lundi 10 juin 2019

Artistes à l'oeuvre : tant d'illusions, tant de folie, tant de passion*



* A réécouter ici 
(ou directement sur le player ci-dessus si le lien ne fonctionne pas) 

Gérard Fromanger, 6 septembre 1939, 79 ans et l'enthousiasme d'un jeune homme de 20 ans.






Gérard Fromanger, Florence, rue d'Orchampt, 1975
Huile sur toile 

Et vous Gérard Fromanger, votre œuvre après vous, la postérité, vos tableaux, qu’est-ce qu’ils vont devenir ?


Eh ben je suis mort depuis dix ans, donc je vois bien ce qu’ils deviennent. Hé hé hé ! En dix années j’ai dû avoir les dix dernières années. Rroohh ! Oh oui c’est extraordinaire ; au moins dix rétrospectives, au moins ? Je regarde tout ça et… et après dans vingt ans, je ne sais pas si je serai encore là. Alors, je ne peux pas vous dire, puisque peut-être je ne serai plus là. Je ne sais pas et… et euh, je vais vous dire c’est pas vraiment mon problème. Alors, il y a des gens qui se font un musée à leur nom, une sorte de mausolée, Soulages ici, Rebeyrolle là-bas ; c’est bien, c’est très bien, ça fait vivre l’œuvre. Moi, comme ça, intuitivement, je préfère qu’il y en ait dans plusieurs endroits. Je préfère qu’il y en ait un à Romorantin, trois... non il y en a une trentaine à Beaubourg, quatre ou cinq au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Peut-être je vais en donner d’autres, sans doute même ; dans les musées qui m’ont exposé, qui m’ont aidé qui m’ont etc. mais il y en aura quelques-uns pour les gens qui vont survivre et qui auront besoin d’un peu d’argent, comme ça, c’est possible. Si ça vaut encore quelque chose [il rit], j’en sais rien, on  sait pas.

[…]

La seule chose qui me donne cette urgence, c’est l’idée du catalogue raisonné et de mettre un peu d’ordre dans tout ça, retrouver ici et là des œuvres et des choses, préparées pour… si je m’en vais, que ce ne soit pas  n’importe quoi n’importe où. Ca aide ceux qui veulent s’en occuper, parce qu’il y aura des gens qui vont s’en occuper. C’est sûr. Je pense…

C’est tragique d’ailleurs ; le nombre de copains qui sont morts dont TOUT LE MONDE se fout, han… c’est terrible. Des vies, des vies de peintre. Alors il reste les veuves, les épouses qui cherchent partout des moyens de faire, une expo de leur mari et de leur compagnon, qu’elles ont aimé pendant 20, 30, 40, 50 ans, qui est mort et tout le monde s’en fout. Oh ! alors [il éclate de rire, de dérision] la réputation, la femme, la postérité tout ça, oui oui, mais face au cosmos et à l’avenir du monde c’est pas grand-chose, c’est pas grand-chose. Par contre, de mon vivant avoir conscience que j’ai donné un petit quelque chose qui fait que – comme on dit chez nous, comment ils disent les sportifs dans notre jargon ? – j’ai fait l’histoire un tout petit peu, très modestement mais un petit peu, ah ! ça fait plaisir, ça fait plaisir parce que tant d’efforts, tant de travail, tant de passion, tant de rêves, tant d’illusions, tant de folie, tant de… de coups de pinceaux, ben oui, t’es un peu gratifié, récompensé par l’idée que… euh… voilà. Voilà.