A la caisse de l'hypermarché ce matin j'étais derrière une femme. Son caddy n'était pas plein mais elle avait pas mal de victuailles. Elle portait un pantalon trop grand, un peu crasseux, il plissait sur ses baskets éculés; ses cheveux étaient gras, longs et tenaient par un élastique en queue de cheval. Elle sort tout de son caddy et se penche pour demander quelque chose à la caissière. "Est-ce possible de..." Je n'entends pas la suite. La caissière lui dit : oui. Et elle commence à passer les codes barres sous sa machine. Elle passe d'abord tout ce qui est frais (charcuterie, yaourts etc) et vient même les chercher au fond de ce qui est étalé sur le tapis roulant. Je me demande ce qu'elle fait, puis je l'entends dire à la cliente : "je suis obligée de commencer par ça, je n'ai pas le droit de garder des aliments frais à la caisse". Je ne comprends toujours pas. Je regarde la femme qui place les aliments dans son caddy, elle reluque l'affichage et demande à la caissière : ça ne fait pas encore le compte? La caissière lui répond : là, ça fait 39 euros. La cliente lui dit : arrêtez-là, ça ira. Et je vois la caissière retirer du tapis ce qui restait. Je réalise alors que la femme (je ne pouvais lui donner un âge tant elle portait le poids de sa pauvreté sur son visage abîmé) avait dû demander à la caissière d'arrêter de passer les aliments quand elle atteindrait une certaine somme. Il ne restait pas grand chose à vrai dire : un petit sachet de pommes de terre, un paquet de chips, un long saucisson "premier prix", un produit d'entretien, deux ou trois petites choses dont je ne me souviens plus.
J'étais décontenancée et je n'ai même pas eu le réflexe sur le moment de dire à la caissière : remettez-les sur le tapis avec mes courses, pour les offrir à la pauvre femme. Je m'en veux. C'est la première fois que j'assistais à ce genre de scène; la caissière avait l'air habituée. C'est dans ma voiture que j'y repensais, oui je m'en voulais de n'avoir pas réagi sur le champ; j'étais stupéfaite, triste. Je sais pourtant qu'il y a encore de pires situations, que la paupérisation ne cesse d'augmenter. J'ai été nulle là. J'avais raté ma B.A.