Ce matin dans les NCC : entretien en alexandrins avec Raphaël Enthoven et Patrick Dandrey.
"Un fan de slam n'est pas moins snob qu'un fan d'art lyrique". (Raphaël Enthoven).
Le philosophe Raphaël Enthoven a étudié le snobisme, cette façon qu'ont certains d'adopter des comportements qu'ils tiennent pour distingués.
Qu'a la philosophie à dire sur le snobisme ?
Il me semblait intéressant d'aller sur les traces du maître à penser sur la question, Proust. Et sur son idée que les domestiques ne sont pas moins snobs que les duchesses.
Je rejoins cette pensée que le snobisme n'est pas tant une affaire de classe sociale que de désarroi individuel.Une parade pour combler une faille ?
Être snob est une façon de regarder ailleurs plutôt que de regarder en soi. L'attachement aux réalités dérisoires témoigne d'une tentative désespérée de recouvrir l'abîme en soi. Plus cet abîme est profond, plus le snob est tragique, à la façon d'un clown triste.Pourquoi agace-t-il s'il souffre ?
Peut-être est-il le plus honnête des hommes. Il sait, comme chacun de nous, qu'il est né par hasard et qu'il a peur de mourir.Sa façon de surmonter la vanité de l'existence est de s'attacher à ce qui semble vain. Il agace car il a l'élégance et l'indécence de chérir des choses futiles, de ne pas se prendre au sérieux. Et il sait s'en moquer.
Pourquoi le snob est-il expert dans l'art d'exprimer ses goûts ?
L'expression artistique est le terrain de jeu favori du snob, car dire j'aime ou pas telle ou telle œuvre n'oblige pas à l'argumentation. Ce n'est pas la nature de ses opinions qui fait le snob, mais l'importance qu'il leur accorde.Exemple, un fan de slam n'est pas moins snob qu'un fan d'art lyrique. Sa tenue, quoique moins formelle, est aussi codifiée que le nœud papillon du mélomane.