passe. Je lui accorde le "elle est cinglée", pour le reste c'est un jugement qui ne m'intéresse pas, je m'en fiche, j'aime sa folie, j'aime quand elle délire, quand elle dérape. De toute façon j'aime tout ce qui est excessif. Et là pour le coup je suis servie. C'est vrai, elle est complètement déjantée!
Dans ma famille on est trop bien-pensant. On n'aime pas ce qui est hors-norme. Moi si. D'ailleurs je n'aime que les cinglés; je crois que j'en suis (0_0)!
Son plat de pâtes fraîches avec des pétoncles était délicieux.
Balade digestive sous un ciel gris. Tea-time devant la cheminée, oui Pâques aux tisons!
Elle me parle de lui...
Sur la route du retour j'écoute Jean d'Ormesson interviewé par Guillaume Durand sur Radio Classique. J'envoie une giclée d'eau sur mon pare-brise pour bien voir au loin le bandeau de nuages dans le ciel redevenu bleu; ils sont beaux comme des sculptures ouatées aux formes étonnantes, j'ai envie de les croquer. Je te cherche, je t'ai trouvé, je te vois dans un de ces nuages. Je te dis : hello my love...