Je reviens donc sur ce que j'avais noté mardi en écoutant les NCC dans l'émission consacrée à Henry David Thoreau et à son ouvrage Walden ou la Vie dans les bois.
"Le roman raconte la vie que Thoreau a passée dans une cabane pendant deux ans, deux mois et deux jours, dans la forêt appartenant à son ami et mentor Ralph Waldo Emerson, jouxtant l'étang de Walden (Walden Pond), non loin de ses amis et de sa famille qui résidaient à Concord, dans le Massachusetts."
L'étang de Walden
"Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysage.
C'est l'œil de la terre, où le spectateur, en y plongeant le sien,
sonde la profondeur de sa propre nature. »
— Chapitre IX, "Les étangs"
Reconstitution de la maisonnette de Thoreau
« Je possède ainsi une maison recouverte étroitement de bardeaux et de plâtre,
de dix pieds de large sur quinze de long, aux jambages de huit pieds,
pourvue d'un grenier et d'un appentis, d'une grande fenêtre de chaque côté,
de deux trappes, d'une porte à l'extrémité, et d'une cheminée de briques en face. »
— Chapitre I, "Économie"
Crédit photos et légendes : Wikipédia.
"Je pense qu’il est salutaire d’être seul la plupart du temps. Être en compagnie même avec les meilleurs des hommes est bientôt lassant et dégradant. J’aime être seul. Je n’ai jamais trouvé de compagnon qui fut d’aussi agréable compagnie que la solitude. La plupart d’entre nous se sentent plus solitaires quand ils sortent pour se mêler aux autres que lorsqu’ils restent dans leur logis. Un homme qui pense ou qui travaille est toujours seul, où qu’il soit. La solitude ne se mesure pas par miles de ce qui sépare un homme de ses frères. L’étudiant vraiment diligent dans l’une de ces rues surpeuplées du Collège de Cambridge est aussi solitaire qu’un derviche dans le désert. Le fermier peut travailler seul dans les champs ou dans les bois tout le jour, sarclant ou coupant son bois, il ne se sentira pas solitaire parce qu’il est occupé ; mais lorsqu’il rentre chez lui le soir, il ne peut rester assis seul dans une pièce livré à ses pensées, il a besoin de s’en aller là où il peut, voir des gens et trouver récréation et récompense – selon lui – pour sa journée solitaire. Aussi, il se demande comment l’étudiant peut rester assis seul dans sa maison toute la nuit, et presque tout le jour, sans s’ennuyer, sans mélancolie ; mais il ne se rend pas compte que l’étudiant, quoique dans sa maison, est toujours au travail dans son champ à lui, il taille son bois comme le fermier dans le sien ; et à son tour cherche à se divertir en société comme l’autre, bien que ce soit peut-être sous une forme plus condensée."
Henry D. Thoreau, in Walden ou la Vie dans les bois. (Texte lu dans l'émission).
Le sujet m'intéressait vivement, évidemment.
Thoreau évoque les effets positifs de la vie solitaire et proche de la nature. Il aime être seul : "Je n'ai jamais trouvé de compagnon qui fut d'aussi agréable compagnie que la solitude", expliquant qu'il n'est jamais seul tant qu'il est proche de la nature. Il estime qu'il est inutile de rechercher en permanence le contact avec le reste de l'humanité.
Au cours de l'émission j'entends une musique étrange de John Cage : Song Book. Un inconnu pour moi. J'ai eu envie d'en savoir plus sur cet artiste qui considérait Thoreau comme son Maître.
"Si la musique, reste son mode premier d’expression, Cage la rejette en tant que langage syntaxiquement et harmoniquement constitué. Il replace la pratique de l’art musical, support de toute activité humaine et de toute discipline artistique, dans la position originelle, primitive de l’écoute du Silence, ou plutôt des « bruits du Silence ». Car le Silence, au sens de négativité n’existe pas plus pour Cage qu’il n’existe pour ses deux Maîtres, Henry David Thoreau ou Mallarmé. Le Silence est un continuum sonore, « creux néant musicien », dont l’écoute doit permettre l’avènement d’une « happy new ear », régénération de l’oreille moderne, assourdie par « le bruit et la fureur » du monde, et présider au surgissement des sons fondateurs d’une nouvelle musique."
