dimanche 20 octobre 2019

Angoisses



Gaby Morlay, La Peur (Vertige d'un soir), de Viktor Tourjansky, 1936



 Ingrid Bergman, Je ne crois plus à l'amour, de Roberto Rossellini, 1954
(Photo Wikipédia)


"En redescendant l'escalier depuis l'appartement de son amant, la belle Mme Irène fut à nouveau saisie de cette peur absurde. [...] Ce n'était pas la première fois qu'elle se risquait à cette dangereuse visite, ce brusque frisson ne lui était nullement inconnu, chaque fois qu'elle repartait elle subissait, si fort qu'elle s'en défendît intérieurement, de tels accès d'une peur insensée et ridicule. L'arrivée au rendez-vous était, sans hésiter, plus facile. Elle faisait arrêter la voiture au coin de la rue, en quelques pas rapides, sans lever les yeux, elle était à la porte de l'immeuble, puis gravissait bien vite l'escalier, sachant qu'il l'attendait déjà derrière la porte et l'ouvrirait prestement, et cette première peur, à vrai dire mêlée d'impatience, fondait à la chaleur de l'étreinte qui l'accueillait. [...]
[...]
[...]
Elle avait fait la connaissance de ce jeune homme - pianiste connu, bien que dans un cercle encore étroit - à l'occasion d'une soirée, et bientôt, sans vraiment le vouloir et quasi sans comprendre pourquoi, elle était devenue sa maîtresse. Rien dans son sang n'avait convoité celui de cet homme, rien de sensuel ne l'avait attachée à son corps, et presque rien d'intellectuel : elle s'était donnée à lui sans avoir besoin de lui ni même le désirer fortement, mais par une certaine indolence à résister à la volonté qu'il manifestait et par une sorte de curiosité inquiète. Rien en elle, ni son sang pleinement satisfait par le bonheur conjugal, ni le sentiment si fréquent chez les femmes de végéter dans leurs intérêts intellectuels, n'avait fait qu'elle eût besoin d'un amant; elle était parfaitement heureuse au côté d'un époux prospère qui lui était intellectuellement supérieur, et de deux enfants; elle était paresseusement et plaisamment lovée dans le confort et le calme de son existence de grande bourgeoise. Mais il est une mollesse de l'atmosphère qui rend tout aussi sensuel que la touffeur ou la tempête, il est un bonheur bien tempéré qui est plus excitant que le malheur et qui, pour beaucoup de femmes, du fait qu'elle ne manquent de rien, est tout aussi fatal qu'une perpétuelle insatisfaction tenant à la désespérance. La satiété n'agace pas moins que la faim, et le côté sûr et sans risque de son existence la rendait curieuse d'aventures. Nulle part dans sa vie il n'y avait de résistance. Tout ce qu'elle touchait était moelleux, partout s'étalaient prévenance, tendresse, tiède amour et déférence douillette; et sans soupçonner qu'une telle existence mesurée ne résulte jamais de choses extérieures, mais est toujours le contrecoup d'une intime absence de rapports avec autrui, elle se sentait en quelque manière frustrée de la vraie vie par le confort de la sienne."

Stefan Zweig, in  Angoisses. 

La suite de cette nouvelle - parue pour la première fois en 1913 - est succulente. 
"Elle crée de bout en bout un "suspense" si efficace, une telle attente du dénouement, que le lecteur est comme gagné par l'affect qui domine tout le récit et dont le titre prononce d'emblée le nom comme un coup de gong angoissant, à la manière des titres des films d'Alfred Hitchcock : Vertigo, Soupçons, Psychose, etc."
Elle fut d'ailleurs adaptée au cinéma à quatre reprises, les deux dernières adaptations :
"En 1936 par Viktor Tourjansky, sous le titre La Peur (ou Vertige d'un soir), avec Gaby Morlay dans le rôle d'Irène,
En 1954 par Roberto Rossellini, sous le titre, français, Je ne crois plus à l'amour, avec Ingrid Bergman dans le rôle de la femme adultère." (Cf. Notice dans l'édition de La Pléiade, 2013).


vendredi 18 octobre 2019

À la manière de... (2)

... Nicolas de Staël ?  (*_~)

(Photos du jour)




Les Mouettes, Kerity-Penmarc'h



Nicolas de Staël, Les Mouettes





Archipel des Étocs, vu de Kérity-Penmarc'h



 
Nicolas de Staël,  Marine au Cap





Crottes de chien sur la digue, Kérity



Nicolas de Staël , Paysage du Vaucluse n°2, 1953

 
Romain Gary écrit à Staël, rue Gauguet : « Vous êtes le seul peintre moderne qui donne du génie au spectateur»

mercredi 2 octobre 2019

Nous avons essayé

Hier soir, un documentaire sur Arte signé Werner Herzog qui s'entretient avec Mikhaïl Gorbatchev.
...
Pour conclure, Werner Herzog lui demande : Que ferez-vous graver sur votre tombe ? Gorbatchev lui répond : Ce n'est pas de moi, je l'ai lu sur la tombe d'un ami. Et il déclame ce poème, en Russe.

