Débranchez tout, accordez-vous cette petite heure d'un plaisir (pas) solitaire en écoutant le Gai savoir en compagnie de Maria Rainer Rilke.
Pour conclure l'émission, ces belles réflexions de Raphaël Enthoven :
Pour conclure l'émission, ces belles réflexions de Raphaël Enthoven :
"Rilke
compare le fait de créer au fait de comprendre : le jugement de goût,
comme le jugement de l’artiste ; c’est en somme, la même chose. L’espèce
de jubilation que ressent le poète quand il donne le jour à quelques vers est
en tout point comparable et de même nature que la jubilation ressentie par un
lecteur qui, n’écrit pas ce qu’il est en train de lire, mais qui sent se
dérouler en lui, qui sent vivre en lui, palpiter en lui la logique ou l’illogique
du poète dont il est en train de lire le texte. Et au fond, c’est là voyez-vous
qu’il ne s’agit pas d’un plaisir solitaire ; c’est là que se forme la
seule communauté possible, c’est-à-dire la communauté des gens, qui savent éprouver
la même chose ; de ceux qui savent à la lecture éprouver la même chose que
ce que le poète a éprouvé dans l’écriture*. Et c’est enfin, c’est vraiment la
raison pour laquelle il faut passer par les Lettres
à un jeune poète pour en venir à la poésie de Rilke et découvrir les
merveilles ineffables, indicibles, qu’il a pourtant couchées sur le papier."
* (N'est-ce pas aussi ce que voulait dire Charles Juliet?).
Et pour les paresseux qui n'auront pas le courage (car le temps on le trouve toujours) d'écouter le Gai savoir, quelques séquences qui m'ont fait éprouver la même chose que ce que le poète a éprouvé dans l’écriture :
De l'impuissance du langage et de l'éloge de l'indicible :
"Ici m'entoure un immense pays sur lequel passent les vents venus des mers.
Ici je sens qu'à ces questions et à ces sentiments, qui ont dans leur profondeur une vie propre, personne nulle part ne saurait apporter de réponse. Car, même les meilleurs se fourvoient dans les mots lorsqu'ils ont à faire entendre du très subtil, du presque indicible."
Du vertige du silence et de la solitude :
"Nous sommes solitaires. On peut s'illusionner et faire comme s'il n'était pas ainsi, c'est tout. Mais, il vaut bien mieux comprendre que nous sommes seuls; il vaut mieux tout simplement partir de là. Alors il arrivera assurément que nous ayons le vertige, car tous les points sur lesquels notre oeil avait l'habitude de se reposer nous seront soustraits; il n'y a rien de plus proche, et tout lointain est infiniment loin. Qui serait transporté sans presque aucune préparation ni transition de sa chambre sur la cime d'une haute montagne devrait ressentir quelque chose de semblable. Dans une incertitude sans pareil, à la merci de ce qui n'a pas de nom, il serait quasi anéanti, il aurait l'impression de tomber ou bien, se croirait expulsé dans l'espace ou brisé, dispersé en mille morceaux. Quel énorme mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre ses sens dans cet état et pour l'éclaircir. C'est ainsi que changent pour qui devient solitaire toutes les distances, toutes les mesures. Beaucoup de ces changements s'accomplissent subitement et, comme comme chez cet homme au sommet de la montagne il se forme des imaginations inhabituelles, des sensations bizarres qui semblent croître au-delà de tout supportable. Mais, il est nécessaire que cela aussi nous le vivions."
Rainer Maria Rilke.
Un solitude sans nom : c'est la condition du poète, mais aussi de tout humain.
(N'ayant pas les textes sous les yeux, la ponctuation est de mon fait).
* (N'est-ce pas aussi ce que voulait dire Charles Juliet?).
Et pour les paresseux qui n'auront pas le courage (car le temps on le trouve toujours) d'écouter le Gai savoir, quelques séquences qui m'ont fait éprouver la même chose que ce que le poète a éprouvé dans l’écriture :
De l'impuissance du langage et de l'éloge de l'indicible :
"Ici m'entoure un immense pays sur lequel passent les vents venus des mers.
Ici je sens qu'à ces questions et à ces sentiments, qui ont dans leur profondeur une vie propre, personne nulle part ne saurait apporter de réponse. Car, même les meilleurs se fourvoient dans les mots lorsqu'ils ont à faire entendre du très subtil, du presque indicible."
Du vertige du silence et de la solitude :
"Nous sommes solitaires. On peut s'illusionner et faire comme s'il n'était pas ainsi, c'est tout. Mais, il vaut bien mieux comprendre que nous sommes seuls; il vaut mieux tout simplement partir de là. Alors il arrivera assurément que nous ayons le vertige, car tous les points sur lesquels notre oeil avait l'habitude de se reposer nous seront soustraits; il n'y a rien de plus proche, et tout lointain est infiniment loin. Qui serait transporté sans presque aucune préparation ni transition de sa chambre sur la cime d'une haute montagne devrait ressentir quelque chose de semblable. Dans une incertitude sans pareil, à la merci de ce qui n'a pas de nom, il serait quasi anéanti, il aurait l'impression de tomber ou bien, se croirait expulsé dans l'espace ou brisé, dispersé en mille morceaux. Quel énorme mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre ses sens dans cet état et pour l'éclaircir. C'est ainsi que changent pour qui devient solitaire toutes les distances, toutes les mesures. Beaucoup de ces changements s'accomplissent subitement et, comme comme chez cet homme au sommet de la montagne il se forme des imaginations inhabituelles, des sensations bizarres qui semblent croître au-delà de tout supportable. Mais, il est nécessaire que cela aussi nous le vivions."
Rainer Maria Rilke.
Un solitude sans nom : c'est la condition du poète, mais aussi de tout humain.
(N'ayant pas les textes sous les yeux, la ponctuation est de mon fait).