mardi 22 novembre 2016

Tous les jours, le bonheur

 

Photo de couverture, joueur de cesta punta.
Photographe Gjon Mili

 "Ce furent des années merveilleuses. Quatre années prodigieuses durant lesquelles je fus soumis à un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur. Il m'avait fallu attendre vingt-huit ans pour éprouver chaque jour cette joie d'être en vie au petit matin, de courir pour polir mon souffle, de respirer librement, de nager sans peur, et de ne rien espérer d'autre d'une journée sinon qu'elle m'accompagne comme l'on promène une ombre et que le soir venu elle me laisse en l'état, simplement satisfait, abruti de quiétude et de paix loin de ce territoire désarticulé que j'avais abandonné [...]."

Première page.
[...]
Depuis que le monde était monde , il y avait toujours eu deux façons de le considérer. La première consistait à le voir comme un espace-temps de lumière rare, précieuse et bénie, rayonnant dans un univers enténébré, la seconde,  à le tenir pour la porte d'entrée d'un bordel mal éclairé, un trou noir vertigineux qui depuis sa création avait avalé 108 milliards d'humains espérants et vaniteux au point de se croire pourvus d'une âme. La médecine ne traitait pas ce genre de question. Pour elle, l'ongle incarné primait toujours sur l'herméneutique.  Comme disait l'un de mes professeurs pour casser les reins de quelques internes pressés d'en découdre : "Nous ne sommes là que pour assurer une zone de moindre inconfort entre les griffes du forceps et celles de la broyeuse."
Page 224.
Jean-Paul Dubois, in La succession, éditions de l'Olivier, 2016.
 Citation en exergue de l'ouvrage :
C'est un plaisir de me tenir devant vous.
C'est surtout un plaisir de me tenir debout.
George Best
4e de couverture.
"Jean-Paul Dubois a l'oeil et le verbe acérés, un sens aigu du dérisoire de l'existence. Et l'on s'attache à ce personnage fondamentalement intranquille qui tente désespérément de jouir de la beauté du monde et de l'instant — la lumière d'un petit matin sur la mer ou le regard énamouré d'un chien — dont Dubois sait si bien faire vibrer la grâce et la fragilité. « Je prenais chaque jour comme un bonheur simplifié », écrit le narrateur.[...]
On rit et on pleure de tout cela, une fois encore, sans savoir si l'auteur invente ou s'inspire de la fantaisie du réel et l'on apprécie hautement l'exercice de funambule entre légèreté, cocasserie et gravité."
Michel Abescat, Télérama.

Rien à ajouter : beaucoup aimé ce livre en clair-obscur, où l'on passe de la lumière à l'ombre. Les pages avec le chien Watson sont magnifiques. Une douce mélancolie qui me touche, évidemment!

Interview de l'auteur ici. E-pa-tant.(Avec une belle photo!).