J'avance seul sur la route,
Les pierres du chemin luisent dans la brume.
La nuit est calme, le désert de Dieu à l'écoute 
Et les étoiles parlent entre elles.
Le ciel grandiose émerveille,
La terre dort dans une limbe bleue.
Pourquoi suis-je si mal, si fatigué ?
Quelle est ma quête, quel est mon vœu ?
Moi qui n'attends plus rien de la vie
Et qui ne regrette plus rien du passé,
Je cherche la Paix et la Liberté.
J'aimerai m'endormir et m'oublier
Sans sombrer dans le sommeil de la tombe.
J'aimerai m'endormir à jamais
Tandis qu'en moi sommeillerait la vie
Et que doucement je respirerai.

Mikhaïl Lermontov, poète mort à 26 ans, souvent appelé le "poète du Caucase"... Né le 3 octobre 1814.

Mais Mikhaïl Gorbatchev rajoute, mon épitaphe serait : Nous avons essayé... "Da, da (Oui, oui).

Ce qu'"ils" en disent sur ce documentaire : ) :

ARTE : "Une rencontre poignante entre le cinéaste Werner Herzog et Mikhaïl Gorbatchev, dernier secrétaire général du Parti communiste soviétique et principal artisan de la chute du bloc soviétique. Ce documentaire met en regard sa présente solitude avec les espoirs planétaires qu'il avait suscités"

L'Obs, François Reynaert  : "Un documentaire dégoulinant de complaisance"

L'Humanité, Laurent Etre : "Un portrait de Gorbatchev tout en empathie"

Ce qu'"elle" en dit (*_~) :  Ce documentaire m'a intéressée, mais je n'y connais rien sur la politique de Gorbatchev et j'aime les films de Werner Herzog, donc... j'ai aimé ce documentaire. Lorsqu'il évoquait Raïssa, son épouse décédée en 1999, leur rencontre à l'université de Moscou, leur amour, le vide, le manque, sa solitude depuis sa disparition, il était touchant. 



(Qui n'a pas caressé l'image d'un être cher disparu, ne sait pas...).

mardi 17 septembre 2019

À la manière de...

... Edward Hopper ?  (*_~)

(Photos du jour)


Lesconil,  Fisherman and woman by the sea



Edward Hopper,  Rooms by the sea, 1951
(Chambre au bord de la mer)



LESCONIL,  Phare  Men Ar Groas



Edward Hopper, Lighthouse Hill, 1927
(Le Phare sur la  colline)

mardi 10 septembre 2019

"Décisions ultimes" et "Obstination juridique déraisonnable"



À propos de "l'affaire Vincent Lambert"... mais pas que...

"...la "souveraineté de la personne sur elle-même" :
Dans toute circonstance, lorsque les conséquences des décisions d'une personne n'ont de conséquences directes que sur elle-même et qu'elle a elle-même décidé de prendre en responsabilité de telles conséquences en connaissance de cause, c'est à dire de ne pas imputer par la suite à autrui  ou à la "collectivité" une responsabilité qu'elle a librement choisi d'assumer, alors aucune autre personne, ni aucune autre collectivité ( ni souveraineté nationale, internationale ou "populaire" , ni "communautaire" ) ne peut l'empêcher de prendre une telle décision qui ne concerne directement que sa propre "personne". Le "juge ultime" est alors la personne concernée elle-même.
[...]
"Si vous-mêmes, en tant que personne, considérez que c'est à vous-même et à personne d'autre ( ni autre personne ou groupe, association, parti,  ou "communauté" ou "famille", ni autre collectivité politique juridique, nationale, européenne, ou internationale ) qu'incombe la liberté et la responsabilité des décisions "ultimes"  qui vous concernent en premier en tant que personne, rien ne vous empêche de le "déclarer" publiquement vous mêmes, "en personne", par les moyens de votre choix."

Ultime Liberté, commentaire  éditorial.

jeudi 29 août 2019

10 ans !

29 août 2009
29 août 2019

Le compte est bon !