Étonnante son approche du silence en musique : 4'33''
"Le morceau a été interprété par David Tudor le 29 août 1952, au Maverick Concert Hall de Woodstock dans l'État de New York, en tant que partition de musique contemporaine pour piano. Le public l'a vu s'asseoir au piano, et fermer le couvercle. Après un moment, il l'ouvrit, marquant ainsi la fin du premier mouvement. Il réitéra cela pour le deuxième et le troisième mouvement. Le morceau avait été joué et pourtant aucun son n’était sorti. Ce que voulait son auteur, c’est que quiconque qui aurait écouté attentivement aurait entendu du bruit involontaire. Ce sont ces bruits imprévisibles qui doivent être considérés comme étant la partition de musique dans ce morceau. Ce dernier demeure encore controversé à ce jour, et est vu en tant que provocation de la définition même de la musique :
« […] les gens ont commencé à chuchoter l’un à l’autre, et certains ont commencé à sortir. Ils n’ont pas ri – ils ont juste été irrités quand ils ont réalisé que rien n’allait se produire, et ils ne l’ont toujours pas oublié trente ans après : ils sont encore fâchés. »
La longueur de 4'33" est en fait désignée par pur hasard. Et c'est ce temps qui donne son titre à l'œuvre.
Cependant, bien qu’aucune preuve ne vienne avancer la théorie suivante, il semblerait que Cage ait choisi cette longueur de manière délibérée. En effet, la durée de quatre minutes et trente-trois secondes équivaut à 273 secondes. Cette valeur peut faire référence à - 273 degrés Celsius, soit le zéro absolu (température négative en degrés Celsius équivalent à 0 kelvin) où aucun mouvement ne peut se faire. Signe de la volonté d’atteindre le point mort d’où aucun son ne peut provenir.[réf. nécessaire]
Une autre théorie, provenant du philosophe et spécialiste de John Cage, Daniel Charles, indique que 4'33" pourrait être un ready-made à la Marcel Duchamp du fait que John Cage se trouvait en France lors de l'année de composition de l'œuvre et que sur les claviers de machines à écrire en AZERTY le 4 correspond au signe « ' » et le 3 au signe « " »."
Source Wikipédia.
On trouve sur You Tube de nombreuses "interprétations" de 4'33''.
Pour tenter de comprendre "la pensée" de John Cage quelques extraits d'une étude plus complète ici :
La pensée de John Cage : expérimentation et poésie.
Le silence fonctionnel
"Pour Cage, le silence est avant tout une recherche de la neutralité contre toute influence. Bien loin de se replier vers une forme de renoncement face à ses responsabilités, l'acte de se taire devient alors un atout pour le compositeur. Le silence possède alors une fonction : celle de laisser dire ce qui doit être dit. Comme une fenêtre ouverte sur la nature, il permet la prise de conscience de l'altérité. Le silence offre sa transparence à l'oreille de l'auditeur.
a - Silence générateur
Pour John Cage, aucune hiérarchie ne peut être faite entre la musique, le bruit et le silence. Ce dernier fait donc partie intégrante de l'œuvre d'art. Rien ne doit être négligé et tout phénomène donne lieu à l'épanouissement d'une forme de vie, même le silence.
Mais un silence n'est jamais parfait. Il est coloré par les bruits ambiants qui, puisque toute classification ordonnée est rejetée, ne sont pas moins intéressants pour le compositeur. La musique n'est-elle pas « un jeté de son dans le silence » ?
Pour les poètes orientalistes, la dualité silence-son semble s'inverser. Les civilisations occidentales définissent souvent le silence comme l'absence de son et non le contraire. La musique peut contenir des silences. Par contre, pour le monde oriental, le silence est une sphère et le son ne peut se comprendre que comme une bulle à sa surface.
Cette relation entre l'occident et l'orient dans la pensée de John Cage prend notamment sa source au XIXème siècle avec la découverte des recherches de Henry David Thoreau, poète et essayiste américain (1817-1862). Il fut l'inspirateur de Gandhi par son Essai sur la désobéissance civile (Essay on Civil Disobedience) datant de 1849. Redécouvert également par les contestataires des années 1960, les écrits de Thoreau représentent un élément important pour la compréhension de la pensée cagienne. Mais la fréquentation par Cage de la philosophie orientale et du mode d'appréhension du monde par l'orient ne résident pas seulement dans la lecture de Thoreau. Le compositeur a voulu aborder le Zen dans sa pratique quotidienne.
b - Zen
A la fin des années 40, John Cage s'initie au bouddhisme Zen avec le maître Daisetz Suzuki.
