mardi 12 avril 2016

"Surtout ne pas penser[...] Juste devenir idiot" (Robert Walser)

Mes deux coups de cœur de la journée.

Matin : Arnaud Rykner pour Dans la neige dans l'émission Entre les lignes.

"Dans ce roman, Arnaud Rykner s’est inspiré de la vie de l’écrivain suisse Robert Walser, avant de prendre des libertés. « Surtout, ne pas penser (…) Juste devenir idiot » écrivait ce dernier." 


Après-midi : L'adorable absent.

ABSENCE. Tout épisode de langage qui met en scène l'absence de l'objet aimé - quelles qu'en soient la cause et la durée - et tend à transformer cette absence en épreuve d'abandon.

"Quelquefois il m'arrive de bien supporter l'absence. Je suis alors "normal" : je m'aligne sur la façon dont "tout le monde" supporte le départ d'une "personne chère"; [...]
Cette absence bien supportée, elle n'est rien d'autre que l'oubli. Je suis, par intermittence, infidèle. C'est la condition de ma survie; car si je n'oubliais pas, je mourrais. L'amoureux qui n'oublie pas quelquefois, meurt par excès, fatigue et tension de mémoire (tel Werther).
[...]
De cet oubli, très vite, je me réveille. Hâtivement, je mets en place une mémoire, un désarroi. Un mot (classique) vient du corps, qui dit l'émotion d'absence : soupirer : "soupirer après la présence corporelle" [...]

(Quoi, le désir n'est-il pas toujours le même, que l'objet soit présent ou absent? L'objet n'est-il pas toujours absent? - Ce n'est pas la même langueur : il y a deux mots : Pothos, pour le désir de l'être absent, et Himéros, plus brûlant, pour le désir de l'être présent.)

Je tiens sans fin à l'absent le discours de son absence; situation en somme inouïe; l'autre est absent comme référent, présent comme allocutaire. [...]
[...]
[...] L'absence est la figure de la privation; tout à la fois, je désire et j'ai besoin. Le désir s'écrase sur le besoin : c'est là le fait obsédant du sentiment amoureux."

Roland Barthes, in Fragments d'un discours amoureux.