mercredi 28 août 2019

Liberté


Pierre Davy
La vende 2017


LIBERTÉ

Je veux, pour une fois, avoir mon libre arbitre;
Disposer de moi-même ainsi que je l'entends.
Ce qui, jusqu'à ce jour, m'a été contesté.
Lorsque l'on m'a conçu, moi, je n'étais pas là.
Un spermatozoïde, un peu aventureux,
S'est permis d'agresser un ovule accueillant.
Je plaide non coupable;
Ma carte génétique ne dépend pas de moi.
Depuis, s'est écoulé le ruisseau de ma vie.
Ne croyez surtout pas les dires bucoliques.
Un ruisseau est stupide, il s'adapte à la pente.
Il se heurte aux rochers, il stagne dans les mares.
Quand il trace des boucles, c'est qu'il y est contraint,
Et dans les droites lignes, il est canalisé.
Ainsi va de ma vie. J'ai cru en disposer,
Elle m'a été dictée, et je l'ai acceptée.
Je suis né, j'ai vécu, un peu à mon insu.
C'est pourquoi j'aimerais, esclave libéré,
Décider de ma mort, plutôt que de l'attendre.
Pouvoir dire, un beau soir, à l'issue d'un festin,
Merci, messieurs, mesdames, c'était vraiment très bien,
Pourtant il se fait tard, il faut que je m'en aille.
L'idée me séduit bien, mais deux questions se posent:
Celle de l'échéance et celle des moyens.
Quand donc sera-t-il temps? Là, j'ai mon opinion.
Si je ne peux plus voir un coucher de soleil,
Ou bien ne plus entendre les pleurs d'un adagio,
Si je n'ai plus la force de ma propre survie,
Irrémédiablement...
Alors, je veux mourir, en toute indépendance,
Et de ma propre main.
Si ma conscience fuit, si ma tête s'égare,
Si j'oublie qui je suis et qui sont ceux que j'aime,
Je veux qu'ils aient le droit de décider ma mort,
Et d'être mes bourreaux en toute impunité.
Mais, quand on veut se tuer, reste à savoir comment.
Les moyens sont multiples, souvent inélégants,
Douloureux, lamentables, parfois aléatoires.
Je rêve de chimie qui guérit de la vie.
Petit médicament, sous un dernier whisky;
Comme un modeste outil fait juste à ma mesure,
Que je conserverais tel un bijou précieux.
Marqué de la mention: servir à qui de droit;
Et qui m'évitera l'agonie des mouroirs.
J'espère une justice, voire une religion,
Et une société qui enfin le proclament:
Ta mort t'appartient, ta liberté est là!




Date de création : 31/05/2019 @ 17:29
Dernière modification : 31/05/2019 @ 17:29

jeudi 15 août 2019

***

Je passe le plus horrible été  dont j'ai le souvenir et je ne parle pas de ce fichu genou qui me fait souffrir, mais de cette marée humaine de touristes qui envahissent ma ville, mon quartier historique (quelle plaie de vivre dans un quartier historique), les restaurants, les terrasses bondées sur la côte. 
Vague humaine, bruit, cris, pleurs de pauvres enfants que l'on traîne avec soi dans cette cohue et qui n'en peuvent plus, musique dite d'ambiance dans les bistrots en tout genre.

Je voudrai être riche et forte (mes forces s'amenuisent de mois en mois) pour pouvoir m'enfuir (m'enfouir) sur une île, sauvage, grise, qui n'aurait pas d'histoire à raconter.
La Bretagne attire de plus en plus de touristes en été, alors qu'elle n'est merveilleuse qu'en hiver.

lundi 12 août 2019

"L'état de grâce poétique assure seul la prise sur le réel" *

* Gustave Roud (lire ici)

"Le dilemme sans issue : ma raison de vivre est précisément ce qui me fait mourir."



Gustave Roud poète, écrivain était aussi photographe 

Les athlètes des champs en pleine action



"La production photographique de Gustave Roud ne se limite pas aux clichés de corps masculins. Le poète a été inspiré par les paysages, par les natures mortes et par les fleurs; il a tiré des portraits, et photographié des tableaux de ses amis peintres, des animaux (surtout des chats), ainsi que d’innombrables scènes de vie paysanne. Mais c’est dans ces images de corps semi-dénudés, toujours masculins, que se réalise la vraie intersection entre sa poésie et les images qu’il capte. «Le lien et la comparaison entre l’écrivain et le photographe se font surtout par ce biais-là», confirme Antonio Rodriguez. «Dans les écrits de Roud, il est déjà question de corps d’hommes, que l’on voit se baigner ou se reposer nus, mais ce n’est pas si explicite, simplement évoqué. Dans sa photographie, le corps masculin, jeune, musclé, glabre, est mis en scène en tant que force.» Et de poursuivre encore: «Il y a des composantes érotiques dans l’œuvre littéraire, mais la figure d’Aimé, cet être adoré comme la promesse d’une fusion entre l’homme et la terre, est toujours associée à celle d’un ange. Une plume se pose sur son épaule ou des cloches résonnent au loin, avec un arrière-plan spirituel. Dans la photo, cela est différent. Quand Roud photographie le corps de ses jeunes amis paysans, il les magnifie en les prenant en contre-plongée. Il n’en fait pas des paysans naturalistes en train de peiner au travail, mais plutôt des figures d’athlètes des champs en pleine action, proches de statues grecques.» Et le professeur associé de faire le lien avec l’esthétique des sportifs dans les années 30, représentée notamment par une Riefenstahl lorsqu’elle filme les Jeux olympiques de Berlin."
Source 

vendredi 9 août 2019

***

Vous est-il arrivé un matin de pleurer au réveil en ouvrant les yeux ?
Existe-t-il de plus grand désarroi ?

jeudi 1 août 2019

"La polémique fait partie intégrante de l'art..." (Kathleen Bülher)


" Ce qui est écrit dans cette petite prose paraît très simple, mais il est des époques où tout ce qui est simple et facile à comprendre s'éloigne totalement de l'esprit des hommes et pour cela ne peut être compris qu'à grand peine."
Robert Walser, Institut Benjamenta.



