Rencontre trop rapide avec l'ami-blogueur vendredi. Il était avec un ami venu l'aider à vider une maison, celle de sa mère, très âgée. C'est étrange, j'écrivais ici vendredi en attendant son coup de fil les souvenirs du déménagement chez la mienne après son enterrement.
Nous avons bavardé pendant une petite heure et nous sommes quittés en nous donnant rendez-vous pour le lendemain soir. Un imprévu m'a empêché de les revoir.
Elle m'a dit :
- Ne t'inquiète pas pour moi, j'ai décidé d'avoir une vie sociale plus active. De ne plus pleurer.
Je lui ai dit :
- Tu as raison, ne fais pas comme moi, je deviens de plus en plus sauvage, je m'enferme dans ma solitude. Mais quand je suis avec "les autres" je m'ennuie.
Je pensais : une vie sociale quand on est seule c'est quoi? Aller vers les autres obligatoirement car ils ne viendront pas vers vous! Faire comme ces hommes et surtout ces femmes que j'aperçois un jour précis, à une heure précise de la semaine faire une marche ensemble? Ils ont tous le nez sur leurs chaussures, ne regardent pas le paysage, la tête dans le guidon! Aller dans des associations faires des activités manuelles? Faire des sorties en car, chronométrées, comme ces seniors (le mot est faible) que je vois débarquer sous ma fenêtre dans mon quartier historique?
Mes balades de marcheuse je les fais en solitaire en m'arrêtant devant un paysage qui capte mon regard, un bruit de vagues qui s'échouent à mes pieds, un ciel bleu ou gris ou nuageux qui laisse toujours passer une lumière. Je visite les expositions toute seule, le mot "groupe" me fait peur. Le golf fut ma vie sociale pendant longtemps, aujourd'hui je joue seule la plupart du temps, je ne fais plus de compétitions, la remise de prix était le moment le plus convivial. Les réunions de famille m'ennuient terriblement, sauf les tête-à-tête avec ma petite soeur. La lecture, ce moment privilégié entre tous, celui où l'auteur a écrit ce que je ressens, il me parle, quelle délicieuse solitude, le plus merveilleux des tête-à-tête.
Bien sûr, je ne veux pas finir ma vie comme Robert Walser, à force d'enfermement sur moi-même. Je suis en train de lire Le Ramassement de soi de Paul Nizon; il fait une analyse extraordinaire de la vie de Robert Walser, sans concession et je crois, objective. Cela n'enlève rien à l'admiration que je porte au poète dont toute la vie prédisait cette aliénation à son terme.
Ma petite soeur qui ne supporte pas d'être seule une demi journée me dit souvent :
"tu as de la chance, tu te suffis à toi-même".
C'est vrai, il y a en moi, beaucoup de monde(s).