mardi 14 juin 2016

Cet espace est entretenu sans pesticides

Lundi 13 juin.

L'arrivée sur Brest ce matin était bloquée, la pluie n'arrangeait pas l'affaire et la rade était bien grise enveloppée de brouillard.
Malgré ce bouchon - annoncé - d'un bon quart d'heure pour traverser le pont d'Iroise, je n'étais pas en retard pour mon rendez-vous, j'étais même en avance puisque je trouvais une place pour me garer, pile devant la porte du cabinet ORL. Je descendais de ma voiture d'un pied instable et légèrement soûlée par la route; je passe sur les nombreux réveils nocturnes et les angoisses - (allais-je tenir debout en me réveillant et pouvoir conduire?).
Arrivée donc avec un quart d'heure d'avance, je passais une heure dans la salle d'attente, le praticien avait trois quart d'heure de retard. Mathématique!
Consultation, manœuvres libératoires, la routine : mes vertiges n'étaient pas une illusion. Tenez mon bras serré dans vos mains me dit-il, à trois, je vous renverse. Je m'accrochais à ce bras comme à une bouée de sauvetage, la bascule était rapide et violente, mais son bras était doux, je savais qu'il allait sans doute me sauver de la noyade. Bascule à gauche : la mer était plutôt calme mais à droite elle était très agitée le vertige fut intense, il le voyait à mes yeux sur un écran grâce au masque. La rémission aura duré six mois. Recommandations habituelles : porter la minerve durant deux nuits, position semi-assise, ne pas bouger la tête, ne pas lacer ses chaussures en baissant la tête, ne pas aller chez le coiffeur, ne pas aller chez le kiné ni chez le dentiste, ne pas mettre la tête en arrière, ne pas embrasser votre amant (mais non il n'a pas dit ça, tsss!), éviter le stress etc. etc. tout cela pendant une semaine. Mais ces recommandations-là sont mon quotidien, également en dehors des crises. Même quand je sors ma balle du trou au golf, je ne baisse plus la tête!!! et quand je joue seule, je laisse le drapeau dans le trou (chut!) pour ne pas me baisser en le ramassant.

En sortant du cabinet, la pluie bat son plein. Je suis sonnée, encore plus déséquilibrée qu'en arrivant mais c'est normal. Quelle grisaille! Il était midi et quart, je n'avais rien dans le ventre depuis 7 heures du matin, il fallait que je mange un truc avant de refaire une heure de route. Le port de plaisance sous la pluie n'allait pas avoir d'intérêt, sauf celui d'un parking gratuit où il y a toujours de la place. J'y allais donc. J'enlevais ma minerve. Je passais devant Le Tour du Monde mais le ciel était trop plombé pour déjeuner dans ce restaurant qui surplombe la rade, si agréable quand le ciel est dégagé. Je me décidais pour un restaurant au ras de la rade (0_0) où je n'avais jamais mis les pieds. J'étais comme un marin qui arrive au port en quittant son navire, je tanguais vraiment.  L'Admiral's (c'est le nom du restaurant;-)) était complet à l'intérieur et je m'asseyais à une table en terrasse, couverte. C'était l'heure de pointe. Il me fallait quelque nourriture plus consistante que mes habituelles moules/frites et je commandais une pizza Calzone soufflée avec de l'eau... dommage, mais bon, pas question de boire du vin rosé ou blanc pour augmenter le tangage. J'étais au plus près des bateaux, je n'appréciais pas grand chose, je me sentais tristoune. Deux femmes viennent de s'asseoir près de ma table (une dame âgée de mon âge, tsss! avec une jeune fille). Elles ont commandé des moules/frites et la vieille dame les appréciaient vraiment : "elles sont vraiment bonnes" disait-elle toutes les trois minutes. (On radote en vieillissant). Sans tendre l'oreille j'entendais ce qu'elles disaient. La dame était apparemment une grand-tante de la jeune fille; elle vivait dans le coin et la jeune fille à Genève. Elle lui racontait qu'elle était obligée de garer sa voiture en France pour ne pas payer des frais qui m'ont échappés; aux questions de la tante elle répondait qu'elle circulait en vélo dans Genève, que oui il lui arrivait de manger des fruits de mer mais que c'était cher, que tout était cher à Genève. Mais tu as un bon salaire lui dit la "dame".
Bref, je mangeais ma Calzone sans me faire prier et la trouvais aussi bonne que la dame ses moules/frites. La grosse pluie s'était transformée en bruine, le fameux crachin breton et pourtant la lumière devint plus vive au point que je dus mettre mes lunettes de soleil.
Je commandais un café, réglais l'addition et saluais mes voisines en quittant le restaurant. C'était bien du crachin.

Dans ma voiture je remettais ma minerve, décidée à reprendre la route tout de suite sans faire de halte au cimetière.  Arrivée au rond-point, changement de programme, il fallait tout de même que j'aille voir pourquoi la Mairie m'avait appelée au sujet de la plaque en pierre qu'ils devaient retirer (de toutes les concessions) pour la (les) remplacer par du gazon dans l'allée. Ils voulaient savoir si dans la famille quelqu'un souhaitait la récupérer. Personne n'était intéressé, trop lourd à transporter. Je m'étais dit : quelle bonne idée de mettre du gazon, je n'aurai plus cette corvée du brossage de cette pierre qui recevait tous les détritus et boues de cette allée. Je n'avais pas acheté de plante, tant pis.
Je prenais des photos de ce nouveau gazon (il pleuvait toujours).


Sur la pancarte :  Cet espace est entretenu sans pesticides (0_0)
Les vers vont pouvoir boulotter tranquillement. Mmm!




Puis, j'allais mettre à la poubelle le bac piteux de plantes fanées et passais un arrosoir d'eau pour enlever des feuilles agglutinées dans les coins. Promis mes chers disparus, au prochain passage je déposerai des plantes fraîches.
Papa, maman, vous seriez bien tristes si vous saviez que deux de vos filles se déchirent en ce moment. (Je ne leur ai pas dit, je ne voulais pas leur faire de peine. Hum!). Et toi mon aimé, déjà trente ans que les vers te boulottent (*_*)!
Je me demande tout de même si les jardiniers ont une mini-tondeuse spéciale pour faire ces allées très étroites. L'herbe était bien haute.
J'allais ensuite sur la tombe de ma tante parisienne enterrée là avec ses parents : ma grand-mère et mon grand-père maternels, pour voir si là aussi les allées étaient gazonnées; mais non, pas encore...

Cette fois je reprenais la route du retour. J'allumais la radio mais je ne l'écoutais pas. Je regardais souvent mon compteur de vitesse, je levais le pied de temps en temps et parfois j'appuyais à fond sur le champignon pour décrasser le moteur et, me faire plaisir. Il n'y avait personne sur la route, c'était jouissif, elle marche bien ma mimi-cracra, pensais-je. Un moment même je m'imaginais le pied écrasant la pédale, le compte-tours dans le rouge et m'encastrer dans un poids lourd "Long Véhicule" pour que le chauffeur soit indemne. Mais, trop incertain de ne pas me rater! Hé ho! je blague; j'ai encore envie de jouer au golf!

Écrire ici n'est vraiment pas raisonnable : 1) pour ma tendinite 2) pour mes vertiges.
Écrire, pour vivre ou... pour ne pas mourir.