lundi 5 décembre 2016

Moi je... Un journal à soi


Cet opuscule de 1998, édité par la bibliothèque de Quimper, je l'ai déniché lors d'une braderie de livres en 2012, retrouvé hier en dépoussiérant ma bibliothèque.


On y trouve une bibliographie d'auteurs (écrivains, philosophes, penseurs, essayistes...)  qui se sont  adonnés à cette pratique du journal, de l'Antiquité (Saint Augustin) jusqu'au 20e siècle.

" Le journal est écrit pour soi, sans souci de construction, sans recherche de l'effet produit, sans reprise ni travail : a priori, c'est exactement le contraire de l'art. Du moins est-il ainsi à l'état naturel, chaque fois qu'on a recours à lui pour suppléer à une communication défaillante, faire face à une épreuve...

Mais à qui désire de surcroît publier un jour, et s'exprimer en public, le journal offre un espace plein de ressources, grâce à l'équilibre de ses contraintes (dater, écrire par fragments, ne pas corriger, dire vrai) et de ses libertés (aucune forme, aucun contenu ne sont prescrits). Il propose au minimum, par la discipline qu'il comporte, une sorte d'atelier d'écriture personnel.

Cette négociation entre journal et œuvre s'est développée dans deux directions. D'une part, le journal comme réservoir et brouillon, comme noyau ou coulisse de l’œuvre, selon les occasions - c'est le cas chez Franz Kafka, Michel Leiris, et bien d'autres... D'autre part, le journal lui-même comme une œuvre à part entière, satisfaisant un nouveau type de lecteur, qui souvent est un fanatique du genre, qui a ses auteurs fétiches, souvent même un auteur fétiche, dont il pratique et vénère le journal. Le modèle du journal-œuvre est sans doute celui d'Amiel, qui est mort en croyant que son journal ne pourrait être publié qu'en extraits, mais qui lui a donné tous les soins qu'on donne à une œuvre majeure. Impubliable en 1881, ce journal a fini par être intégralement édité un siècle plus tard - et il faudra sans doute un siècle encore pour qu'il soit lu comme il le mérite.(1)"


1. Philippe Lejeune, Un journal à soi (ou la passion des journaux intimes) : exposition, Lyon, bibliothèque municipale 30 septembre-27 décembre 1997. - Lyon : Association pour l'autobiographie et le patrimoine autobiographique : Amis de la bibliothèque de Lyon, 1997.





Journaux intimes,
confessions

"Désignant tout d'abord le registre sur lequel on inscrit les dépenses et les recettes journalières, puis le cahier où consigner des notes au jour le jour, le journal, comme moyen d'expression et d'autoanalyse, naît à la fin du 18e siècle. Son apparition coïncide avec l'effondrement d'un ordre social communautaire bien établi, favorisant l'émergence du moi et la recherche, par le biais de l'écriture, d'une solution à des problèmes existentiels.

Un grand nombre d'écrivains, en quête de singularité, authenticité spirituelle mais aussi d'aventures et d'expériences vécues, vont exploiter le genre en France (Chateaubriand, Stendhal, Gide, Léautaud...) comme à l'étranger (Kafka, Tolstoï, Musil, Pessoa...) et le considérer comme une œuvre littéraire à part entière.

Soumis à aucune limite en dehors de celle du temps et de l'espace, ni à aucune exigence esthétique (il n'est pas, a priori, destiné à être divulgué et publié), le journal intime peut varier à l'infini et offrir une grande diversité de formes : chronique (Goncourt), bloc-notes (Mauriac), récit (Ernaux), autofiction (Guibert) tout en conservant son rôle premier de "secrétaire particulier" et d'aide à la connaissance de soi."