Un hommage hors norme pour un immense écrivain


Les passants de la gare de Bienne se mêlent consciemment et inconsciemment à la 
Robert Walser-Sculpture.
(Enrique Muñoz García)


A Bienne, la «Robert Walser-Sculpture» de Thomas Hirschhorn est une micro-cité en matières pauvres, fourmillement de discussions où il fait bon s’attarder.

«Alors, vous restez toute la journée?» Chemise blanche à manches retroussées, coup de soleil sur le nez, Thomas Hirschhorn rédige le programme du jour de sa «Robert Walser-Sculpture», devant la gare de Bienne. Il est 10h et des poussières, en ce vendredi de début juillet, suite ici...

La «Robert Walser-Sculpture»
L’installation artistiqueLien externe de Thomas HirschhornLien externe rend hommage à l’écrivain Robert WalserLien externe. Elle est érigée devant la gare de Bienne et ouverte gratuitement au public jusqu’au 8 septembre, tous les jours de 10h à 22h. La sculpture couvre une surface de 1300 m2 et se présente comme une imposante construction en bois qui repose essentiellement sur des palettes. Elle a pour objectif d’inviter la population à échanger sur l’œuvre et la vie de Robert Walser, né à Bienne en 1878. Plus d’une trentaine d’événements culturels s’y dérouleront chaque jour.

dimanche 28 juillet 2019

***





" La vie n'est supportable que si on ne va pas jusqu'au bout "
Mais :
"Se débarrasser de la vie, c'est se priver du bonheur de s'en moquer."

Emil Cioran

dimanche 14 juillet 2019

Est-on en France voué à mourir seul

Journal

Juin

Récapitulatif.
Semaines remplies de rendez-vous médicaux, divers spécialistes : urgentiste, généraliste, dentiste, kinésithérapistepeute.
Les journées sans rendez-vous : migraine. 
Les journées avec et sans rendez-vous : douleurs. Assommée d'antalgiques. 
Une oreille bouchée avec hyperacousie, allez comprendre, l'autre oreille baisse brutale d'audition.
Le golf, oublié !

Juillet

Rendez-vous urgent avec l'ORL, l'associé de mon ORL adoré, ce dernier décédé en décembre, à 63 ans (sale crabe), pas pu en parler, trop touchée. Associé, épatant aussi.
Migraines migraines.
Dentiste, ophtalmologiste (il s'est écrié : MAGNIFIQUE, quand il a vu que ma pression oculaire était passée en trois mois de 27 à 16 avec son traitement), kiné.
Chirurgien orthopédiste, radiologues... (je fais aussi une cure des Radioscopies de Jacques Chancel et ça, c'est un régal).
C'est pas une vie de passer son temps dans les salles d'attente. J'en ai assez. Plus envie de me faire soigner. Je veux pouvoir marcher sans douleurs. Hyperacousie : le bruit me fait mal, peux plus aller au cinéma, son trop fort.

Lors de ma dernière visite, récente évidemment (tsss !), chez ma généraliste, en fin de consultation elle me demande si j'ai lu le Journal d'Irlande de Benoîte Groult qu'elle était en train de lire. - Oui, formidable, quelle femme ! lui dis-je. Et comme elle connaît mon sujet de prédilection, je lui en parle souvent, sans tabou, je lui demande si elle a lu La touche étoile. - Non me dit-elle. Mais elle connaissait le sujet et je lui dis : elle a attendu trop tard, mais moi, je n'attendrai pas.
En rentrant chez moi, je l'ai sorti de ma bibliothèque, pour le relire. Il n'a pas pris une ride - si j'ose dire, ce n'est pas comme moi - en douze ans, et malheureusement rien n'a changé concernant cette ultime liberté.

