lundi 16 novembre 2015

"L'oiseau m'avait laissée seule avec mon chagrin"

Trois jours que je m'enveloppe d'une carapace pour ne pas me laisser atteindre, submerger, par l'émotion qui vient après la rébellion.
Trois jours dans une espèce d'enfermement mental, pour ne pas s'écrouler.
Trois jours sans appuyer sur le bouton de la télévision.
Et puis, ce matin, il y a un instant, j'aperçois un vol d'oiseaux noirs - si beaux dans le ciel gris - à travers les gouttelettes de mes vitres et cette émotion refusée depuis trois jours m'étreint, en pensant à cette jeunesse assassinée sauvagement.
Je me laisse aller, à pleurer.


Un beau jour,
Ou était-ce une nuit
Près d'un lac, je m'étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.

Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer.
Près de moi, dans un bruissement d'ailes,
Comme tombé du ciel,
L'oiseau vint se poser.

Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit.
À son front, brillant de mille feux,
L'oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.

De son bec, il a touché ma joue.
Dans ma main, il a glissé son cou.
C'est alors que je l'ai reconnu :
Surgissant du passé,
Il m'était revenu.

Dis l'oiseau, Ô dis, emmène-moi.

Retournons au pays d'autrefois,
Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.

Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.

L'aigle noir, dans un bruissement d'ailes
Prit son vol pour regagner le ciel.
Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis.
J'avais froid, il ne me restait rien.
L'oiseau m'avait laissée
Seule avec mon chagrin.

Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d'un lac je m'étais endormie.
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.
Barbara, L'Aigle noir.