L'une des caractéristiques du bouddhisme est la recherche du silence. Préciser cette notion éclaire avec évidence l'attitude de Cage face à la musique. Le compositeur ne se définit pas comme un stoïcien qui suspendrait son jugement devant tout événement comme Marc Aurèle ou Epictète. Faire le silence à l'intérieur de soi, ce n'est pas se retirer du monde, mais, au contraire, c'est libérer son énergie dynamique dans le but d'avancer, de se transformer soi-même.
L'inactivité, le statisme extérieur ne constituent donc pas un retrait stérile, mais donnent lieu à un éveil de la conscience comme source d'élévation intérieure.
Toute considération d'élévation pourrait par ailleurs faire penser à une transformation de l'artiste en une sorte de génie romantique en-dehors de la norme, au-dessus de ses contemporains. Il n'en est rien. Avec fermeté, Cage se prononce contre la sacralisation de l'artiste et de l'œuvre d'art.
Poursuivant la recherche d'un art rejetant toute expressivité personnelle, toute subjectivité et tout sentiment, Cage invente un art qui n'implique pas, mais qui laisse les choses arriver, sans oublier le but de la philosophie Zen : permettre à chacun de se transformer de l'intérieur."
Et voilà comment en écoutant une émission sur Henry David Thoreau j'ai découvert John Cage, sans préméditation mais pas sans perplexité!
"La perplexité est le début de la connaissance"
Khalil Gibran.Thoreau évoque les effets positifs de la vie solitaire et proche de la nature. Il aime être seul : "Je n'ai jamais trouvé de compagnon qui fut d'aussi agréable compagnie que la solitude", expliquant qu'il n'est jamais seul tant qu'il est proche de la nature. Il estime qu'il est inutile de rechercher en permanence le contact avec le reste de l'humanité.
Au cours de l'émission j'entends une musique étrange de John Cage : Song Book. Un inconnu pour moi. J'ai eu envie d'en savoir plus sur cet artiste qui considérait Thoreau comme son Maître.
"Si la musique, reste son mode premier d’expression, Cage la rejette en tant que langage syntaxiquement et harmoniquement constitué. Il replace la pratique de l’art musical, support de toute activité humaine et de toute discipline artistique, dans la position originelle, primitive de l’écoute du Silence, ou plutôt des « bruits du Silence ». Car le Silence, au sens de négativité n’existe pas plus pour Cage qu’il n’existe pour ses deux Maîtres, Henry David Thoreau ou Mallarmé. Le Silence est un continuum sonore, « creux néant musicien », dont l’écoute doit permettre l’avènement d’une « happy new ear », régénération de l’oreille moderne, assourdie par « le bruit et la fureur » du monde, et présider au surgissement des sons fondateurs d’une nouvelle musique."
Étonnante son approche du silence en musique : 4'33''
"Le morceau a été interprété par David Tudor le 29 août 1952, au Maverick Concert Hall de Woodstock dans l'État de New York, en tant que partition de musique contemporaine pour piano. Le public l'a vu s'asseoir au piano, et fermer le couvercle. Après un moment, il l'ouvrit, marquant ainsi la fin du premier mouvement. Il réitéra cela pour le deuxième et le troisième mouvement. Le morceau avait été joué et pourtant aucun son n’était sorti. Ce que voulait son auteur, c’est que quiconque qui aurait écouté attentivement aurait entendu du bruit involontaire. Ce sont ces bruits imprévisibles qui doivent être considérés comme étant la partition de musique dans ce morceau. Ce dernier demeure encore controversé à ce jour, et est vu en tant que provocation de la définition même de la musique :
« […] les gens ont commencé à chuchoter l’un à l’autre, et certains ont commencé à sortir. Ils n’ont pas ri – ils ont juste été irrités quand ils ont réalisé que rien n’allait se produire, et ils ne l’ont toujours pas oublié trente ans après : ils sont encore fâchés. »
La longueur de 4'33" est en fait désignée par pur hasard. Et c'est ce temps qui donne son titre à l'œuvre.
