samedi 14 mai 2016

Vivre sans exister

Dimanche 8 mai.
Un dimanche en famille. Les langues se délient. Psychothérapie de groupe. Me suis éclipsée la première. Je chante dans ma voiture. Je respire.

Lundi 9 mai. 
Matin : au p'tit déj. je découvre cette horreur dans la presse. Je me demande qui est le plus dégénéré? Le modèle, l'artiste, l'acheteur? Celle-ci, aussi sinistre.

Après-midi : 

Coup de karcher... pendant 4 heures!


Finitions peu soignées. 
Vais devoir balayer toute la terrasse demain après séchage. Pfff!




Je commence le boulot d'après "karchérisation" : remettre en place tout ce que j'avais pu enlever, soulever, pour faciliter le nettoyage. 20 heures j'arrête, finirai demain. Il faut que je dîne. De quoi? De plus en plus de flemme pour faire à manger.
 
Soirée : regardé La Chasse sur Arte, film du Danois  Thomas Vinterberg. La dernière scène est étrange; chacun la comprendra différemment. Ma version : il n'oubliera jamais l'horreur de ce qu'il a vécu, la suspicion de sa culpabilité, ça restera dans son cerveau, sa mémoire comme une obsession (je pense à mes vertiges). Je vois cette dernière scène comme un vertige. L'image est floue. Voit-il un assassin? Il sera toute sa vie aux aguets... guettant un ennemi. J'avais bien aimé Festen du même réalisateur.

Mardi 10 mai 2016.
Je me souviens... du 10 mai 1981... le tien. 
Je me lève fatiguée. J'attaque le balayage de la terrasse à 11 heures, le nettoyage des pots qu'il n'a pas remis à leur place, ils sont remplis de détritus, comme les lattes de bois. A 12h45 je n'en peux plus; malgré mes coudières, à chaque bras, déplacer les plants même sur roulettes est atroce, la douleur est là. Pause : vais chercher mon courrier. Larmes ravalées, joie, un paquet, je reconnais l'écriture sur l'étiquette. Il m'a expédié un de ses livres et toujours avec une belle, délicate dédicace aquarellée : L'enfant prodigue


Déjeuner frugal et vite prêt : œuf dur et asperges (en bocal), yaourt, café.
Retour sur la terrasse, dernier coup de balai.
Repos sous le parasol, il fait chaud. Fini de lire Dans la Cathédrale de Christian Oster (extrait plus tard), jubilatoire.



Une mini coccinelle s'est posé sur ma main, elle ne bouge pas. Je regarde ma main. Ouin! Le soleil me caresse, il s'en fiche de la fraîcheur - ou pas, de ma peau. Je parle à la coccinelle, je la dépose sur la petite table. Je la filme. Je me dis que c'est nul, que je suis nulle mais je ris dans ma barbe.

17 heures. Je pars faire des courses. Dans ma voiture, je soliloque : "tu ne peux pas vivre comme ça encore longtemps. Ce n'est pas - plus - possible.". Mais c'est une pensée récurrente, depuis... des années. Et je suis encore là, en vie. 

Mercredi 11 mai.
Un ami m'appelle pour me dire qu'il va ce jour faire un tour à Drouot voir quelques objets, livres, tableaux qui l'intéressent de la vente Michel Audiard qui aura lieu jeudi et vendredi. (Encore un de tes amateurs si je me souviens bien...). Il y a également de belles photographies N&B argentiques.

 
Passé pas mal de temps cette après-midi sur cette vente aux enchères à venir.
Pour prendre l'air et marcher un peu, me décide - malgré l'orage qui se pointe - à aller dîner  à la crêperie, toute seule, évidemment; ainsi pas de contraintes, pas d'horaires à programmer, de rendez-vous à donner, d'attente de réponse, d'annulation parce que...; les avantages (parfois) de l'indépendance et de la solitude. Deux crêpes mangées dévorées rapidement, j'avais très faim. Quelques clients bien que les vacances de printemps soient terminées. Il fait chaud, je ne m'éternise pas dans cette salle qui commence à devenir bruyante. Le ciel est magnifique, tout noir d'un côté, des nuances grisées de l'autre. Merveilleux d'être là. Il est 21 heures.


Quelques coups de tonnerre, il est prudent que je me mette à l'abri au Café de la Cale. Prendre un petit café, non mais! la tisane c'est pour les couche-tôt. Oh! mon Dieu, un éclair magnifique, rouge, en zigzag vient de traverser le ciel en oblique, suivi d'une déferlante de grondements. Génial! J'ai raté une belle photo, mais celles-ci ne sont pas mal. Sainte-Marine, la divine. Petit moment de détente, délicieux, et carrément jouissif.



