lundi 19 novembre 2012

Le réel, le désir


"Le réel n’a jamais intéressé personne dit Baudrillard. Ce qui est sûr c’est que, si un objet réel peut être tenu momentanément pour intéressant ou désirable, il perd tout intérêt et tout attrait dès lors qu’il a la bonne, ou plutôt la mauvaise fortune de tomber dans votre épuisette. Devenu vôtre et concret, on en a plus rien à faire. Il serait évidemment erroné de considérer cette allergie au réel, cette déception à l’égard de ce qui devient banalement réel, comme une constante nécessairement attachée à la condition humaine. Car il arrive que certains se satisfassent du fruit qu’ils mangent, lui découvrent même parfois davantage de goût auquel ils s’attendaient ; mais ce sont là dit-on des inconscients ou des malades. Il existe néanmoins – et pour tous les hommes – des désirs dont la satisfaction est impossible. Mais la satisfaction ne manque véritablement à l’appel que lorsque le désir se porte sur un objet lui-même manquant, comme dans le cas de la passion amoureuse, et d’ailleurs de toute passion."

Clément Rosset, in L’invisible, éditions de Minuit, 2012.

J'écoutais ce texte la semaine dernière, puis les quelques mots de Raphaël Enthoven à ce sujet :

"La déception n’existe, face au réel, que pour celui qui, parce qu’il prend ses désirs pour des réalités, demande à la réalité de correspondre au désir qu’il en a. Or, elle n’y parvient jamais tout à fait. C’est le grand paradoxe schopenhauerien : vouloir ne plus vouloir, désirer ne plus désirer. C’est un désir qui ne trouve la paix que dans la suppression de lui-même. C’est un désir métaphysique. Le désir se suffit à lui-même, le désir est une pulsion, le désir nous porte plus qu’il ne nous tire."

Je pensais ensuite approfondir le sujet mais je n'en ai pas eu l'envie? le désir? le courage? Écouter suffisait à mon plaisir alors pourquoi rajouter mes pensées, ma réflexion à ce que j'avais entendu. Je n'aspire moi aussi qu'à "une vie de sensation" (cf. John Keats) pour les années qui me restent à vivre et laisser ma pensée en vacance (=vacante). Je sais pourtant que je n'y arriverai pas; une vie contemplative ne me suffirait pas ou seulement quelques heures : comme cette mouette, juste regarder la mer,  sentir son odeur, le bruit des vagues sur les rochers, face à l'île de Sein sur la falaise de la Pointe du Raz, hier, éprouver une jouissance à ce spectacle.


Clap 2e : La publicité est un viol.



Quelques photos de la Pointe du Raz, plus belle sous la tempête (on peut en découvrir  sur la Toile) mais hier c'était le calme plat sous un ciel bleu. La météo annonçait - comme d'habitude pour le Finistère - un dimanche pluvieux. Ah ah! Tsss!





 Une oeuvre d'une grande beauté, en marbre de Carrare,
du sculpteur Cyprien Godebski (1835-1909), réalisée à la fin de sa vie en 1904
(à la suite de la mort de son fils au Tonkin).
La mouette a posé pour moi, évidemment!


Et au retour, le port d'Audierne au soleil déclinant.
C'est cette lumière que j'avais sous les yeux en écoutant dans ma voiture
des extraits de l'Ethique de Spinoza, à l'heure du Gai Savoir.
Oui, les "pensées" reprenaient le dessus sur les "sensations".



Pourtant plus loin, sur la route, les couleurs de l'automne sous le soleil rasant continuaient de m'éblouir, je devais rester vigilante et ne pas attarder mon regard sur un vol d'étourneaux qui traversaient le ciel. Plus de pensées, enfin, mais une sensation forte, un frisson... de bonheur? Je n'avais - à ce moment-là - aucun désir de vivre autre chose que la réalité exaltante de cette journée.