"Je veux m'en aller, ma hotte lourde de souvenirs et les yeux pleins de la fierté d'avoir vécu vivante jusqu'au bout. M'en aller à mon heure à moi, qui ne sera pas forcément celle des médecins, ni celle autorisée par le pape, encore moins la mort au ralenti proposée par Marie de Henezel, avec son plateau de soins palliatifs en devanture et son sourire crémeux.
[...]
[...]
Ne pouvant me satisfaire des baisers des autres et des trop rares couvreurs qui se donnent en spectacle, ayant perdu presque tous mes plaisirs et presque tous les amis de mon âge, ayant écrit mon dernier livre, je ne vois pas pourquoi j'attendrais passivement le dernier coup du sort. Mais comment abréger mes jours, au cas où j'aurais la chance d'entendre grincer à temps la charrette de l'Ankou [qui annonce la mort chez les Bretons, N.D.L.R], conduite par son charretier funèbre qui a toujours pour moi le visage de Jouvet ?
En Suisse, en Belgique, en Hollande, on admet "l'aide à mourir". J'avais vu Exit à la télévision et suivi la mort douce et choisie d'un homme malade, dans les bras de sa femme. Et l'admirable Mar adentro, un film sur la joie de vivre et le courage de mourir.
La France n'est plus le pays des libertés. Nos députés viennent d'inventer l'hypocrite "laisser-mourir", formule affreuse bien dans la lignée du "laissez-les vivre", les deux slogans ayant en commun le même mépris de la volonté des intéressés.
[...]
Comment accéder à l'euthanasie, ce beau mot grec qui signifie tout simplement ce que tout le monde souhaite : "une belle mort" ?
Quand un philosophe est contraint de se défenestrer pour échapper à sa maladie incurable [Gilles Deleuze, N.D.L.R.], quand une femme âgée en est réduite à s'avancer dans l'eau glacée d'un étang jusqu'à s'y engloutir, afin d'échapper à ses poursuivants qui l'avaient déjà réanimée de force à deux reprises, qu'est-ce d'autre qu'un refus d'assistance? que le non-respect d'une personne ? Qu'est-ce d'autre qu'une mort dans la cruauté, sans l'aide d'une main secourable ? Pour ne pas laisser condamner le médecin qui vous aide, ou le proche qui vous tend la main, est-on voué en France à mourir seul ?
[...]
J'ai besoin de conseils éclairés et j'ai cru devoir consulter les spécialistes de la vie, donc de la mort. [...] Tous ont fait resurgir du fond de ma mémoire des impressions enfouies depuis plus de cinquante ans ! L'humiliation, l'impression d'être coupable, le ton paternaliste masquant mal une totale indifférence, le même blindage idéologique que pour l'avortement avant la Loi Veil. Et pour couronner le tout, l'alibi de la foi chrétienne chez des gens qui ne vont même pas à la messe.
Or quand un être n'a plus d'Espérance, c'est de Charité qu'il a besoin, non de Foi.
Réclamant le droit de choisir ma mort comme j'avais réclamé autrefois celui de donner ou non la vie, voilà que je me retrouvais dans la même position de quémandeuse devant la même nomenklatura ! Voilà qu'on me parlait comme à une petite fille alors que j'avais le double de l'âge de tous ces médecins et n'étais coupable que d'avoir trop vieilli à mon goût ! Ma vie n'était donc plus à moi ?

Pages  276 - 278 - 279 - 280 - 281

Benoîte Groult, in La touche étoile, éditions Grasset & Fasquelle, 2006.

lundi 1 juillet 2019

L'absence de fraternité dans le couple



Radioscopie : Jacques Chancel, Romain Gary, 1975. (Extrait)


J.C. Lorsque vous avez quitté Jean Seberg, ç’a été un déchirement ou ç’a été une décision logique ?


R. G. Bien sûr, ç’a été les deux. Ç’a été un déchirement pour tous les deux, je crois, ç’a été certainement un déchirement pour moi ; nous avons eu – et elle l’a dit de son côté – neuf ans de bonheur, et vous savez, un homme marié avec une vedette de cinéma, un homme par-dessus le marché de 24 ans plus âgé qu’elle, neuf ans de bonheur c’était parfait, mais nous avons constaté tous les deux que ça tendait à se déglinguer, qu’il y avait des compromis, des facilités. Nous avons divorcés, ç'a été néanmoins pour moi un grand déchirement.


J.C. C’est toujours pour vous l’écueil, cette différence qu’il peut y avoir entre un homme et une femme, sur le plan de l’âge ?


R.G. Je ne crois pas, voyez-vous c’est une question dont on pourrait parler pendant des heures. La grande différence sur le plan de l’âge entre un homme et une femme n’est, la plupart du temps, pas de l’ordre sexuel – sauf peut-être des cas que je ne connais pas spécifiquement. Mais ce qu’il y a, c’est que là où le drame est profond – là je mets sérieusement en garde les personnes jeunes qui veulent épouser des hommes plus âgés – c’est que, il y a une certaine lassitude en ce qu’on connaît déjà et qu’on a beaucoup de peine à vivre une deuxième… on s’est déjà tapé le monde. Vous avez 50 ans, vous vivez avec une jeune femme de 22 ans 23 ans. Vous, vous vous êtes déjà tapé le monde plusieurs fois. De tous les côtés. Vous vous êtes fait, vous avez vécu beaucoup beaucoup. Vous vous trouvez accompagné d’un être jeune, qui commence, qui a envie de commencer ce rapport avec le monde,  et là c’est extrêmement difficile. Parce que vous voyez cette jeune femme – ou ce jeune homme, mais c’est surtout en général une jeune femme car ce sont plutôt les hommes plus âgés qui épousent une femme plus jeune – vous la voyez faire les mêmes erreurs, vouloir faire les mêmes erreurs que vous avez faites. Elle n’écoutera pas vos conseils. Et plus vous lui donnerez de conseils et plus vous prendrez l’air de papa sage qui est très mauvais pour les rapports. Plus vous la mettez en garde et plus vous commencez à transformer vos rapports homme/femme en rapport fille/père.

