Samedi 3 décembre.
Assise, les yeux dans le vague, je sirote mon thé en pensant à cette scène vécue jeudi.
Je montais dans le bus, passais ma carte sur le "truc" et me dépêchais - comme d'habitude (même si je le prends rarement) - d'aller jusqu'au milieu du bus, en me tenant fermement car il venait de redémarrer brutalement (je pouvais me cogner, tomber sur le c... et je ne suis pas un Botero!).Oui, je me dépêche toujours d'aller au milieu pour m'asseoir aux places "normales" la tête haute, en passant devant les places vides "réservées aux personnes âgées". Non mais! Pas question de m'asseoir là. Tsss! Mais le bus était plein et je restais coincée à l'avant, les places des vieilles étaient occupées (en partie par des jeunes, mais ils ont le droit aussi d'être fatigués). Tant mieux. Je n'avais que deux stations à faire. Que nenni! J'allais vivre "la première fois" et pas celle de mon premier baiser.Un jeune homme, noir, se lève de sa place "réservée aux personnes âgées" (aaarrrgggrr!) et me regarde avec un grand sourire. Pas besoin de me dire : prenez ma place. Je n'allais pas la lui refuser, il avait l'air si gentil, je l'aurais offensé. J'en avais pourtant très envie et de lui dire avec un grand sourire : je ne suis pas encore une vieille! Mais je savais, cette fois j'en étais sûre, je l'étais. Je ne lui dis rien de cela, je m'asseyais. Je ravalais mon orgueil, en le remerciant : c'est gentil. Il reste près de moi, de toute façon, on ne pouvait pas bouger et, accroché au pilier il dit : il n'y a pas beaucoup de personnes gentilles aujourd'hui (il avait un sourire éclatant, il insistait sur le mot gentil). Il attendait une réponse : ben si, vous. Je rajoutais : maintenant il y a le wi-fi dans le bus et tous les jeunes (et moins jeunes) ont le nez plongé dans leur smartphone mais il y a tout de même parfois des regards souriants. Je n'en vois pas beaucoup me dit-il, les gens sont fermés, ils ont peur avec tout ce qui se passe, ils ne cherchent pas le contact ni les regards. Je sentais qu'il avait envie de parler mais deux stations c'est vite fait (eh oui! parfois je suis flemmarde en plus d'être vieille. Hi!) et il fallait déjà que je me lève pour arriver près de la porte de sortie. Alors je lui dis : vous savez, je suis persuadée qu'on ne peut répondre à un sourire que par la gentillesse mais je suis d'accord avec vous, nous croisons rarement des visages souriants dans la rue. C'est dommage. Merci beaucoup.Il descendait aussi à la même station, il allait à gauche et moi à droite. Il devait avoir 16-17 ans. Il n'était pas Harold et je n'étais pas Maude...Je venais tout de même de prendre un coup de Penn Bazh.Il y a eu une première fois, il y aura une seconde, une troisième et ainsi de suite, jusqu'à ce que... mort s'en suive.Mais c'était plutôt une bonne journée, j'avais parlé à quelqu'un, de vive voix. (Et là, éclatons tous de rire, derrière nos écrans).
Mon thé était froid pour une "resucée" (je me souviens de ce mot dans ta bouche, maman chérie).
Bon, hier j'étais au golf, avec une partenaire, parce que hein, je ne prends pas le bus tous les jours! Je marche encore... Non mais!