Peter Handke
Crédit photo : Olivier Roller
Avec le temps, je suis devenu écrivain de part en part, parce qu'en écrivant je me ralentis (le ralentissement est un déploiement)
Parfois cette idée qu'un écrivain avait surtout ce seul devoir : rendre un paysage éternel. - Mais comment? - Avec des histoires humaines
Là où j'écris je suis (avec le temps) tout à fait seul. Mais tous les bons esprits sont avec moi
Laconique, oui - oui mais avec des phrases qui retentissent après coup : ça, c'est moi, c'est la nature de mon écriture
L'"Écriture" (Pascal) devrait être comme une pluie éternelle, régulière, chaude, fertile
Quand je suis en avance d'un pas (même d'un pas dans l'écriture) c'est-à-dire que je ne suis pas assez lent, l'âme, aussitôt, me fait mal
Une comparaison pour l'écriture : cela a quelque chose à voir avec le franchissement de nombreux rapides et pourtant l'allure doit être régulière
Par mon écriture j'aimerais provoquer la jalousie de la racaille et la nostalgie chez les autres
La résolution d'écrire est déjà par elle-même une séparation et je suis alors seul avec le ciel; c'est cela l'écriture (en a-t-il toujours été ainsi?) Mais c'est un grand ciel fertile
Une fois de plus j'ai commencé à écrire et une fois de plus je ne sais si écrire, c'est mon affaire ou si c'est ma prétention (et pourtant : c'est seulement dans l'écriture que le monde peut se donner à moi : je viens de regarder les arbres grands ouverts devant la fenêtre)
"Celui qui met sur le papier ce qu'il souffre sera un triste auteur; mais il sera un auteur grave s’il nous dit ce qu'il a souffert et pourquoi maintenant il se repose dans la joie" (maintenant, tout de même : ami Nietzsche)
Peter Handke, L'histoire du crayon (extraits)