De grosses gouttes de pluie se mettent à tomber, elles rebondissent sur les parasols, des promeneurs viennent se réfugier sur la terrasse subito presto, tous aux abris sous les parasols. Le seul bémol (c'est personnel), le volume sonore de la musique - qui pollue désormais tous les lieux publics - à l'intérieur du café, n'épargne pas les clients en terrasse. J'essaie de l'occulter et de rester au diapason de cette mer calme et apaisante... J'y reste une heure et je rentre, sereine.

Jeudi 12 mai 2016.
"Trop de béatitude tue la béatitude. La béatitude doit rester fulgurante. Même si la langue est chaude et enveloppante, personne ne supporte d'être léché par un veau plus de trente secondes." (Eric Chevillard).
Cette phrase chevillardienne était reprise ce matin en fin de journal des Matins de France-Culture et, si j'ai bien capté, venait en réflexion de l'ouvrage  Ecrits sur la pensée au Moyen Age de Umberto Ecco.  Je la trouvais bien plus réjouissante que mes lectures (inabouties) des livres de U. Ecco.

Vendredi 13 mai 2016.
Stress dès le réveil. Mails, SMS, coups de fil, ça n'arrête pas, plus l'habitude, tête qui tourne. A 16 heures tout est fini. Ouf! Suis parvenue à me débrouiller et à obtenir ce que je voulais, le Bouquet de Fleurs, 1966. Je suis dans un état second, même pas envie de pleurer, de manger, de rire, de souffler, rien, rien. Cerveau dans la ouate. C'est une étrange sensation : être là sans l'être, vivre sans exister. Le non-être pourtant est impossible.
Je pense à toi. Ce Bouquet a cinquante ans et dans 12 jours  il y aura trente ans que tu es mort, mais pas disparu, jamais de la vie!

"J’irai jusqu’à dire que notre devoir d’adolescent est d’être et de rester jeune, jusqu’à la mort."
Dominique Chaussois. Jamais de la vie.

Samedi 14 mai 2016.
Me suis couchée hier complètement vidée, un zombie. Peur de me réveiller avec des vertiges.
Réveil impeccable (au poil aurait dit mon cher frangin), cerveau moins cotonneux. Coup d’œil rapide dans le miroir. Beurk! De plus en plus décharné ce visage, quand au reste... et, aucun regard pour me redonner confiance.
Secoue-toi. Oui, je décide d'aller au golf prendre l'air, jouer sur le Pitch & Putt. Tant pis pour ma tendinite.
Je suis à cet instant précis, dans le même état d'esprit qu'il y a quelques années, quand je m'étais décidée sans réfléchir à partir en voyage à l'étranger, pratiquement du jour au lendemain. C'était à ce moment-là une question de (ma) survie. C'était ça ou...
Je suis donc partie au golf à midi. Mes coudières bien en place pour me soulager. J'ai terminé mon petit parcours. Je n'avais pas plus de douleurs au bras. Je n'ai pas forcé; je n'étais là que pour m'aérer, marcher, avec un but. Le golf semble me faire moins de mal que le clavier de l'ordinateur.

Je rangeais mon matériel dans le coffre. Un voile de tristesse m'enveloppait.
Dans ma voiture au retour, je soliloque (ben oui, comme d'habitude) : ne sois pas triste, et blablabla. Oublie tout ce qui t'attriste. Et j'insérai le CD de Jane Birkin, Arabesque : Comment te dire adieu, qui est bien mieux chanté par Françoise Hardy. Hi hi!


Je peux écrire ce que je veux ici. J'ai pas mal de visiteurs mais on le sait bien que les visiteurs de blogs ne font que survoler ce qui est dit, montré, écrit. Il faut faire des billets brefs, concis, ce que je ne sais pas faire. Chacun est dans sa sphère, sa bulle, nous sommes tous dans notre PETIT monde, de plus en plus, de moins en moins de communication orale, visuelle, tactile (on ne touche de nos doigts que nos écrans, nos claviers). Emprise du virtuel. 
Parfois même j'écris pour quelques amis qui me lisent (lisaient?) ici, pour leur donner de mes nouvelles, la plupart ne font que survoler eux aussi. Certains, je leur demande parfois s'ils ont lu ou vu ce que j'avais "posté", tel ou tel billet (en pensant à eux. Hum!) et la réponse est édifiante. Mais je sais que deux [Rires] amis, eux, lisent en prenant leur temps, que rien de leur échappe et ça me fait très plaisir, même si JE N’ÉCRIS QUE POUR MOI.

Allez, suffite comme dit l'un de ces deux amis!