lundi 25 août 2014

De, l'écriture

 http://lalucarnedesecrivains.files.wordpress.com/2013/02/marguerite-duras-1969-45-ans-2.jpg
 Marguerite Duras, 1955 © Lipnitzki—Roger Viollet / Getty Images

"La solitude de l'écriture c'est une solitude sans quoi l'écrit ne se produit pas, ou il s'émiette exsangue de chercher quoi écrire encore. Perd son sang, il n'est plus reconnu par l'auteur. Et avant tout il faut que jamais il ne soit dicté à une secrétaire, si habile soit-elle, et jamais à ce stade-là donné à lire à un éditeur.

Il faut toujours une séparation d'avec les autres gens autour de la personne qui écrit des livres. C'est une solitude. C'est la solitude de l'auteur, celle de l'écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c'était ce silence autour de soi. Et pratiquement à chaque pas que l'on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu'elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l'écrit. Je ne parlais de ça à personne. Dans cette période-là de ma première solitude j'avais déjà découvert que c'était écrire qu'il fallait que je fasse. J'en avais déjà été confirmée par Raymond Queneau. le seul jugement de Raymond Queneau, cette phrase-là : " Ne faites rien d'autre que ça, écrivez."

Écrire, c'était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l'enchantait. Je l'ai fait. L'écriture ne m'a jamais quittée."

Marguerite Duras, Écrire, Gallimard 1993.