dimanche 29 décembre 2013

Pour enflammer il faut être froid

Il faisait un temps ce dimanche à rester chez soi. Je regardais par la fenêtre  : ciel gris, compact, même pas quelques nuages pour le plaisir des yeux; chaussée humide. Mais, c'était justement un temps à aller faire une balade dans cette baie d'Audierne où mer-dunes-landes et campagne se mélangent avec bonheur quand le ciel est sombre.
Il faisait un temps à faire sortir les lutins de la lande, un temps à se laisser séduire par le mystère, l'étrangeté de paysages d'une sauvage beauté. Mon âme, je la sentais ce midi, béante, pour recevoir quelque chose, quelque moment exceptionnel et, après avoir écouté Christian Bobin ce matin, je me sentais disponible pour m'émerveiller de ce que la nature m'offrirait.

Je mangeais mon yaourt en vitesse, décidée subitement à aller prendre l'air. J'ai alors pensé à toi sans poésie mais très concrètement, en voyant la date de péremption de mon yaourt : 21.01. Le jour où on s'est rencontrés en... 1977! J'ai ri à cette pensée, idiote?

Je m'habillais chaudement,  la température était pourtant douce mais sur la baie d'Audierne le vent est toujours violent. Il est deux heures et je pars à Tréguennec faire cette balade que je faisais souvent quand je vivais non loin de ces endroits sauvages et encore protégés. Je n'y étais pas retournée depuis plus de cinq ans.

Dans ma voiture j'allume la radio, France Culture; et puis non! J'ai envie de chanter, il y a longtemps que je n'ai pas chanté dans ma voiture, je mets MFM, hum! Florent Pagny : Vieillir avec toi. Ah ah! Je ne la connais pas, je ne peux pas chanter. Hop! J'éteins et je mets mon CD Prince, c'est tout ce que j'ai sous la main. Je chante avec lui Purple Rain... Mmm! Je m'inquiète un peu, j'ai de moins en moins de voix. J'arrive à Tréguennec. Silence, merveille de la grisaille, j'ouvre la fenêtre pour entendre au loin le grondement de la mer et je m'arrête. La chapelle Saint-Vio, datée du XVe (la plus petite chapelle du pays bigouden, ) me chavire toujours quand je la vois. Ici le ciel m'offre des nuances de gris chatoyant en harmonie avec les pierres; il y a même une traînée de ciel bleu. En cet instant, je sais que j'ai bien fait de sortir de chez moi pour faire cette balade; c'est presque un pèlerinage. Photos du jour.






Sur la première photo, on aperçoit sur la gauche une espèce de menhir "une stèle hémisphérique à cupules de l’âge du fer, posée à une cinquantaine de mètres de l'enclos de la chapelle" à laquelle est attachée une légende :
"La mémoire locale accorde à cette pierre « phallique » le pouvoir de combattre la stérilité et d’assurer la descendance des femmes qui viennent la toucher ou s’y frotter. Cette pratique, d'ailleurs récurrente autour des pierres dressées : stèles ou menhirs, est considérée comme la plus ancienne par la population locale, elle constitue « le rôle premier » de la stèle.
La fertilité du sol et la fécondité des femmes sont liées à une même symbolique de la pierre à laquelle on octroie des vertus d'abondance."
Je n'ai jamais pu visiter l'intérieur de cette chapelle, ouverte seulement en été; c'est en hiver que j'aime venir ici. Il faudra que j'y revienne, en attendant, l'intérieur ici

Je grimpe avec précaution sur le muret en pierres et j'aperçois au loin l'océan. Il m'attend!


Je remonte dans ma voiture, sans musique et sans chanter... Je prends la Route du vent solaire. Magique!


Exquise solitude, cette nature m'appartient, propriété privée!




A ce stade de ma promenade on m'indiquait : utilisez une batterie correspondant à votre appareil. A vrai dire, elle était pratiquement déchargée, j'ai dû arrêter la vidéo mais j'ai pu faire les photos qui suivent.




Après les Bonnets rouges, les culs bleus!
(Un peu d'histoire puisque c'est d'actualité : 
La paroisse de Tréguennec fut impliquée 
dans la révolte des Bonnets rouges, en 1675)

Mes chaussures ont une bonne semelle et ne prennent pas l'eau. Plus j'approchais de la mer et plus le vent soufflait. En arrivant au sommet des dunes j'aurais voulu avoir suffisamment de batterie pour enregistrer le bruit de cette mer et des vagues déferlantes. Les photos ne reflèteront que le paysage - à un moindre degré; tout à l'air calme mais il fallait entendre rugir le vent et l'océan, c'était enivrant.











Il y a des blockhaus tout le long de la baie d'Audierne. Je ne me souvenais pas des graffitis sur ceux-ci. 

"Le recul de la côte en raison de la fragilité du cordon littoral formé de dunes de sables et de galets, menacé par l'érosion, principalement lors des tempêtes, est sensible et a tendance à s'accentuer en raison de la montée du niveau des océans et des prélèvements excessifs de sable et de galets qui ont pu avoir lieu par le passé, principalement à Tréguennec dans le cadre de l'Organisation Todt pendant la Seconde Guerre mondiale (les galets prélevés étaient destinés à la construction des blockhaus du Mur de l’Atlantique."

Je jetais un dernier regard en quittant la dune.


 
C'était un beau dimanche, presque lumineux, sous un ciel qu'ailleurs on appellerait gris et que je trouve ici flamboyant. Christian Bobin disait ce matin, à propos de l'écriture et de la phrase : "Pour enflammer il faut être froid".