Et tout cela fait, qu’au bout d’un certain temps, bon on s’est trouvé entre, un mari et une femme et on finit par se trouver entre, un père et une fille et ce n’est pas la situation idéale, la plupart du temps, pour un couple.


J.C. Je crois qu’on peut parler de toutes ces choses simplement. Parfois les hommes et les femmes évitent ce genre de discussion, ils ne veulent pas parler de ce qui touche leur cœur.


R.G. Ah ! Écoutez Jacques Chancel, pour moi c’est un des thèmes du roman Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, que j’ai publié. Le point que vous soulevez est un drame de communication des couples, mais pour quelle raison ?

Parce que, même au plus profond de l’amour, l’homme et la femme n’ont pas de fraternité. Le drame des hommes et  des femmes, en dehors des situations d’amour, en dehors des situations d’attachement profond, est une sorte d’absence de fraternité, qui fait que, parler sur ce qu’il y a de profond, de dangereux, de menaçant leur est totalement impossible, et vous avez des couples qui finissent une vie sans avoir parlé de ce qui les sépare, de ce qui aurait pu leur être épargné par des conversations.

Là, la psychanalyse peut jouer un rôle pour les individus mais c’est absurde. C’est absurde parce que, très souvent, ces problèmes ne sont même pas d’ordre psychanalytique profond, ils sont simplement dus à  des siècles et des siècles de préjugés, qui font que l’homme doit conserver son image virile et supérieure, la femme doit conserver son image féminine, douce  et soumise, et que finalement cette égalité, cette égalité dans l’explication franche, ouverte, libre – y compris de problèmes sexuels – leur est un tabou.

Et, cette absence de communication est peut-être ce que j’appelle en réalité : l’absence de fraternité entre les hommes et les femmes, est un des grands drames du couple.
"Si je t'aime comme femme c'est aussi parce que je t'aime comme homme." 
A relire cette lettre de Romain Gary à Chrystel Kriland en 1938.

"Un combattant déterminé... des libertés conquises"

 Sir Elton John, à Montreux

Source Le Temps.ch , Arnaud Robert.


vendredi 28 juin 2019

"Une des ces minutes de profonde félicité"




Samedi 22 juin.

J'ai joint l'utile à l'agréable. Je ne peux plus marcher depuis trois semaines, disons que je  peux me déplacer, faire quelques pas, jambe raide avec l'arthrose du genou et une entorse pour "agrémenter" la douleur. Fonte rapide des muscles de la jambe en trois semaines. J'avais déniché sur Internet un Mini vélo d'occasion, peu encombrant. État neuf.
Rendez-vous fut pris pour que j'aille le chercher l'après-midi, à Douarnenez.
Faire de la route uniquement pour ça, c'était dommage. Je ne pouvais pas marcher mais je pouvais conduire, manger et mettre les pieds sous la table.
Le ciel était dégagé, j'allais déjeuner dans ce vieux cabanon au bord de la mer. Heure de pointe, salle pleine, des clients debout attendent, un environnement très bruyant. Personne sur la terrasse, enfin si, un homme seul le nez dans son journal, attendant d'être servi.
Bravant les clients qui attendaient, je m'approche du serveur et lui demande si je peux déjeuner dehors. Réponse du Chef cuisinier, un peu bourru : on n'ouvre pas les parasols il y a trop de vent. Ça ne me dérange pas lui dis-je. Intérieurement je me suis dit : le vent me rafraîchira les méninges, ça m'évitera la migraine.
Hop ! Bonheur, petit vent délicieux, mer calme, silence, laissons les clients qui aiment le bruit et ont peur du vent dans le tintamarre, à l'intérieur. L'homme seul (un habitué je l'ai su plus tard) avait bien raison d'être là, je lui tournais le dos.
Les plats proposés sont simples mais produits frais, en voyant le cabanon on ne s'attend pas à de la cuisine gastronomique.
Je profitais de l'attente pour contempler l'horizon, observer les courageux  dans une eau claire mais qui devait être bien fraîche (la température n'était pas encore caniculaire comme ces jours-ci) et prendre quelques photos.
J'étais bien,  seule,  assise dos au soleil, l'air du large, divin, le temps d'un déjeuner impression d'être sur un bateau. " Jambes allongées, je m'apprête à vivre une de ces minutes de profonde félicité corporelle" (Louis Calaferte, Septentrion).
Le serveur fort aimable, lui, m'apporte mes sardines grillées servies avec une grosse pomme-de-terre au four coupée en deux accompagnée d'une crème ciboulette et d'une salade verte, le tout dans la même assiette. Oups ! La salade dans une coupelle eût été plus agréable, mais je me sentais si bien que j'aurai trouvé délicieuse n'importe quelle tambouille, et les sardines avec la grosse patate 😄 étaient trop bonnes.
En allant régler la note, à l'intérieur suffoquant et bruyant, je ne regrettais pas d'être restée "sur le pont".
.../...
Retour en claudiquant un peu jusqu'à ma voiture garée devant l'Île Tristan. Je note l'adresse pour le Mini vélo sur mon GPS. Il n'en veut pas ! Je vais devoir me débrouiller sans lui. Faisable. Arrivée sur les lieux, la "vendeuse" m'attendait, j'étais à l'heure.
J'essaie le petit engin, tout neuf et rutilant, parfait pour pédaler bien installée dans un fauteuil, plus confortable qu'une selle de vélo.












