mercredi 15 mai 2013

J'ai toujours assez de force pour t'envoyer au paradis

Vu hier soir :

PROMESSE (DVD) de Kijû Yoshida, 1986.

Yoshio Morimoto vit dans les nouveaux quartiers  de Tamashi, dans la banlieue de Tokyo, avec ses parents, sa femme et ses deux enfants. Un matin, le corps de sa mère, Tatsu, est retrouvé sans vie. Lorsque l'inspecteur en charge de l'enquête en vient à se demander s'il ne s'agit pas d'un meurtre, Ryôsaku, le mari de Tatsu, se désigne comme coupable...





"En faisant ce film sur l'euthanasie des personnes âgées dans une société vieillissante, je n'avais pas pour objectif d'en questionner le bien-fondé. L'image récurrente de l'eau, cette eau sans cesse changeante, entendait ainsi refléter la petite existence ignorante des hommes, incapables de connaître même leur propre mort."
Kijû Yoshida













 Captures d'écran

Ce film date de 1986. Le thème de l'euthanasie était alors un sujet bien plus tabou qu'aujourd'hui et Kijû Yoshida l'aborde de façon très crue(lle) du moins dans son geste final. L'euthanasie aujourd'hui peut être abordée de manière plus "douce" si j'ose dire. Oui, j'ose le dire, de plus c'est la définition même du mot euthanasie : mort douce. Or ici, le geste est violent. D'où pour moi, l'importance de légaliser l'euthanasie pour ne pas laisser la personne se suicider, avec des moyens barbares.  Un film beau et fort... pour âme forte et, aguerrie.

"Lorsque le plus bergmanien des cinéastes japonais aborde le thème de la vieillesse et de la disparition, il le fait avec un tel aplomb qu’il offre l’un des portraits les plus saisissants de la "mort au travail". Crument. Sans artifice. La découverte de la mort de Tatsu Morimoto par la police, soupçonnant son mari Ryosaku d’avoir mis fin à ses jours, nous conduit quelques années en arrière dans la vie d’un vieux couple que le temps a rongé lentement et que la sénilité atteint progressivement. Certes, Yoshida n’a jamais brillé par un optimisme béat, mais, à l’opposé de Kurosawa qui dans ses dernières œuvres abordait la mort avec sérénité, sa vision reflète la peur et le désespoir, l’horreur de la fin de vie. Troublante coïncidence, ce sera cette même Sachiko Murase, la Tatsu de Promesse qui incarnera la magnifique vieille dame de Rhapsodie en Août cinq ans après. Ici, pas de recueillement, pas d’acceptation stoïque, mais un sentiment de panique croissant, de l'appréhension individuelle au cauchemar des chambres d’hôpital hantées par des séniles se chamaillant, ou répétant en riant à l’envi des « je veux mourir ». Le couple Morimoto vit ses dernières années d’amour fou dans une douleur intense, faite d’escarres, d’incontinence et de maladie d’Alzheimer. Ils retournent tous deux en enfance, perdent la mémoire, mais conservent intacts jusqu’au bout leurs sentiments sublimes et déchirants. Toute certitude s’évanouit dans l’angoisse de la dislocation. 

Le moi disparaît dans un brouillard ou la conscience de l’autre et de soi menace de s’éteindre d’un instant à l’autre, s’efface du monde, non pas dans une forme de sérénité, mais dans l’horrible conscience de sa dislocation. Tout n’est que souvenir pour les Morimoto. La vie est derrière eux. « Laisse moi mourir, je t’en prie » supplie Tatsu à son mari. Promesse aborde frontalement la dégradation des corps, le sentiment de dégénérescence inéluctable. Yoshida rend ouvertement hommage aux horloges sans aiguilles des Fraises Sauvages - autre grande œuvre sur le vieillissement, mais c’est plus encore de Cris et Chuchotements qu’on pourrait rapprocher Promesse. Il s’attache pareillement à observer la lenteur d’une agonie contaminant progressivement tout l’entourage, bouleversant son fonctionnement quotidien et mettant en évidence toutes les failles morales, les non-dits, le dysfonctionnement familial."

Olivier Rossignot, Culturopoing.com

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