dimanche 8 novembre 2015

"L'insensible est protégé contre la déraison par sa bêtise" (Kant, Essai sur les maladies de la tête)

Vivre avec cette sensation vertigineuse devient une habitude. Les manœuvres libératoires ne sont pas toujours efficaces et l'état d'ébriété est quasi permanent. Seule celle de Sémont me soulage faite par mon ORL mais à une heure de route de mon domicile. La kiné préfère celle de Epley beaucoup moins efficace pour moi et moins violente pour son dos à elle (sic) (0_0). S'obliger - malgré l'immense fatigue ressentie - à bouger, à faire même comme si tout était normal : tête lourde, fatigue, ébriété. Je me décidais donc, hier, bien que la température fut douce pour une promenade sur la côte, à aller au cinéma voir le dernier Woody Allen L'Homme irrationnel, en VO. Sur le chemin, cette publicité me plaît :


J'étais un peu en avance pour la séance et j'avais le temps de prendre un chocolat au Café des Arts sur la terrasse, au calme, car en allant le commander à l'intérieur, le brouhaha m'a soûlé, le café était archi bondé, de jeunes et c'était tout de même réjouissant d'entendre cette animation, cette vie qui était là, de rencontres humaines. C'est donc qu'ils n'étaient pas tous le nez dans leur smartphone et que la communication, réelle, existait bien encore. Moi, je n'étais pas encore morte mais pas tellement vivante et j'avais besoin de calme, que je trouvais sur la terrasse. Calme cependant relatif car au même moment, les cloches de la cathédrale se mirent à carillonner, annonçant un mariage d'une manière on ne peut plus joyeuse et tonitruante.  Mon chocolat arriva rapidement avec un serveur d'une beauté inouïe, un très jeune homme, asiatique, mince, grand : pantalon noir, chemise blanche manches roulées jusqu'aux coudes, petit col smoking avec un nœud papillon noir. Une élégance - qui, portée par un autre put être ringarde - doublée de beauté. Ah! (Je n'ai pas osé le prendre en photo).


J'étais attablée du côté calme, à gauche; sur la droite les tables étaient occupées par les nombreux fumeurs qui avaient vue sur la cathédrale. Photo ci-dessous prise le 1er novembre, sous un ciel beaucoup plus lumineux que celui du jour.



Il était temps maintenant que j'aille au cinéma. Ô grand écran dans une salle noire, vous êtes irremplaçables, tout comme Woody Allen! Je fus - comme Jill (Emma Stone) - sous l'emprise du héros - Abe (Joaquin Phoenix). Lire ici et bande annonce

En sortant du cinéma j'étais un peu "stone" à mon tour et ma petite marche le long du quai m'a permis de cogiter sur l’irrationalité en contemplant les lumières de la ville.


Mais c'est quoi la rationalité? me demandais-je. Je comprenais bien que l’irrationalité de Abe allait le mener au (non je ne le dirai pas) néanmoins je trouvais que, enfreindre la rationalité était plus dans mes gènes que l'inverse. Je l'ai souvent dit : je suis légèrement cinglée.


"Si le rationnel désigne en général ce qui est conforme à la raison et à ses normes, et désigne dès l’abord un idéal, une valeur, l’irrationnel est quant à lui une notion marquée négativement ; il suppose donc une négation, qui est celle, en l’occurrence, de ce qui relève de la raison. Ainsi l’irrationnel désigne ce qui est irréductible, étranger, ou contraire à la raison. Est-ce que cela signifie que ces deux domaines seraient essentiellement en rapport de conflit? Il le semblerait bien, puisque nous sommes en présence d’une notion qui est négative et axiologiquement négative, et d’une autre qui elle, est positive et axiologiquement positive. Nous serions donc apparemment en présence de deux domaines complètement opposés et irréductibles l’un à l’autre, dont l’un menace l’autre.
Mais le fait qu’il y ait de l’irrationnel est-il vraiment un obstacle à la raison? On le voit à travers cette question, ce qui pose problème dans l’intitulé du sujet, c’est le présupposé selon lequel les limites entre ces deux domaines sont bien discernables. En effet, répondre à la question que nous venons de poser, nécessite que l’on sache quelles sont les limites (exactes) de chacun de ces deux domaines, et présuppose que ces deux notions sont absolues, non relatives. Si l’irrationnel est ce qui limite le rationnel, cela ne présuppose-t-il pas avant tout que la raison soit toujours identique à elle-même, comme la philosophie classique le présupposait? Or, ne voit-on pas à travers l’histoire que la raison a connu des progrès, qu’elle n’a cessé de changer? Dès lors, cela est-il si évident de dire que ces deux domaines sont complètement opposés l’un à l’autre? Et le propre d’une raison non plus "immuable" comme l’ont cru les classiques, mais plastique et dynamique, n’est-il pas au contraire de dialoguer avec son autre? -On le voit, ce qui est en jeu dans le sujet, c’est la nature même de la raison, qui semblerait bien dépendre des rapports qu’elle entretient avec l’irrationnel."
Je me plongerai plus tard dans La philosophie des "grands philosophes"

"On découvre alors que la plupart de ceux que l'histoire a retenu comme les plus "grands philosophes" étaient en fait des contre-lumières et des ennemis de la Raison."

Voilà où me mène Woody Allen quand il nous plonge d'emblée dans Kant et Kierkegaard! Et, quand raison rime avec passion, la déraison se pointe à l'horizon...