On s’était donné rendez-vous au XXI pour prendre un verre dans un bain de foule (de touristes). Elle sortait de son bureau et était là, la première ; d’habitude c’est moi qui arrive avant elle. J’étais contente que ce fut elle la première, cela voulait dire qu’elle n’était plus angoissée à l’idée de se retrouver seule attablée dans un café. Elle progresse. D’ailleurs elle va beaucoup mieux, elle va même bien en ce moment. Elle était en train de consulter son téléphone portable quand je suis arrivée.
On s’embrasse, se sourit. Le garçon nous saute dessus pour prendre notre commande. Les deux terrasses sont pleines, c’est très bruyant, parents avec des enfants qui n’en peuvent plus de se faire trimbaler en ville par ce temps qui n’incitait pas à la plage ; les cloches de la cathédrale qui sonnent, Dieu soit loué ;o), et viennent couvrir les cris des mômes.
- Comment vas-tu ?
- Bien et toi ?
Et blablabla… on se raconte ce qu’on veut bien se dire de nos histoires. Soudain son regard s’enfuit, zut, la voilà qui repart dans son monde me dis-je. Elle regarde son téléphone portable, il n’a pourtant pas sonné. Elle n’a pas de message. Puis elle commence à pianoter et envoie un message… à une de ses collègues de bureau qui se trouve sur la terrasse avec deux amies. Non mais je rêve! Elle me dit : j’ai envoyé un message à une collègue, celle qui est là-bas et elle me la montre. Et à partir de là, elle n’était plus avec moi. Elle regardait si sa collègue allait sortir son téléphone de son sac et lui répondre. Mais que nenni ! Pendant ce temps-là j’ai failli m’étouffer avec le Tabasco que j’avais mis dans mon jus de tomate. Hum !
20h. On se pointe au Cosy, sans réservation, il est tôt et le rez-de-chaussée est déjà complet. Une petite table de libre au 1er, on s’installe. Endroit assez insolite, restauration sur trois étages dans une maison ancienne du vieux quartier. Murs en pierres dont les jointures sont jonchées de pièces jaunes. Selon la patronne, les clients qui ont aimé l’endroit mettent une pièce dans le mur en espérant revenir dans ce restaurant et retrouver leur pièce (sic). C’est la Fontaine de Trévise de notre ville. Je n’ose pas prendre de photos, je sais que ça l’énerve quand je sors mon appareil ; l’endroit est plutôt sympathique. Derrière nous un couple d’anglais, à notre droite, deux couples d’italiens.
On commande et blablabla et blablabla… Elle me demande ce que je lis en ce moment et je lui sors le Journal de Paul Nizon de mon sac. Elle lit la quatrième de couverture, me le rend en me disant :
- Je n’y comprends rien !
Elle me demande si mon nouvel ordinateur me satisfait, si je suis contente de mon fournisseur Internet, qu’elle a des problèmes avec le sien, qu’elle n’a plus d’Internet en ce moment mais qu’elle s’en fout :
- Ça ne m’intéresse pas, Face book tout ça, les blogs, Internet, toute cette nouvelle communication m’agace et NE M’INTERESSE PAS !
- Ben moi ça m’intéresse, non pas Face book, mais de faire des découvertes parfois étonnantes via des blogs, via des recherches sur "gogol", tous ces nouveaux moyens peuvent enrichir culturellement si on sait faire le tri.
Et voilà que son téléphone sonne ; un message, elle le lit, un grand sourire sur son visage, elle me dit : c’est ma collègue, elle me demande où je suis ! (Ouais, c’est vachement intéressant ça).
- Tu vois bien que tu communiques toi aussi avec ces nouveaux moyens que tu décries.
- Oh mais c’est vraiment rare, faut que je ne puisse pas faire autrement me dit-elle avec aplomb !
- Mais c’est très bien lui dis-je pour l’encourager.
J’étais tellement contente de voir qu’elle allait mieux, qu’elle arrivait à sourire, qu’elle était allée au Festival de Cornouaille et à l’Interceltique de Lorient (c’est sa passion) , mais pas toute seule m’a-t-elle dit mystérieusement. Elle ne voulait pas m’en dire plus mais je devinais que c’était bon pour elle. Moi non plus, je ne voulais pas lui en dire plus de ce qui était bon et doux pour moi. Gardons notre jardin secret.
Je me demande ce qu’elle penserait de moi exposant ainsi un peu de ma vie sur la toile. Elle me prendrait pour une malade, sûr.
Le service est rapide, faut libérer des places, des gens font la queue dehors !
Il est 21 h 30, plus un nuage dans le ciel, c’est un comble, le soleil se fiche de nous et montre le bout de son nez avant d’aller se coucher après une journée plutôt grise. Elle s’était garée sur les quais ; nous faisons un bout de chemin ensembles. Je lui propose de venir prendre une tisane, écouter de la musique chez moi mais elle préfère rentrer, elle travaille le lendemain. On s’embrasse chaleureusement, je la sens toujours un peu fragile. C’est mon amie et j’aime nos différences. Je rentre tranquillement, la rivière est très haute, presque au ras des quais, sans doute une grande marée.
Le long des quais la fête foraine est installée jusqu’au 15 août.
Ça craint un peu, je vais tout de même faire une petite vidéo.
Vraiment ringard. Mais, ne jamais oublier que moi aussi je fus jeune et… craignos !