Dimanche 28 mai.
A 18 heures, accablée par la chaleur et mon oisiveté, je décidais d'aller faire une promenade sur le chemin de halage. A cette heure, les promeneurs du dimanche se faisaient moins nombreux. Le temps était lourd, quelques coups de tonnerre annonçaient un orage. J'espérais finir ma balade avant la pluie. Je n'étais là que pour me dégourdir les jambes, changer d'air, néanmoins j'éprouvais, sous ce ciel gris, plombé, une douce langueur et un calme salvateur.
Vous m'accompagniez dans ce vagabondage mes chers disparus : maman, chérie, c'est ta fête aujourd'hui; toi, mon aimé, c'était le 31e anniversaire de ta mort il y a trois jours; papa, c'est ton sourire que j'avais dans les yeux (tu aurais aimé cet arbre...); quant à toi mon cher frangin, ce qui me vient à l'esprit quand je pense à toi, c'était ton amour de la vie... jusqu'au bout du bout et, ta peur de mourir.
A l'aller je prenais le chemin par la rive gauche, champêtre...
A l'aller je prenais le chemin par la rive gauche, champêtre...
... Au retour, après le calme, je traversais le pont assourdissant, mais je n'avais pas d'autre solution pour passer sur la rive droite.
Chemin de bavardage
"Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher."
Je préférais l'atmosphère de la rive gauche, que je photographiais pour la énième fois (vue de la rive droite).
L'ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal.