dimanche 31 août 2014

Du jour au lendemain, ne plus entendre la voix de la nuit

Terrible nouvelle! Il n'y a pas mort d'homme mais tout de même, quelle déception, quelle tristesse d'apprendre, en écoutant (avec beaucoup de retard) Alain Veinstein dans son entretien avec Pascal Quignard, que son émission ne figurerait sans doute plus (c'est confirmé) dans la "grille" de rentrée de France Culture. Cette voix, ce ton, cette intimité dans la nuit va me manquer, aux amoureux de la littérature aussi.


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Alain Veinstein


"Pour faire ses adieux à l'antenne de France Culture, où il a présenté la quotidienne "Du jour au lendemain" pendant 29 ans, Alain Veinstein avait décidé de s'auto-interviewer. La direction de la station publique n'avait pas du tout apprécié l'initiative et avait trappé la dernière, rediffusant à la place une émission datant du mois de novembre où le "producteur" interrogeait le romancier et scénariste Pierre Lemaître.
France Culture a finalement mis en ligne sur son site internet l'auto-interview d'Alain Veinstein pour la dernière* de "Du jour au lendemain"."  
Rectification : Un jour, sans lendemain! * A écouter séance tenante!

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Après avoir écouté son entretien avec Pascal Quignard, je passais à celui de Peter Handke. J'empruntais le lendemain à la médiathèque deux livres de cet auteur : Essai sur la fatigue et L'Histoire du Crayon. Je n'ai pas trouvé les ouvrages dont il était question dans l'entretien  : Essai sur le Lieu Tranquille et La Grande Chute. Ce sera pour plus tard... L'Essai sur la fatigue est au plus près de mes préoccupations du moment et le malheureux qui connaît l'insomnie se retrouvera dans cet extrait :

"Il n'était pas question du sommeil comme issue : d'abord ce genre de fatigue se manifestait par une sorte de paralysie qui, en règle générale, ne permettait pas même de recroqueviller le petit doigt, oui, à peine de battre des paupières; la respiration même semblait bloquée, on se sentait figé jusqu'au plus intime de soi-même, une colonne de fatigue; et parvenait-on, une fois encore, à faire le pas jusqu'au lit, après un premier endormissement rapidement expédié, semblable à un évanouissement - nulle sensation de sommeil - on tombait, la première fois qu'on se retournait, dans l'insomnie, des nuits entières, car la fatigue dans la solitude de la pièce, survenait toujours en fin d'après-midi, ou tôt le soir avec le crépuscule. D'autres ont déjà raconté l'insomnie : comment, à la fin, elle détermine même la vision du monde de l'insomniaque, au point, qu'avec la meilleure volonté du monde, il ne peut plus voir l'existence que comme un malheur, toute action comme dénuée de sens, tout amour comme ridicule. Comment l'insomniaque reste étendu là, jusque dans la lumière blême de l'aube qui pour lui ne signifie que malédiction, malédiction qui le dépasse, lui, seul dans l'enfer de son insomnie, malédiction d'une espèce humaine manquée, reléguée sur une planète qui n'est pas la bonne... Moi aussi, j'ai été dans ce monde des insomniaques (et je ne cesse d'y être, maintenant encore)."

Peter Handke, in Essai sur la fatigue, éditions Gallimard, 1989.