dimanche 8 mars 2015

Journal

Mardi 3 mars.

J'avais une heure de route à faire. Ma minerve autour du cou m'obligeait à tenir ma tête bien droite et mes rétroviseurs extérieurs suffisaient pour voir les voitures arriver et pour doubler, si nécessaire. Mais pas question de vitesse aujourd'hui, état toujours vertigineux.
J'avais pris de l'avance au cas où je perdrais du temps à trouver une place pour me garer et veine de... pas cocue - et pour cause, tsss! - une voiture quittait le stationnement juste devant l'immeuble où j'avais rendez-vous. Pour le coup j'avais 45 minutes d'avance. Je vais au parcmètre, je prends le ticket, le pose sur le tableau de bord. Tonnerre de Brest, le petit zef était glacial. Un thé allait me réchauffer.
J'étais devant l'hôtel quatre étoiles où je venais réveillonner avec mon amie lorsque nous étions jeunes filles et nous terminions la nuit dans la discothèque qui se trouvait en dessous de l'hôtel. Que de souvenirs... L'hôtel avait été rénové et l'entrée faisait très palace. Je jetais un coup d’œil à travers la vitre et, sans complexes, poussais la lourde porte en verre et me dirigeais vers le bar, ignorant la réception. Deux jeunes hommes élégants prenaient un café, perchés sur les hauts tabourets du bar et me saluèrent d'un bonjour madame souriant et respectueux. Je commandais un thé et m'enfonçais dans un fauteuil que je trouvais trop profond.  J'essayais celui qui était en face, il était plus confortable. Les deux jeunes hommes quittèrent le bar et l'un donna des instructions au barman. C'était peut-être le directeur de l'hôtel. J'étais évidemment la seule cliente dans cet immense salon, j'empruntais Le Figaro, seul journal à disposition, passais directement aux pages saumon et le refermais aussitôt, la sensation vertigineuse ne m'avait pas quittée, je ne pouvais pas lire.
Je quittais l'hôtel pour aller à mon rendez-vous. 
Pas d'attente, l'ORL vient me chercher dès mon arrivée.
Pendant qu'il passait l'aspirateur dans mes oreilles j'observais son bureau, sa bibliothèque remplie d'ouvrages médicaux et, je remarquais alors une étagère où étaient disposées de nombreuses figurines des Aventures de Tintin!
Mon ORL est tintinophile! me suis-je dit.
Je n'osais cependant lui demander s'il l'était vraiment ou si c'étaient des cadeaux. A mon avis, il l'était!
Je pensais alors à l'album L'oreille cassée et au fétiche Arumbaya qu'il devrait rajouter à sa collection, la plupart de ses patients ayant une voire deux oreilles cassées ou bien abimées.


 
 
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https://www.tintinboutique.com/media/catalog/product/big/product_123_1.jpg

Cette statuette ne dénoterait pas dans son Cabinet.

L'examen se poursuit dans un autre cabinet pour la manipulation libératoire de Sémont avec le masque. Ça tourne lui dis-je. - "Oui, votre vertige est splendide. " Et je restais tête pendante dans une position inconfortable mais accrochée à ses bras.
Avant de repartir il m'indique les consignes à suivre pendant une semaine. Etc.

Samedi 7 mars.




Je m'étais promise d'y aller à cette manifestation. Pour une fois qu'il y en avait une dans ma ville, je devais y être! L'air était doux et printanier ce samedi matin. Nous aurions dû être nombreux à cette manifestation;  en matière d'euthanasie et de suicide assisté, la Suisse reste la seule possibilité pour ceux qui ne veulent pas d'acharnement thérapeutique. La seule possibilité : le suicide assisté en Suisse car, se suicider (en fin de vie) ne reste qu'une possibilité... de se rater et de souffrir. Une mort indigne dans la solitude.

A Quimper




"Grâce aux moyens de procédure mis à sa disposition par le Parlement, je crains qu’aucun des amendements présentés par des députés favorables à l’euthanasie et au suicide assisté ne soit adopté.
Si tel devait être le cas, la triste loi de 2005 sera-t-elle légèrement modifiée par celle de 2015 : une aide passive à mourir au moyen d’une sédation accompagnée d’une dénutrition et d’une déshydratation, des directives anticipées opposables et contraignantes (voir ces termes page 17) mais sous conditions : qu’elles ne soient pas déclarées par les médecins comme « manifestement inappropriées » et dès lors qu’il n’y aura pas d’ « urgence vitale »…
Assurément, la volonté du patient ne sera respectée, comme aujourd’hui, que si elle convient au chef de service. [...]

encore une loi qui protègera le médecin et infantilisera le patient."

(Jean-Luc Romero, Président de l'ADMD)