"A
quoi pensez-vous quand vous voyagez en avion ?
Assis à plus de 10 km du sol, quelles sont les pensées qui vous
traversent l’esprit ?
Sont-elles futiles ? Pas assez de glaçons dans votre jus de tomate, un
peu froid aux pieds, quel film choisir, faut-il déranger ce monsieur qui
dort à côté de vous pour aller aux toilettes ? Mais cet espace
indéterminé qu’est le ciel entre deux destinations est peut-être le
théâtre d’interrogations plus profondes. Pourquoi ce voyage ? A quoi
rime la vie ? Qu’est ce que je fais ici ?"
Fouad Laroui, in Les tribulations du dernier Sijilmassi, éditions Julliard.
Je n'ai pas lu ce livre, je ne peux donc rien en dire de personnel, mais j'écoutais hier matin un entretien intéressant avec (la toujours charmante) Mélanie Croubalian
et, Fouad Laroui. Au même moment, coïncidence, je regardais le ciel et je voyais ces
traînées blanches en me disant : à quoi pensent tous ces voyageurs dans
ces autoroutes du ciel ? Aux questions posées plus haut, extraites de son roman, l'auteur répond :
"Quand on est à trente mille
pieds du sol, c’est assez extraordinaire, les pensées qu’on a me
semble-t-il sont beaucoup plus profondes et remettent réellement en
question tout ce qu’on fait. Quand on est dans un avion et qu’on voit
des nuages à travers le hublot et qu’on approche d’une ville à
l’atterrissage (là en l’occurrence c’était Hong Gong), les pensées sont
presque toujours existentielles. En gros : qu’est-ce que je fais là ?
Est-ce là vie que je souhaite ? Est-ce que cette vie a un sens ? Est-ce
que je contribue à quelque chose ? Assez souvent, ce genre de pensées
que j’avais quand j’étais à l’époque ce qu’on appelle un high flyer,
qui était tout le temps dans les avions et qui était promis à une très
belle carrière.
Ces pensées-là nous viennent parce que je crois qu’on devient réellement
un pur esprit ? A ce moment-là, on n’a plus aucun contrôle sur son
corps, on est assis sur son siège, on est finalement livré à la
technique moderne, on est livré pieds et poings liés au commandant de
bord et, à ce moment-là le mieux à faire c’est d’oublier que nous sommes
des corps, que notre corps nous n’en disposons plus. Et si nous ne
sommes plus des corps, que sommes-nous ? Alors nous sommes des esprits,
de purs esprits, et ce pur esprit généralement, se met à la hauteur
des idées que nous devons avoir à ce moment-là, ce ne sont plus des
idées extrêmement pratiques, un pur esprit ne peut avoir que de très
pures et de très belles pensées.
Je pense que c’est pour ça que dans l’avion on devient un peu
philosophe."
Le sujet du roman paraît léger et drôle mais pas seulement si je m'en tiens à ce que nous en dit l'auteur dans cette émission. Quelques sujets plus graves, voire philosophiques, existentiels y sont abordés, tels que : "comment abattre les murs que l'ignorance et l'obscurantisme érigent entre les civilisations?"
A propos de Fouad Laroui, extrait d'un article pour le Magazine Littéraire en 1999 :
"J’écris
pour dénoncer des situations qui me choquent. Pour dénicher la bêtise
sous toutes ses formes. La méchanceté, la cruauté, le fanatisme, la
sottise me révulsent. Je suis en train de compléter une trilogie. Les dents du topographe avait pour thème l’identité. De quel amour blessé parle de tolérance. Le troisième qui vient de paraître sous le titre Méfiez-vous des parachutistes,
parle de l’individu. Identité, tolérance, respect de l’individu : voilà
trois valeurs qui m’intéressent parce qu’elles sont malmenées ou mal
comprises dans nos pays du Maghreb et peut-être aussi ailleurs en
Afrique et dans les pays arabes."
Source : Biblio Monde.
Les tribulations du dernier Sijilmassi a obtenu le Prix Jean Giono.