mercredi 14 mai 2014

Homme d'absolu et de contraste, Léon Bloy


Hier j'écoutais Pas la peine de crier. L'invité était Didier da Silva pour son livre L'ironie du sort, que j'ai lu, mais je ne savais comment en parler ici, tant cet ouvrage, court mais dense, ne peut entrer dans aucune catégorie (fiction, autofiction, essai, roman...).  Enfin si, dans celle de la (belle) Littérature. 



J'ai relevé un jour dans le blog de cet écrivain cette phrase de Paul Léautaud :

"Ce qui fait le mérite d’un livre, ce ne sont pas ses qualités ou ses défauts. Il tient tout entier en ceci : qu’un autre que son auteur n’aurait pas pu l’écrire. Tout livre qu’un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier."
 
Dans cet entretien avec Marie Richeux le nom de Léon Bloy est revenu à deux ou trois reprises ce qui, ce matin - alors que je me tâtais encore de savoir si j'allais avoir le courage d'attaquer ma peinture ou pas - m'a fait ressortir de ma bibliothèque ce livre (acheté il y a longtemps dans un vide grenier de campagne, pour une bouchée de pain) : Un Héraut de Dieu, Léon Bloy du Dr. Paul Carton, édition Docteur Paul Carton, 1936.


Ma connaissance de Léon Bloy est je l'avoue très superficielle (même s'il m'arrive de le découvrir ici ou plus récemment ) et je devrais y remédier, ne serait-ce que par la lecture de ce livre. Les livres à lire, empruntés, achetés, sortis de mes étagères, commencent à s'accumuler sur ma table de salon; mais ils sont là, bien en vue, ce qui me permet déjà de les ouvrir, de les parcourir et même de m'attarder sur quelques chapitres comme celui de L'étude graphologique dans ce Héraut de Dieu, concrétisé par de superbes reproductions de lettres manuscrites de Léon Bloy.



En préambule, Paul Carton écrit :

"Au moment de prendre la plume pour parler de Léon Bloy, on est tenté de reculer devant la difficulté de présenter une personnalité aussi douloureuse, aussi vibrante, aussi étrange et aussi contradictoire. Quand on a fouillé tous les replis de son caractère, étudié les richesses de son génie, découvert la puissante unité mystique de sa vie, derrière les contradictions et les instabilités qui l'émaillent, on reste en suspens, devant la complexité des documents recueillis, pour en présenter une synthèse juste et équilibrée. [...]"

Chapitre VII

Étude graphologique

En clinique médicale, il importe, pour bien connaître le caractère et le tempérament d'un sujet, de ne pas se borner à l'étude mécanique de sa pression artérielle, à l'examen radiographique de ses viscères, à l'analyse sérologique de son sang. [...]
[...]
On a pu dire que le style c'est l'homme. On peut ajouter que l'écriture, c'est l'homme, parce que le tracé des petits gestes, inscrits par la main sur le papier, varie avec le degré personnel de sensibilité, de volonté, d'intelligence et d'évolution. L'écriture constitue même une empreinte et un cachet si personnels, que pas une écriture n'est identique à une autre, pas plus que les détails de la figure ou de la main ne sont identiques d'un sujet à un autre.
Certes, la totalité des tendances vitales, mentales et spirituelles ne peut être révélée que par l'étude d'un seul des genres d'expression formelle ou gesticulaire d'un sujet ( face, mains, écriture, contraction ostéomusculaire). [...]
L'écriture, si elle ne peut pas tout fournir, contribue toujours à fixer certaines tendances du caractère avec une telle certitude et une telle précision qu'il est impossible d'être bon psychologue ou bon médecin, si l'on n'est pas instruit des signes graphologiques et si l'on ne s'en sert pas, pour dépister ces tendances si souvent masquées.
[...]
Un caractère aussi complexe et aussi exubérant que celui de Léon Bloy devait s'exprimer avec originalité et vigueur dans toutes ses manifestations. C'est ce que l'étude de son écriture révèle, en effet, en apportant à son sujet un contrôle et un complément d'information, très importants.
Cette intensité d'expression personnelle que Bloy s'était appliqué à transférer dans son graphisme n'avait pas échappé à certains de ses amis, bien qu'ils ne fussent pas graphologues.
[...] :
"Il possédait une écriture magnifique, pleine, appuyée, extrêmement forte comme sa pensée, et très lisible, une écriture d'enlumineur de missels, de moine du XIVe siècle, absolue en un mot comme lui; et il en administrait des rasades ragaillardissantes à tous ceux qui lui demandaient un conseil, aux plus déshérités que lui. Il était le pauvre qui donne, le théologien de la misère. Il faisait largesse de sa foi. Sans doute existe-t-il de lui, par le monde, de nombreuses correspondances inédites."
(Léon Daudet. Léon Bloy. La revue Universelle; 15 janvier 1930.).

