A vrai dire, je ne savais pas en empruntant cet ouvrage de Georges Perec : L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation que j'allais découvrir un texte aussi étrange : sans ponctuation du début à la fin (90 pages) avec des phrases qui se répètent à l'envi. Je me suis rendue compte rapidement que ce n'était pas vraiment un texte à lire, mais à dire, pour comprendre cette "tentative d'épuisement" voulue par l'auteur.
"Perec précise qu'il entend avec ce texte sur un organigramme "arriver à un texte linéaire donc totalement illisible." Et, selon toute vraisemblance pour augmenter cette illisibilité, Perec va jusqu'à supprimer de son texte toute la ponctuation encore présente dans un tapuscrit antérieur."
J'ai donc hier soir, vite et lâchement, abandonné ce livre, la lecture étant ardue. Puis ce soir j'y repensais et je me suis dit : si tu le lisais à haute voix, l'intérêt serait peut-être plus dicible? Voilà le résultat, difficile de reprendre son souffle à lire un texte sans ponctuation. J'ai pris une page au hasard (page 53 jusqu'à la page 60), il fallait bien que je m'arrête quelque part puisque le texte continue ainsi, sans ponctuation jusqu'à la fin. Mon rythme est rapide, monocorde, vers la fin j'accélère... Je ne crains pas le ridicule. Mmm!
Bref, l'intérêt ne sera dicible que pour moi, pour - toujours cette même raison - vérifier que j'ai encore une voix alors que celle-ci s'exerce de moins en moins souvent au quotidien et que, par exemple, les seuls mots que j'aie prononcés à voix haute en deux jours c'est : un chocolat, puis merci, pour répondre au serveur du XXI hier! Et si mon interprétation est nulle, celle-ci ne m'a guère convaincue non plus.
"Georges Perec nous entraîne dans le récit, hilarant, d'une véritable course d'obstacles où selon une logique imparable, de rebondissements en rendez-vous manqués, d'épidémies de rougeole en intoxications alimentaires, les perspectives d'une rencontre avec un très évanescent chef de service deviennent de plus en plus improbables."
4e de couverture.
Hilarant? C'est ce que j'avais espéré avec le titre. Hum! Oui, je sais, il s'agit d'une "contrainte littéraire" chère à notre oulipien.
"L'Augmentation. En réduisant le titre final au seul substantif, Perec donne à ce dernier une nouvelle valeur, métaphorique cette fois, qui apparaît clairement [...] par le biais d'une comparaison : la traduction linéaire , écrit-il à Jacques Perriaud, "donnera au texte l'allure d'une "tour de Hanoï" où il faut un coup pour le premier mouvement, deux pour le second, quatre pour le troisième, huit pour le quatrième, puis seize, trente-deux, etc." Qui nous lit l'a aussitôt compris : l'augmentation ne désigne pas seulement une hausse de salaire, mais aussi, et peut-être surtout la contrainte même à laquelle obéit tout le texte et qui en a permis la production."
Je suis sûre que ce texte doit avoir toute sa saveur dit par Guillaume Gallienne. Tout comme le Je me souviens dit par Sami Frey. Et puis, une appréciation objective nécessite une connaissance approfondie de l'auteur et pas seulement de ses textes. Or je n'ai lu de Perec que La vie mode d'emploi, il y a très longtemps; une autre "tour de Hanoï" (0_0) dans mon souvenir. Là, je viens de commencer Je suis né, livre posthume. Encore un effort et je vais pouvoir mieux appréhender le monde magique et surtout labyrinthique de Georges Perec. Quelqu'un me parlait dernièrement de : Les Choses, c'est ce qui m'a influencé pour relire Perec. Ce sera le prochain... le sujet est intemporel.
« il faut saluer la lecture - l’interprétation, serait plus
exact - de Gallienne qui s’amuse et se régale avec gourmandise des
multiples jeux avec les mots, (...) donne toute leur saveur à la
drôlerie et au sens de l’absurde de Perec (...) "Pour simplifier, car il faut toujours simplifier",
retenez que j’ai passé près d’une heure et demie jouissive dans
l’univers drolatique et absurde de Perec, avec Guillaume Gallienne pour
guide particulier. »