Ce matin au réveil ciel incroyablement bleu (on nous annonçait un mauvais temps), les mouettes ont commencé leur joyeuse chorégraphie rieuse – ou l’inverse, au choix !
Courte nuit ou plutôt longue nuit sans sommeil, troublée par mes pensées et d’horribles crampes. Ma cure de magnésium et autre grigri ne servent à rien.
A midi, sur un coup de tête, au son des cloches, tandis que les chrétiens sortent de l'église après la messe, je commence à poncer le bas de la porte d’entrée qui s’écaille, profitant de l’absence de mon voisin, en vacances. L’ancien propriétaire m’avait laissé un pot de peinture de la couleur adéquate pour repeindre la porte (sic). Gonflé ! Il aurait pu le donner à mon voisin. Bonne poire, ou bonne pomme, c’est selon, je me lance. Deux couches pour le bas, demain je donnerai une troisième en repeignant toute la porte dont le reste n’est pas abîmé. Je déteste les jours fériés; j'adore bosser les jours fériés.
Une femme seule doit savoir bricoler !
Stupéfiant, il est 14 heures, je prends un café sur la terrasse, je lève les yeux et je vois un arc-en-ciel qui entoure le soleil, oui, qui encercle le soleil. Jamais vu ça. J’essaie de le photographier, cadrant au pif car je ne peux pas regarder le soleil en face. Le résultat n’est pas probant ni à la hauteur de ce que je vois.
Tant pis, l’essentiel n’est pas dans la photo mais dans le regard. Ici on ne voit pas l'arc-en-ciel.
Plus tard… je tente une sieste pour récupérer le manque de sommeil. Je n’y arrive pas, trop de choses dans la tête pour somnoler.
C’est la Sainte Marie : bonne fête maman. Je pense à ta succulente tarte aux pommes, à ta solitude aussi, à ces mots écrits sur un petit bout de papier, retrouvé, après ta mort : "je ne trouve plus mes mots, je cherche mes mots, je dois les agacer". Putain tu me manques tiens. J'adore dire des gros mots quand je pense à toi. Je pense…. je pense… je pense… Quand vais-je arrêter de penser ?
Alors je lis. Ceci – c’est étrange au moment où je pense à ma mère :
"Cette année aussi, ma mère s’est installée pour ses vieux jours dans un appartement où elle sera seule, le dernier ?"
Paul Nizon, Journal, le 16 novembre 1976, Zurich.
Et je me souviens de toi maman quand tu étais dans ton appartement, seule.
Aujourd’hui, c’est moi qui suis installée, seule, dans mon nouvel appartement; le dernier ? Je l’espère. Je préfère mourir avant qu’on ne m’emmène ailleurs.
Qu’est-ce que c’est ? Un pétard vient d’exploser en bas de chez moi ; envolée de pigeons et tourterelles effrayés. Puis un deuxième pétard, les cons !
Et maintenant j’entends un bruit qui cogne. C’est le 15 août, le quartier est vide. J’ai laissé la porte de l’entrée ouverte pour que la peinture sèche.
Je me drape dans mon paréo, je descends en trombe les escaliers craignant qu’un cinglé mette un troisième pétard dans le hall. Pas d'artificier en vue, youpi! Je tâte la peinture, à peine sèche, c’est de la glycéro. Je pousse tout de même la porte sans la fermer complètement. Suis pas trouillarde heureusement. Ma devise c’est : il n’arrive malheur qu’aux trouillards ! J’y crois sans savoir pourquoi. Comme pour les chiens : seuls ceux qui en ont peur se font mordre.
17 h 30. J’écris tout ceci dans mon cahier sur ma terrasse, en écoutant Philippe Sollers sur France Culture qui parle de Bordeaux, qui s’interrompt de temps en temps pour nous laisser entendre ses divins choix musicaux.
Tout va bien, la vie est belle ?
Oui, la vie est belle - malgré tout... ce qui ne va pas bien - puisque le bourdon butine, tout près de moi.