[...] Barbey d'Aurevilly et Hello, avaient eu aussi l'intuition de l'importance des tracés de l'écriture pour révéler l'état d'esprit personnel. Barbey d'Aurevilly dont l'écriture était sabrée de lancements extravagants écrivait à Bloy :
"Mon cher monsieur Bloy, je vous lance ceci, après avoir lancé mon article à la poste. Je suis le Sagittaire toujours." (Lettres à Léon Bloy.)

Quelquefois, l'écriture de Barbey d'Aurevilly manquait de sa fermeté habituelle. Il s'en explique :
"Si mon écriture n'a pas sa fermeté ordinaire, monsieur le Docteur ès écritures, la faute en est à ma chatte, Griffette-Tigrinette, qui est assise entre mes deux épaules, pendant que je vous écris, et qui pile du poivre avec ses deux pattes, dans mon dos. Elle se soucie peu, la drôlesse, de la beauté des écritures, et même de tout, excepté de déjeuner. Elle a tous les vices, et je l'aime pour cela, comme Talleyrand aimait Montrond." (Barbey d'Aurevilly, Lettres à Léon Bloy. p. 170)"
Ailleurs, il dit encore : 
"J'écris avec une plume trop fine et qui m'impatiente autant que ma chatte placée et remuant sur mes genoux avec le plus insupportable despotisme, pendant que je vous écris." (Barbey d'Aurevilly, Lettres à Léon Bloy. p. 199)
[...] Le 11 septembre 1877, il recommence la même plainte : "Je vous écris dans ma main et en proie à ma chatte, qui me cravate et me pousse et dispose de moi, comme le chien de Beaumarchais disposait de lui... Écriture de chat, causée par un chat." (p. 227)
[...]
[...]
Ce qui frappe d'abord en examinant de nombreuses lettres de Léon Bloy (nous en avons sous les yeux une cinquantaine, dont nous en avons extrait les spécimens les plus différents pour en composer un recueil d'exemples, reproduit ici), c'est à la fois la richesse, la diversité et  l'opposition des nombreuses espèces d'écriture que l'on peut y découvrir."

Je découvre donc ce matin en parcourant Un Héraut de Dieu, Léon Bloy (en dehors de ce chapitre sur l'étude de la graphologie) un homme d'absolu et de contrastes qui me donne envie d'en savoir plus. Ci-dessous quelques lettres de Léon Bloy que j'ai photographiées dans l'ouvrage.











Et quelques lettre de Barbey d'Aurevilly ci-après





"... La philosophie m'ennuie, la théologie m'assomme, les paroles sans amour me sont inintelligibles, les raisonnements de sages m'apparaissent comme un cloaque de ténèbres et l'orgueil de l'esprit humain me fait vomir." (Léon Bloy. Lettres à sa fiancée)

Journal

Ce mercredi.

Enfin une journée sans pluie! Ce matin donc, commencé peinture extérieure des fenêtres, à l'ombre. Petite pause, plein soleil, attendre qu'il se cache derrière le pignon pour poursuivre. Ai fait seulement deux fenêtres...