mardi 21 janvier 2014

... la soie du silence

Dimanche 19 janvier 2013.

Elle ne vient pas souvent me voir. Elle préfère que j'aille la voir. Elle trouve que l'essence est trop chère. Elle doit faire très attention à son budget depuis qu'il n'est plus là : l'essence, le chauffage au minimum, attendre que la pluie arrose son jardin et ses plantes, croiser les doigts pour que rien ne tombe en panne, tout ce que j'ai fait, craint, pendant des années mais aujourd'hui je n'ai plus besoin de compter chaque sou et je peux réaliser mes envies. Le problème c'est que je n'en ai plus, d'envies!

Elle est arrivée à midi, avec sa chienne qui, comme d"habitude, ne voulait pas monter l'escalier pour arriver à mon appartement. C'est bizarre, il y a pourtant des escaliers chez elle, qu'elle monte et descend sans problème. Il faut porter la miss. Tsss!

Apéritif, des bulles pour fêter sa venue. Pendant que nous sirotons et dégustons nos amuses-bouches, je mets au four les coquilles saint-jacques maison qu'elle a apportées, cuisinées avec la recette de ma mère. Ben oui, il a fallu qu'elle apprenne à les faire puisque lui (mon frère) ne jurait que par la cuisine divine de sa mère. Il faut dire que cette recette de coquilles est savoureuse. Bref, déjeuner, café, il fallait profiter du soleil pour une balade, après tous ces jours pluvieux!

Je connaissais ses pensées silencieuses. Elle ne prononce pas une phrase qui ne parle de lui. Ça lui fait du bien et à moi aussi.



Le silence

Écoute, bien-aimée : je lève la main -
Écoute ce bruit...
Quel est le geste des solitaires
que ne guettassent tant de choses?
Écoute, bien-aimée : je ferme les paupières,
et c'est aussi un bruit qui va vers toi.
Écoute, bien-aimée : je lève les paupières...
... mais pourquoi donc n'es-tu pas là?

Le moindre de mes mouvements
reste imprimé sur la soie du silence;
la moindre émotion reste, impérissable,
imprimée sur le rideau des horizons.
Sur mon souffle s'élèvent et s'abaissent
les étoiles.
Les parfums à ma lèvre s'abreuvent
et je reconnais les poignets
d'anges lointains.
Seule toi à qui je pense :
tu n'es pas là.

Rainer Maria Rilke, Le livre d'images, extrait.