samedi 8 juin 2013

J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. (Arthur Rimbaud)

Donc!
Je devais prendre la route samedi dernier et... j'ai pris l'ambulance, direction les urgences.
Tombé à l'eau mon beau, mon doux, mon merveilleux... voyage.
Les vertiges ont eu raison de mon sort et ce n'était pas le vertige des montagnes, ni celui de l'amour.

Deux jours nauséeux, sous perfusion, sans pouvoir manger. On m'apporte enfin mon premier repas, le troisième jour. Je reste écoeurée devant mon assiette qui me soulevait le coeur.
Je n'y ai pas touché. 


Puis,  j'ai pu ouvrir un livre qui se trouvait par hasard dans mon sac à main.

  

... et cette lecture était plus nourrissante que celle que j'avais sous les yeux.
Chose étrange, la première phrase du chapitre parle de vertiges. 

Piéger la mémoire

Le poète reclus dans le Harar invitait au dérèglement de tous les sens et à la nécessité de fixer les vertiges. Comment procéder avec les ivresses induites par le voyage? Ecrire? Noter? Dessiner? Envoyer des lettres? Et si oui, brèves ou longues? Préférer des cartes postales? Photographier? Transporter avec soi des carnets sur lesquels on consigne croquis et phrases, mots et silhouettes, chiffres et nombres? [...]
Car du perpétuel flot et flux d'informations on ne retient jamais l'intégralité. Le voyage fournit en effet une occasion d'élargissement des cinq sens : sentir et entendre plus vivement, regarder et voir plus intensément, goûter ou toucher avec plus d'attention - le corps en émoi, tendu et prêt pour de nouvelles expériences enregistre plus de données que d'habitude. [...]
Noter, donc. Noter ce qui, dans le déroulement temporel et fluide du temps réel, dégage du sens et quintessencie le voyage. [...]
[...]
Plus tard, le temps de l'événement loin derrière soi, il reste des instants congelés en des formes susceptibles de réactivations immédiates. Ces traces justifient moins le voyage qu'elles le rendent partiellement immortel. Rien de pire qu'un déluge de traces, une abondance de photographies - sinon l'hystérie contemporaine et touristique qui consiste à tout enregistrer au caméscope au risque de réduire sa présence au monde à la seule activité de filmer... [...]
Entre l'absence de trace et leur excès, la fixation des instants forts et rares remplace le long temps de l'événement en un temps court et dense : celui de l'avènement esthétique. [...] D'un voyage ne devraient rester  que trois ou quatre signes, cinq ou six, guère plus. En fait, autant que les points cardinaux nécessaires à l'orientation.

Michel Onfray, in Théorie du voyage, Poétique de la géographie.

De retour à la maison, ce n'est plus la nourriture in-hospitalière qui me soulève le coeur, c'est la mélancolie. 

 

Je ne reverrai pas mon Léman tant chéri et ses montagnes. J'y pensais depuis des mois à cette escapade, vitale. GPS inutile...




Photos mai 2012