Amedeo Modigliani.
(1884-1920)
"Faites ce que vous sentez,
et n'aimez pas ce que font les autres".
Modigliani avait 18 ans quand, à Venise, un Maître italien lui enseigna cette maxime.
Modigliani, Le Zouave, 1918.
La peur de ne pas arriver au bout
"[...] Modigliani peignait dans la hâte, il fallait
qu’un tableau fût achevé en une seule séance, de cinq, sept ou dix
heures. Crainte de l’inachèvement ?
Concentré face au modèle, dans
une extrême tension (et l’indispensable bouteille à sa portée), il
allait chercher la vérité de l’être face à lui (ou la sienne propre). De
ces amis (Soutine, Paul Guillaume, Zborowski) qui le portaient à bout
de bras, au propre comme au figuré. Des femmes de sa vie (Béatrice
Hastings ou Jeanne Hébuterne) ou des filles de rencontre.
À sa mère qui le soutenait elle aussi (moralement et financièrement), il écrivait pour la rassurer : "Je travaille et je me tourmente parfois, mais je ne suis plus embarrassé comme avant".
Renoncer
Étrange
destin de ce garçon si séduisant (le qualificatif "aristocratique"
vient sous la plume de tous ceux qui parlent de lui), fils d’une très
bourgeoise famille juive de Livourne (mais quasi ruinée), précocement
doué pour les arts, maladif (la tuberculose) et idéaliste: "Ton devoir est de ne jamais te consumer dans le sacrifice, écrit-il à son ami le peintre Oscar Ghiglia, ton véritable devoir est de sauver ton rêve".
Pourquoi
entreprit-il de se détruire avec une telle constance, avec quel
pressentiment d’une fin précoce ? Ses trois dernières années, de 1916 à
1919, semble une course à l’abîme, sa manière a trouvé son
aboutissement, les toiles se succèdent à une cadence effrénée
(invendues, le succès viendra trop tard) jusqu’au moment de l’abandon:
une chambre glaciale, un lit de misère, la fièvre, une manière de
suicide par renoncement. Jeanne, elle aussi, perdra prise, le lendemain,
en se jetant d’une fenêtre."