Un aperçu du Journal de Marie Bashkirtseff 
et du Journal de Benjamin Constant
(Clic droit pour afficher et agrandir, mais c'est illisible)



Stendhal, Œuvres intimes - Dessin sur un cahier d'écolier. 
Tolstoï, Journaux et carnets



Georges Perros, Papiers collés - Catherine Pozzi, Journal de jeunesse
C.F Ramuz, un extrait de son journal


Mémoires , carnets

"Le journal intime - loin d'être limité à un travail d'introspection et d'analyse au service de la connaissance de soi - s'écrit également, à la faveur d'événements historiques ou de changements sociaux que l'auteur a vécus ou dont il a été le simple témoin, sur fond de tout ce qui l'entoure.

A côté des souvenirs d'hommes illustres ou influents rédigés sous forme de mémoires, des acteurs plus modestes de l'histoire - voire des anonymes - tiennent ainsi à laisser une trace durable des événements qu'ils ont traversés et à consigner dans un journal le fruit de leur expérience. Chroniques vivantes de la société, ces écrits constituent souvent des matériaux pour l'histoire et en renouvellent l'approche et la perception par la place qu'ils accordent aux témoignages vécus tels que récits sur la condition ouvrière (Ménétra), souvenirs de la vie à la campagne (Holden) ou journaux de guerre (Barthas, Folcher)."


Gustave Folcher, Les carnets de guerre (1939-1945. Anne Frank, Journal.
Edith Holden, Journal champêtre : notes de la vie rustique 
sous le règne d'Edouard VII



Louis Barthas, Les carnets de guerre



Journaux de bord,
carnets de voyage... 

"Journaux de bord et relations de voyage remontent aux premières expéditions que géographes, marchands et marins entreprirent pour découvrir le monde. Rapports journaliers et circonstanciés sur le déroulement des opérations, ils renvoient à l'histoire des explorations et des moyens de communication.

Le genre évolue cependant dans son contenu en même temps que la terre se dévoile dans ses extrêmes limites et que l'esprit du voyage se transforme. De simple relation, il devient, en fonction de la qualité du narrateur, soutien à une étude scientifique, enquête ethnographique ou encore, élevé au rang de divertissement littéraire, art de raconter les voyages sous forme de journaux et de carnets de route.

La destination du voyageur est souvent déterminée par les besoins de son époque ou les caprices de la mode - Amériques, Italie, Proche-Orient, Chine, Afrique... - à moins qu'elle ne soit dictée simplement par la fascination d'un paysage particulier - désert, steppe ou montagne - où enfoncer ses pas et aller à la quête de soi."


 Albrecht Durer, Journal de voyage aux Pays-Bas (1520-1521)
Michel de Montaigne, Journal de voyage



Michel Leiris, Journal de Chine - Théodore Monod, Carnets

Cet opuscule se termine par une petite biographie
d'Articles et d’Études critiques 



"il n'a pas assez envie de m'aimer..."
Agnès Bonzon-Verduraz, Mon cher journal 

(Qui n'a jamais noté sur un morceau de papier, de nappe-papier d'un bistrot, sur un ticket de caisse, de parking, de métro, ou comme ici un billet de train, une de ses pensées. L'instant est vérité!)





Un journal à soi
Illustration de Tomi Ungerer 

"Cette bibliographie a été réalisée par la bibliothèque municipale de Quimper dans le cadre des Rencontres d'automne 1998 organisées par l'Association Gros Plan sur le thème Cinéma et autobiographie. L'art du : je.
Tous les ouvrages cités appartiennent aux collections de la bibliothèque."

La liste d'écrivains figurant dans cette bibliographie - bien qu'importante, de quoi satisfaire le lecteur de la bibliothèque de Quimper - est non exhaustive. Pour les Journaux intimes et confessions, j'en ai compté 150 et cet opuscule date de 1998.  
On trouve aussi aujourd'hui via les blogs, quelques  diaristes (journal ou récits autobiographiques). Ces diaristes-blogueurs sont connus ou pas, ils publient pour la plupart sous leur patronyme, d'autres sous le nom (titre) de leur blog mais on peut les découvrir dans leur "A propos"; les anonymes sont rares mais il y en a...
Le journal d'écrivain se complète parfois de dessins, souvent dans les Carnets de voyage ou, comme aujourd'hui avec l'ordinateur, de photos.