Cependant, bien qu’aucune preuve ne vienne avancer la théorie suivante, il semblerait que Cage ait choisi cette longueur de manière délibérée. En effet, la durée de quatre minutes et trente-trois secondes équivaut à 273 secondes. Cette valeur peut faire référence à - 273 degrés Celsius, soit le zéro absolu (température négative en degrés Celsius équivalent à 0 kelvin) où aucun mouvement ne peut se faire. Signe de la volonté d’atteindre le point mort d’où aucun son ne peut provenir.[réf. nécessaire]
Une autre théorie, provenant du philosophe et spécialiste de John Cage, Daniel Charles, indique que 4'33" pourrait être un ready-made à la Marcel Duchamp du fait que John Cage se trouvait en France lors de l'année de composition de l'œuvre et que sur les claviers de machines à écrire en AZERTY le 4 correspond au signe « ' » et le 3 au signe « " »."
Source Wikipédia.
On trouve sur You Tube de nombreuses "interprétations" de 4'33''.
Pour tenter de comprendre "la pensée" de John Cage quelques extraits d'une étude plus complète ici :
La pensée de John Cage : expérimentation et poésie.
Le silence fonctionnel
"Pour Cage, le silence est avant tout une recherche de la neutralité contre toute influence. Bien loin de se replier vers une forme de renoncement face à ses responsabilités, l'acte de se taire devient alors un atout pour le compositeur. Le silence possède alors une fonction : celle de laisser dire ce qui doit être dit. Comme une fenêtre ouverte sur la nature, il permet la prise de conscience de l'altérité. Le silence offre sa transparence à l'oreille de l'auditeur.
a - Silence générateur
Pour John Cage, aucune hiérarchie ne peut être faite entre la musique, le bruit et le silence. Ce dernier fait donc partie intégrante de l'œuvre d'art. Rien ne doit être négligé et tout phénomène donne lieu à l'épanouissement d'une forme de vie, même le silence.
Mais un silence n'est jamais parfait. Il est coloré par les bruits ambiants qui, puisque toute classification ordonnée est rejetée, ne sont pas moins intéressants pour le compositeur. La musique n'est-elle pas « un jeté de son dans le silence » ?
Pour les poètes orientalistes, la dualité silence-son semble s'inverser. Les civilisations occidentales définissent souvent le silence comme l'absence de son et non le contraire. La musique peut contenir des silences. Par contre, pour le monde oriental, le silence est une sphère et le son ne peut se comprendre que comme une bulle à sa surface.
Cette relation entre l'occident et l'orient dans la pensée de John Cage prend notamment sa source au XIXème siècle avec la découverte des recherches de Henry David Thoreau, poète et essayiste américain (1817-1862). Il fut l'inspirateur de Gandhi par son Essai sur la désobéissance civile (Essay on Civil Disobedience) datant de 1849. Redécouvert également par les contestataires des années 1960, les écrits de Thoreau représentent un élément important pour la compréhension de la pensée cagienne. Mais la fréquentation par Cage de la philosophie orientale et du mode d'appréhension du monde par l'orient ne résident pas seulement dans la lecture de Thoreau. Le compositeur a voulu aborder le Zen dans sa pratique quotidienne.
b - Zen
A la fin des années 40, John Cage s'initie au bouddhisme Zen avec le maître Daisetz Suzuki.
L'une des caractéristiques du bouddhisme est la recherche du silence. Préciser cette notion éclaire avec évidence l'attitude de Cage face à la musique. Le compositeur ne se définit pas comme un stoïcien qui suspendrait son jugement devant tout événement comme Marc Aurèle ou Epictète. Faire le silence à l'intérieur de soi, ce n'est pas se retirer du monde, mais, au contraire, c'est libérer son énergie dynamique dans le but d'avancer, de se transformer soi-même.
L'inactivité, le statisme extérieur ne constituent donc pas un retrait stérile, mais donnent lieu à un éveil de la conscience comme source d'élévation intérieure.
Toute considération d'élévation pourrait par ailleurs faire penser à une transformation de l'artiste en une sorte de génie romantique en-dehors de la norme, au-dessus de ses contemporains. Il n'en est rien. Avec fermeté, Cage se prononce contre la sacralisation de l'artiste et de l'œuvre d'art.
Poursuivant la recherche d'un art rejetant toute expressivité personnelle, toute subjectivité et tout sentiment, Cage invente un art qui n'implique pas, mais qui laisse les choses arriver, sans oublier le but de la philosophie Zen : permettre à chacun de se transformer de l'intérieur."
Et voilà comment en écoutant une émission sur Henry David Thoreau j'ai découvert John Cage, sans préméditation mais pas sans perplexité!
"La perplexité est le début de la connaissance"