Île Tristan



Le Mini vélo d'appartement
(Mon kiné m'autorise à en faire à partir d'aujourd'hui !)




lundi 24 juin 2019

***

Hier, dimanche, "jour de merde par excellence" comme le rappelait Louis Calaferte, j'envoyais à un ami quelques photos de ma halte de la veille en bord de mer, à Douarnenez.

A peine cinq minutes plus tard, il m'accusait  réception avec ce poème. J'ai remplacé mon prénom par "très chère" (rien que ça ! Mais je suis aussi parfois sa "très chère";-)) dans nos échanges épistolaires. Ce qui me plaît c'est la rapidité  de l'envoi, donc un premier jet sans retouche. Il est probable que s'il avait su que je souhaitais le publier, il l'eût retravaillé. Je le trouve épatant et beau, tel quel ! J'y sens un peu de spleen. J'ai son accord pour le mettre ici, sans retouche, sa spontanéité m'enchante ! 
Ce dimanche n'était plus du tout en phase avec Calaferte ! 
Merci David.


Ah,très chère,
que votre Bretagne est enchanteresse
et nul doute que si j'avais des cheveux
D'extase elle me ferait des tresses!!

Moi, je me perds dans la ville
pour y puiser bien autre chose
que du connu et du servile
qu'un besoin de culture à haute dose!

Sous la crasse de l'ennui
de l'asphalte, des visages gris,
j'entrevois, c'est à peine si j'écris,
la lueur profonde de mes nuits.

Je lui préfère de beaucoup la mer
les horizons larges, le grand air,
mais dans mon désir infini 
d'infini, je me désole et reste assis.

Poétiquement vôtre,

D.


vendredi 21 juin 2019

Artistes à l'oeuvre (2) : Face à la mort, UNE RAISON DE VIVRE

Suite du documentaire LSD (France-Culture) sur Les artistes à l’œuvre, face à la mort une nouvelle énergie. 
Dans le précédent billet je relatais quelques réflexions du peintre Gérard Fromanger dont j'aimais la décontraction voire la dérision, la lucidité, l'enthousiasme pour parler de cette ultime étape : la vieillesse, l'approche de la mort comme moteur de vie, de création. Les extraits que j'ai retranscrits ne remplacent absolument pas une réécoute de Gérard Fromanger, pour moi jubilatoire. Fromanger a 79 ans (né en 1939).

Puis, j'ai souhaité noter quelques séquences du documentaire sur l'artiste Hans Hartung dont j'avais vu une exposition  en 2017 dans ce bel endroit à Landerneau, les Capucins. Je m'en voulais de n'avoir pas eu le courage d'en faire un billet mais le cerveau commence à faiblir depuis au moins deux ans et, ne mettre que quelques photos des œuvres exposées me paraissait insuffisant. Eh bien, cette émission LSD m'a un peu motivée pour revenir sur cette exposition et j'ai publié ce billet qui restait dans mes brouillons, mais le courage manquait toujours pour que je l'étoffasse (*_*). Shame on me, je m'en suis tenue à mettre mes photos. Quand j'avais commencé ce billet, je pensais aussi parler de Anna-Eva Bergman... artiste, qu'il épouse en 1957. Pour en savoir plus... Fondation Hartung Bergman à Antibes.

Hans Hartung, né le à Leipzig, et mort le à Antibes, est un peintre français d'origine allemande, l'un des plus grands représentants de l'art abstrait et le père du tachisme.
Après [...] l'occupation de l'ensemble de la France, Hartung passe en 1943 en Espagne. Incarcéré, puis placé dans le camp de concentration de Miranda del Ebro durant sept mois, il rejoint l'Afrique du Nord et s'engage à nouveau dans la Légion, sous le nom de Pierre Berton cette fois-ci. Affecté au Régiment de marche de la Légion étrangère comme brancardier, blessé durant l'attaque de Belfort en novembre 1944, il est amputé de la jambe droite à Dijon. De retour à Paris en 1945, où il est aidé par Calder, il est naturalisé français en 1946, décoré de la croix de guerre 1939-1945, de la médaille militaire et de la Légion d'honneur.
(Wikipédia).

