samedi 13 avril 2013

Déconstruction, fluidité, poésie

Signature du peintre

Zao Wou-Ki
1921-2013

Zao Wou-Ki dans son atelier parisien en 2003.
Photo : François Guillot AFP

L’artiste franco-chinois (né à Pékin) a chéri la lumière. Marqué par Paul Klee et Turner, atteint d'Alzheimer, il est décédé à Nyon (Suisse) le 9 avril, à 93 ans. Naturalisé Français en 1964 grâce à son ami André Malraux.




Film complet  : 18 minutes. A voir absolument ici!

Dernier film pris avant la mort de Zao Wou-Ki par le peintre et sculpteur  Richard Texier qui nous livre un beau portrait de l'artiste


"Né en 1921 à Pékin dans une famille de lettrés, Zao Wou-ki étudie dès l’enfance la calligraphie et aborde en parallèle, à l’école des beaux-arts de Hangzhou et chez lui, en privé, l’encre et la couleur à l’huile, la perspective occidentale et la manière orientale d’organiser sa composition autour d’un vide central et constitutif. Insatisfait des possibilités que lui offre son pays en matière de recherche picturale, le jeune homme gagne la France, où il arrive en 1948 en compagnie de la femme qu’il a épousée dès la fin de l’adolescence.
« Lan-Lan était musicienne de formation, puis s'était mise à la peinture. (...) Lorsque nous nous sommes mariés, j'avais dix-sept ans, elle en avait seize. Nous étions beaucoup trop jeunes... »
[...]
Très vite, Zao Wou-Ki ressent le besoin de s'éloigner de la peinture traditionnelle ou académique, et il a envie de chercher ailleurs une autre forme d'inspiration.
[...]
 Mais en 1951, c'est la rencontre avec un autre peintre qui ouvre son horizon: Paul Klee, ce passeur des mondes, l'incite à déconstruire le sien, à s'engager dans l'abstraction.
[...] 
Car Klee aborde la peinture avec une attitude intérieure analogue à celle des peintres d'Extrême-Orient sans avoir jamais connu la Chine. C'est sa démarche que Zao Wou-Ki va suivre, et que l'on retrouve dans certains de ses tableaux notamment à Venise avec le tableau Piazza. À Anvers en 1952, et aux corridas espagnoles à la fin de la même année. Zao Wou-Ki cherche à interpréter la nature. Dans la peinture, la couleur crée un espace féérique où les fonds poncés et grattés, les dégradés de nuances rappellent les paysagistes Song. Et sur ces fonds, le peintre trace des signes, notamment le caractère-idéogramme qui se souvient du vol de la gondole à la surface de la Lagune.
[...]


 Zao Wou-Ki, Venise Piazza 1950

Zao Wou-Ki, Sienne Piazza 1951


Zao Wou-Ki, Corrida 1953



Pour surmonter l'épreuve que représente sa rupture avec sa première épouse Lan Lan au début 1957 le peintre parcourt le monde jusqu'en 1959. Il va à New York où réside son frère et il rencontre des artistes de l'école de New York qui deviendront des amis, notamment Franz Kline, Hans Hofmann, Adolph Gottlieb, William Baziotes et bien d'autres. Il apprécie la fraîcheur de cette peinture américaine spontanée. Puis avec Pierre et Colette Soulages, il visite un grand nombre de musées (San Francisco, Chicago, Washington,  D.C.), très étonné d'y trouver tant de peintures françaises. Son périple voyageur le conduit ensuite au Japon à Tokyo, puis à Hong Kong. C'est là qu'il rencontre en 1957 celle qui va devenir sa deuxième épouse : Chan May Kan, sculpteur, qui décèdera en 1972. Sur sa tombe, au cimetière du Montparnasse, une de ses œuvres.


The Chinese-French artist Zao Wou-ki met his wife, in 1958
Image from Archives Zao Wou-ki, Paris and the Sarthe Fine Arts, Hong Kong.



Photos : Wikipédia


C'est en 1971 qu'il a rencontré Françoise Marquet, alors qu'elle venait de passer le concours de conservateur des musées de la Ville de Paris. Elle a publié Zao Wou-Ki, estampes, 1938-1974 avec une préface de Roger Caillois. Zao Wou-Ki l'épouse en 1975. Françoise l'aide à rédiger ses souvenirs après son retour en Chine.

 Françoise Marquet et Zao Wou-Ki, 1977
Photo : Waintrob-Budd, New York

Pour Zao Wou-Ki, la tradition picturale chinoise s’est [...] tout naturellement décantée et métamorphosée, jusqu’à devenir cette manière inédite et unique, à la fois informelle et fondée sur la couleur, la belle couleur : [...] des lueurs qui contaminent l’entier de la toile. [...] A partir du début des années 1950, le peintre renonce totalement à la figuration pour créer des espaces contemplatifs, mi-organiques, mi-cosmiques, habités de teintes harmonieuses. Ou plutôt habités de vapeurs de couleurs, de portions de ciels, de lueurs féeriques. Il faut noter que parmi les références de l’artiste figurent en bonne place l’impressionnisme et sans doute, au-delà, les brumes de William Turner.

 

Zao Wou-Ki, huile sur toile 1968.
Acquisition Musée d’Art Moderne Paris en 1971
Crédit photo DR  


Zao Wou-Ki, Sans titre 1995



Zao Wou-Ki


Zao Wou-Ki

Ses toiles, pour la plupart de très grands formats à partir des années 1950, portent pour titre la date de leur achèvement, ou bien un titre faisant référence à un évènement connu.

D’autres peintres, comme Georges Mathieu, dans la même mouvance de l’abstraction lyrique, ont cherché et trouvé leur inspiration «ailleurs»: Mathieu comme Fabienne Verdier plus récemment ont emprunté leur gestuelle à la calligraphie extrême-orientale."


Zao Wou-ki, Sans titre 2007


Zao Wou Ki, Lorand Gaspar : "Genèse".
Livre illustré de Zao Wou-Ki, 1981, texte de Lorand Gaspar, comporte 3 gravures originales hors texte de l'artiste, celle du frontispice est signée. Tirage du livre à 100 exemplaires (XX + 80).


Zao Wou-Ki, vitrail.
En 2011 il a réalisé 14 vitraux pour le Prieuré de Saint Cosme,
où avait vécu Pierre de Ronsard.

"Sa folle échappée occidentale l'a ramené, à l'hiver de sa vie, à l'Orient, avec les encres de Chine."


"Ça c'est magnifique" dit Zao Wou-Ki en montrant ce coin de son atelier :
l'arbre et le chevalet.
(Capture d'écran du film de Richard Texier)

Source des textes :

Je n'ai fait qu'extraire ici des textes. Sa longue vie d'artiste fut si riche qu'il faut aller plus avant rechercher des informations, des documents sur cet homme et ses origines. Sa peinture, ses estampes, ses encres  m'ont toujours éblouie.

Rajout du 22 décembre 2015 : Exposition Hommage à Zao Wou-ki

«Zao Wou-Ki», Fondation Pierre Gianadda, Martigny, du 4 décembre 2015 au 12 juin 2016. Tous les jours 10h-18h.