dimanche 11 mai 2014

"... l"autre jour, je suis devenu vieux d'une seconde à l'autre..."

Journal. 

Vendredi 9 mai 2014. 

Nouvelle généraliste. Difficile en trois quart d'heure (tout de même) de résumer un parcours de patient - d'un certain âge - avec ses moult maux. Parlé des problèmes du moment (vertiges), les autres viendront lors de consultations ultérieures. Abordé ce qui me tient à cœur : la fin de vie, la vieillesse, l'euthanasie, les directives anticipées. 
Elle m'a écoutée, très attentivement, très sérieusement, je sentais là un peu d'empathie. Je lui ai dit :
- J'ai peur de vieillir, je refuse d'être maintenue en vie si je deviens un légume. Le ton était donné, d'emblée.
- Vous avez peur de vieillir ou vous avez peur de mal vieillir?
- J'ai peur de mal vieillir lui ai-je répondu. (Je lui ai menti. J'ai peur de vieillir un point c'est tout).
- Vous vieillirez bien me dit-elle, vous faites dix ans de moins que votre âge. Votre regard sur vous n'est pas le bon.
C'est ce qu'elle croit, ce qu'elle voit, parce que je suis légèrement maquillée, habillée "jeune", mais le matin, quand je me lève, c'est dix ans de plus que mon âge que je vois dans le miroir. 
Et je ne lui ai pas encore parlé des douleurs physiques... Pas tout le même jour.
Puis elle m'a auscultée, palpée, longuement.  Ça faisait des années qu'un médecin ne m'avait pas "palpée" ainsi. Je croyais que ça ne se faisait plus. C'est rassurant.
Le contact fut bon, encourageant.

Samedi 10 mai 2014.

Petit déjeuner puis shampoing en écoutant Flaubert par Charles Sigel. 
Fin de matinée :
Je fais un tour sur le blog de Dominique Chaussois. J'y vais souvent, pour sourire mais aussi pour sa mélancolie, qui ne m'a jamais échappée, proche de la mienne. Je lis ce billet que je me permets de reproduire ici. Je lui rends hommage :

Mercredi 28 mars 2012

  Il y a peu encore je croyais les bancs publics réservés exclusivement aux vieillards et aux désœuvrés. S’asseoir là pour attendre Dieu sait quoi avait pour moi quelque chose de socialement dégradant. Sauf à tenter de se donner une contenance en faisant semblant de lire ou de dessiner, le message adressé me paraissait clair : Voyez, je suis là pour voir passer le temps car je n’ai rien de mieux à faire, je suis seul et inutile, encore heureux que la société me permette de me poser là quasiment gratuitement, je n’ai qu’à bien me tenir.
  Voilà très exactement ce que je pensais. Avoir si mauvais esprit est l’une de mes rares qualités car, la paresse aidant, je sais d’expérience que posséder un esprit étriqué permet de réfléchir plus vite, vu l’étroitesse de l’espace, et qu’ainsi les conclusions, toutes sujettes à caution mais qu’importe, arrivent d’autant plus rapidement, quel gain de temps avouez.
  Tout ceci, c’était avant. Du temps de ma jeunesse. Mais voilà que l’autre jour, je suis devenu vieux d’une seconde à l’autre : le temps de poser mes fesses sur l’un de ces bancs et ce avec un naturel et une aisance qui m'autorisent à penser que je devais être vieux bien avant cet acte fondateur. D’autant que contrairement à ce que je redoutais le choc psychologique n’a pas été si rude. A dire vrai, je me suis senti immédiatement à ma place. Il n’y a pas de mots, et je dois avouer que cela m’arrange, pour décrire l’état de béatitude, d’hébétude plutôt, qui s’empare de vous dès lors que vous vous posez sur un banc. Il ne se passe rien, c’est heureux, car l’on a vite fait de se désintéresser de tout, des pigeons, des passants, des enfants qui s’emploient à soulever la poussière, et c’est à peine si vous jetez un œil sur un collègue assis à quelques mètres de là, tout aussi abruti que vous qui débutez pourtant.

Et ces deux autres billets, ne l'étaient pas moins, mélancoliques  : ironie, dérision.




"La mélancolie c'est le bonheur d'être triste."
Victor Hugo.

A méditer... et aussi :

" Donc voyez, j'écris pour rien. J'écris comme il faut écrire il me semble. J'écris pour rien. Je n'écris même pas pour les femmes. J'écris sur les femmes pour écrire sur moi, sur moi seule à travers les siècles."
Marguerite Duras. 

Fin d'après-midi :
Médiathèque pour déposer mes emprunts : L'Amour du prochain et un DVD, Sur la route; je n'avais pas vu le film à sa sortie, une adaptation du livre culte de Jack Kerouac que, je l'avoue honteusement, je n'ai pas lu. J'ai bien aimé. Sam Riley, l'acteur qui tient le rôle de l'écrivain m'a donné envie de lire le livre. C'est un long film, 2 h 30; pas vu le temps passer.
Ensuite, lèche-vitrines dans le centre-ville. Ma vitrine préférée... comme d'habitude. Je me demande pourquoi je préfère regarder les magasins pour hommes. Peut-être pour rêver de... Mais celui-ci c'est pour l'esthétique, l'originalité, le luxe. Un peu de futilité pour alléger la mélancolie.


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Messieurs, sortez de vos tiroirs vos mouchoirs de grand-père. 
Le dernier chic, les nouer autour du cou... propres, bien repassés, amidonnés.  Hum!