Revenons au document (à réécouter ici) Artistes à l’œuvre , face à la mort, et à Hartung. En fin de vie, handicapé, il a continué de peindre, de manière différente, dans son fauteuil roulant, avec des assistants, dont Bernard Derdérian, expert de l’œuvre de Hartung. Il intervient dans le documentaire LSD

Hartung with Bernard Derderian 1989
Photo: André Villers © Fondation Hartung Bergman
"Cette pulsion de vie qui passe de l’artiste à l’œuvre et qui se poursuit, de l’œuvre au regardeur, n’est pas l’apanage de la jeunesse, elle devient même plus prégnante avec l’âge

Or, l’histoire de l’art a tendance à négliger les derniers travaux des artistes, classés au rang de simples documents, de témoignages voire de catastrophe. Que l’on pense aux ultimes autoportraits de Bonnard, aux papiers découpés de Matisse, au minimalisme tardif de Picabia, aux Nymphéas de Monet  que l’on attribua à sa vue déficiente ou au feu d’artifice final de Hans Hartung, cloué sur son fauteuil roulant, auquel la critique refusa de croire.

Et si, plutôt que de ressasser leur œuvre ou l’obsession de leur mort prochaine, les artistes puisaient dans la vieillesse une force neuve, originale, libérée des contraintes et des regards critiques ; comme si, à la veille de l‘échéance ultime, ils rendaient un hommage à la création, à ce qu’elle leur avait donné de plus fort : une raison de vivre."


Hans Hartung dans l'atelier d'Antibes, 1989
Photographie de André Villers  
(Photo capturée à l'exposition en 2017,
Hartung dans son fauteuil roulant)

"Dans les dernières années de sa vie, Hartung va peindre au pistolet à peinture, ce qui lui permit de faire plus trois cents toiles l'année de sa mort, en 1989."
(Un exploit, mais je comprends pourquoi ses dernières œuvres m'ont moins fait vibrer. Comparaison n'est pas raison mais je ne peux m'empêcher de penser à ce peintre que j'admire et dont les œuvres m'éblouissent : Zao Wou-Ki dont j'ai parlé ici... en 2013. Mais tout de même, je reconnais et j'admire cette énergie créatrice qui a animé Hartung alors qu'il était physiquement très amoindri).
 

"Journal des infirmière 
Nuit du 17 au 18 juillet 1989.

Monsieur Hartung se couche assez vite, se redresse du lit un peu plus tard, très angoissé. Veut aller à l’atelier terminer son tableau de cinq mètres, voudrait y faire de grands traits. Je le rassure et lui promet de le réveiller tôt demain, pour lui permettre de terminer sa toile. Massage de l’épaule droite où il ressent de violentes douleurs. Rassuré et calmé, se rendort pour toute la nuit.  9 h 30. Réveil. Café au lait. S’énerve pour un rien. Toilette. Se calme. Plus détendu mais très pressé. Demande l’heure toute les cinq minutes, pensant être en retard à l’atelier. A 11 heures, déjà dans l’atelier pour finir la grande toile. Beaucoup de tension car il fallait une très grande concentration pour réussir."

"Effectivement, la vie quotidienne, les gestes de la vie quotidienne étaient d’une grande lenteur. Quand il a eu cet AVC fin 86, jusqu’à 1989, il n’a plus la possibilité de marcher avec des béquilles, il a des problèmes d’équilibre, de force même dans les bras." (Bernard Derdérian).

"Beaucoup s’étonne de me voir encore travailler autant. Le plaisir de vivre se confond pour moi avec le désir de peindre, j’ai le sentiment d’un renouveau, comme une force, une nouvelle jeunesse qui me serait accordée. J’ai surtout le besoin de faire de grandes toiles. Dans l’art abstrait, le geste de peindre doit avoir la dimension qui correspond à son essence.

Voilà pourquoi il faut peindre en grand ce qui est pensé en grand. Voilà pourquoi cela m’agace tellement d’être physiquement empêché de peindre des tableaux, aussi grands que je les voudrais.[...] 
Les œuvres d’art témoignent pour l’humanité. Ces messages ont pour eux d’être universels, de traverser le temps sans en subir l’usure et sont des défis au néant, un mot auquel je ne veux ni ne peux croire. Heureusement rien ne me prouve que la mort soit la fin de la conscience du noyau humain. Je peux m’imaginer, l’espoir m’y pousse, que la spiritualité de l’homme une fois émise dans ce monde persiste et rayonne pour toujours. L’essence de Dieu nous est absolument inconnue. Il nous est donc permis de croire que rien ne se perd totalement, mais que tout reste inscrit dans le centre de cette énergie mystérieuse qui régit le monde. Je crois que tous nos actes, nos pensées, nos désirs restent dans la conscience universelle."

Autoportrait, Hans Hartung
Les artistes ne meurent pas.
Tu avais 47 ans... tu n'as pas eu le temps de penser à la vieillesse, à la postérité. Ce mot - comme il a fait rire Gérard Fromanger - t'aurait fait bien rire.

Tu n’es pas mort.

Je t’aime.