Vivre sans point d'appui, entouré par le vide,
Comme un oiseau de proie sur une mesa blanche ;
Mais l'oiseau a ses ailes, sa proie et sa revanche ;
Je n'ai rien de tout ça. L'horizon reste fluide.
J'ai connu de ces nuits qui me rendaient au monde,
Où je me réveillais plein d'une vie nouvelle
Mes artères battaient, je sentais les secondes
S'égrener puissamment, si douces et si réelles.
C'est fini. Maintenant, je préfère le soir.
Je sens chaque matin monter la lassitude,
J'entre dans la région des grandes solitudes,
Je ne désire plus qu'une paix sans victoire.
Vivre sans point d'appui, entouré par le vide,
La nuit descend sur moi comme une couverture,
Mon désir se dissout dans ce contact obscur ;
Je traverse la nuit, attentif et lucide.
Michel Houellebecq, La poursuite du bonheur.
La sortie de ses derniers poèmes est prévue en avril chez Flammarion. Il en parlait ici. Entendu dire ce matin à la radio qu'ils sont très sombres. Ce n'est pas un scoop. Difficile ne pas l'être quand on est lucide et poète.